En France, aux États-Unis et dans une multitude de pays développés, les examens vaginaux non autorisés par les patientes sont toujours pratiqués par des élèves en médecine, ceci étant permis par les institutions concernées.

«Lorsqu’on lui parle des «touchers vaginaux sur patientes endormies», cette affaire qui avait révolté l’opinion en 2015, Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), se justifie immédiatement: «Ça fait partie du geste opératoire, il faut faire un examen gynéco avant«.

Certes, lui répond-t-on, mais les externes (étudiantes et étudiants en médecine) doivent demander un consentement spécifique. «Je ne suis pas conscient de ça, il n’y a jamais eu de consentement spécifique», lâche-t-il, ignorant visiblement cette partie du code de déontologie de la médecine et l’article L1111-4 du code de la santé publique, qui affirme que «l’examen d’une personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique requiert son consentement préalable». Plus tard, lorsqu’on lui enverra l’url de cet article du code, il répondra: «Eh bien je ne sais pas comment faire».

Cette scène illustre à quel point le consentement continue encore de coincer auprès des gynécologues.

Rappelons le droit: le code de santé publique précise que le consentement «porte également sur la participation éventuelle du patient à la formation d’étudiants ou de professionnels de santé», un consentement qui doit être donné de manière explicite, et ne peut être jugé comme déjà octroyé par le seul fait de se rendre dans un établissement où sont présents des élèves.

En France, ce consentement à prêter son corps à l’apprentissage des étudiantes et étudiants en médecine est régulièrement bafoué, comme l’attestait un rapport réalisé par le professeur Jean-Pierre Vinel, alors président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, révélé par Slate il y a trois ans. Pour les étudiants de première, deuxième et troisième années qui effectuent des examens pelviens sur une personne sous anesthésie générale, le rapport recensait 33% de touchers vaginaux, rectaux et autres examens du pelvis ou des «orifices herniaires», sans consentement. Pour les étudiants de quatrième, cinquième et sixième années, il trouvait 20% de cas problématiques. D’autres études vont dans le même sens.»
(Slate, article publié le 27 novembre 2018)

Il nous semble inconcevable et révoltant que des êtres humains se fassent donner la permission de pratiquer des examens gynécologiques sans le consentement des patientes. Bien que des examens non consentis existent aussi chez les hommes sous forme de touchers rectaux, le toucher vaginal non consentis s’inscrit dans un phénomène généralisé d’ignorance de la notion de consentement féminin. Par ailleurs, nous réalisons l’existence d’un lien entre les violences obstétriques et l’objectivation de la femme qui découle de la conception de la nature apparue au début de la Renaissance dans laquelle la femme est considérée comme un objet d’étude qu’il est possible de contrôler, de soumettre à sa volonté. Nous pensons aussi que la chasse aux sorcières des siècles passés a permis à concrétiser ce désir de soumettre la femme et de lui faire violence, car ce mouvement populaire a considérablement normalisé ce genre de traitement.

À ce sujet, la femme s’indigne généralement, mais le malaise persiste : il semble qu’on ne sait comment aborder la question du consentement sans se heurter au mur des préoccupations de formation médicale. Quant à elle, Mona Chollet écrit dans son livre que le fait que la majorité des médecins soient des hommes est un élément important de la problématique. En effet, ce sont les hommes qui, historiquement, ont tenté d’objectiver la femme et qui l’ont violentée, entre autres, durant l’Inquisition. Prenons l’exemple suivant, «cet épisode vécu par une jeune femme lors d’une consultation chez son gynécologue :
«La dernière fois, pendant que j’allais demander un autre rendez-vous à la secrétaire, il est entré dans le bureau confrère et il s’est mis à lui décrire mes seins. Je les ai entendus rire. La secrétaire était pétrifiée, j’ai compris que ce n’était pas la première fois qu’elle entendait ça. Je n’y suis jamais retournée.» »

De notre point de vue, la fonction sociale de cette problématique sert évidemment les hommes et les médecins qui la perpétuent. En effet, alors que les médecins y gagnent des connaissances, les hommes, dans une mesure plus large, y gagnent la perpétuité de leur suprématie sur les femmes.

Comme en témoigne l’existence de l’article cité ci-haut, qui fut écrit en réponse à l’inaction sociale vis-à-vis du problème soulevé dans un article écrit 3 ans plus tôt, on peut déduire que l’intérêt public n’est pas énormément concerné par cette problématique pourtant grave. D’ailleurs, la réponse du président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français illustre très bien l’ignorance et le désir d’y rester des gens concernés par la question.

Devant tout ceci, nous espérons que des discussions soient amorcées entre les victimes de violence obstétrique et les institutions médicales nationales afin de trouver une solution bâtie autour du consentement, une notion apprise par les enfants dès leur plus jeune âge, mais au sein de laquelle on semble oublier le respect de l’intimité féminine. Autrement, nous souhaitons que les gens soient sensibilisés à la réalité de la violence obstétrique et au fait que celle-ci découle d’une attitude sociale archaïque. Après tout, cette problématique s’inscrit dans une problématique beaucoup plus large, celle de la culture du viol, et il serait pertinent d’établir le parallèle entre celles-ci pour ce qui est de leur contexte socio-historique commun, un contexte d’objectivation et de désir de suprématie.



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