Crash The Server dans Carole and Tuesday

            Dans les années 1960, un mouvement émerge du sud du quartier du Bronx à New York, et, avec lui, une culture du même nom qui évoluera grandement à travers le XXIe siècle : le Hip-hop. Lorsqu’on nous parle de Hip-hop, la majorité des gens pense systématiquement aux gangsters, aux graffitis et au rap, et, dans une certaine mesure, ils ne sont pas entièrement loin de la réalité. Cependant, dans mon cas, ma première pensée est un rappel d’une scène particulière de Carole and Tuesday (2019) de Shinichiro Watanabe, plus spécifiquement l’épisode 20 « Immigration Song ». Dans cette scène, Ezekiel, un immigrant de la Terre vers Mars, défie la campagne politique aux lois sur l’immigration contre les réfugiés de la Terre de Valerie Simmons et rappe spécifiquement sur la censure demandée aux artistes. Cette approche de nature dénonciatrice correspond exactement au mode de pensée de la culture Hip-hop. Avec cela en référence, le Hip-hop est-il universaliste ou est-il inévitablement ancré à la culture américaine ? Sa réappropriation serait-elle justifiée dans le cadre d’une autre époque ?

Lonestar Jazz dans Carole and Tuesday

Étant une personne qui écoute une large variété de genres musicaux, la remise en question de la source et de l’histoire d’un genre particulier ne m’est jamais réellement venue à l’esprit. Comme nous le savons tous, le Hip-hop provient de la jeunesse afro-américaine de l’époque et se répand à travers le monde pour devenir un des mouvements culturels les plus marquants de l’histoire. Avec son passage dans divers pays, nous sommes invités à se demander si son influence est universelle et objective ou si le Hip-hop a étendu avec lui la culture américaine. Prenons l’Europe en exemple : le Hip-hop européen se réapproprie-t-il de tous les sujets que le Hip-hop américain abordait ? La réponse est non, car les artistes de ces pays n’ont pas eu le même vécu personnel que ceux des États-Unis. Cependant, cela veut-il dire que la culture américaine n’a pas affecté l’Europe par le Hip-hop ? Encore une fois, « non » demeure la réponse, car, malgré que les rappeurs européens n’aient pas vécu nécessairement les mêmes problèmes, ils discutent des mêmes valeurs de justice sociale, de paix, de respect, d’estime de soi, de communauté et de plaisir. Alors, il est juste d’établir que le Hip-hop aie une influence américaine mais qui est universelle par rapport aux valeurs et aux messages abordés. Maintenant, l’utilisation de ses thèmes dits « hip-hopisés » est-elle justifiée ou peut-elle l’être pour tous ? Pour répondre à ce questionnement, j’aimerais introduire l’exemple de l’appropriation du genre Hip-hop dans la culture populaire des animés, plus particulièrement chez le réalisateur la série animé Samurai Champloo (2004), Shinichiro Watanabe. Comme vous l’avez sûrement remarqué, le réalisateur est le même que celui de Carole and Tuesday et ce n’est pas un hasard, car c’est justement en mettant en évidence des genres musicaux dans ses œuvres qu’il se démarque par son style. Dans cette mesure, il associe le chanbara, qui est un genre cinématographique de batailles de sabres, avec le Hip-hop moderne pour réaliser une œuvre qui se distingue de toutes les autres et ce, tout en conservant les thèmes du genre musical. En ce sens, le réalisateur utilise des éléments scénaristiques pour rappeler les thèmes récurrents du Hip-hop : les relations de samouraï (noble) et de pirates vagabond (pauvre) évoque les relations dominants-dominés, tandis que les personnages aux caractères indépendants, tels que la figure du samouraï dans Samurai Champloo et celui du cowboy dans Cowboy Bebop, illustrent les valeurs individualistes. Non seulement s’est-il réapproprié de thématiques propres au Hip-hop, mais il a également démontré que cela peut se faire dans le respect et sans l’utilisation de stéréotypes « gangsters ». Ainsi, les séries animées de Shinichiro Watanabe pourraient être des exemples d’une réappropriation culturelle justifiée et réussie du Hip-hop dans la culture populaire.

Battlecry dans Samurai Champloo

            Après avoir abordé le sujet de l’universalité du Hip-hop, le prochain aspect est inévitablement sa temporalité. Afin d’expliquer mon point de vue par rapport à ce sujet, je vais réutiliser les exemples précédemment abordé, c’est-à-dire les séries de Samurai Champloo et de Carole and Tuesday, ainsi que de Devilman Crybaby (2018) de Masaaki Yuasa. Dans les trois séries, le genre musical est implanté dans plusieurs cadres temporels différents, respectivement le passé, ou l’Époque d’Edo (1603-1868) pour Samurai Champloo, le présent (XXIe siècle) pour Devilman Crybaby et le futur (2071) pour Carole and Tuesday. Le cadre futuriste est largement plus pertinent à aborder, puisque le Hip-hop ne peut être situé dans le passé sans être anachronique, tandis que son existence au présent est en soi déjà une réalité. Il est intéressant d’observer que, même dans une société aussi moderne que celle de Carole and Tuesday, le Hip-hop demeure une forme d’art engagé autant politiquement que socialement. En ce sens, malgré la nature fictive du scénario, la série nous invite à réfléchir sur la pertinence de se questionner et de s’exprimer par rapport aux problèmes sociopolitiques. Ainsi, on retrouve dans cette réflexion l’essence même du Hip-hop, un message intemporel : la volonté de dénoncer et de transmettre sa réalité ou son message.

            En somme, le Hip-hop est maintenant largement utilisé à travers la culture populaire, et cette réintroduction d’un mouvement culturel et social aussi important dans des formes artistiques autres que la musique est justifiée dans la mesure où elle nous permet de le voir pour bien plus qu’un simple genre musical. De plus, l’intemporalité de la nature sociopolitique permet à celui-ci de demeurer pertinente, et ce, peu importe le cadre sociétale dans lequel il est ancré. Personnellement, je n’ai abordé que la relation unilatéral du Hip-hop dans la culture populaire des animés japonais, mais cela suggère également que la réflexion opposée est tout aussi intéressante : la culture populaire a-t-elle une influence sur la musique hip-hop qui est pertinente à aborder ? L’utilisation de références pop dans les paroles des artistes modernes permet-elle une communication plus complexe des problèmes sociopolitiques du XXIe siècle ?

One Reply to “Le Hip-hop: une culture universelle et intemporelle ?”

  1. Il faut faire l’exercice de lecture et d’écoute de cet article permettant de faire une expérience esthétique et philosophique!

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