L’idéal autochtone est un idéal parmi les idéals. La réconciliation est un fantasme occidental carburé sur la premisse d’un manque à définir dans nos réalités, un manque à combler, un fossé à remplir. Mais ce fossé est-il seulement un rappel d’air, la possibilité d’une plus-value abstraite sur lequel construire des nouvelles productions, engendrés des nouveaux fantasmes et des nouveaux manques? Est-ce qu’on ne rapprocherait pas au fond à la société de ne pas désirer le changement ? Et le changement existe-t-il réellement ou est-il produit lui-aussi, production indifféré des autres productions? Et alors, qui produira le changement? Qui le désir, et dans quelle mesure il est possible de le désirer? Seul la production désirante peut-être source de production, car le désir est production, production du réel, individuel. Un premier constat me viens : on ne peut attribuer la faute d’une production désirante sur son producteur sinon on le nie dans sa vitalité, dans sa production même. Faut-il passer par l’anti-production pour se transformer ? Faut-il, en quelques sortes, freiner le désir ? Le désir serait alors teinté d’anti-production, puisque le désir serait, à la source, anti-production, donc négation du réel. La destruction n’existe pas théoriquement… Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme.

Et si tout ceci ne serait pas une forme de négationnisme, une capitulation… Et si la pensée occidentale était ce qui brimait l’existence d’une réalitée sacrée, plus vrai que vraie (je suis synique), dans lequel les esprits résides et pleurent en silence la destruction des écosystèmes… c’est bien à la production qu’on attribue la desctruction, et donc l’antiproduction de réalité.

Mais la situation qui nous concerne est nerveuse. L’opposition que j’essaie de mettre en évidence : lutte du vivant – destruction des écosystèmes, anti-production – production; un autre schéma pourrait aussi fonctionner : lutte du vivant – destruction des écosystèmes, production désirante – antiproduction (corps sans organe). Cette lutte de définition est au coeur même de la question d’une possible revirement humanitaire, d’une prise de conscience globalisée. En fait, il y a peut-être débat de mots ici, puisque les termes comme décroissance renvoie à une logique socialiste de la gestion de la production par un organe globalisée qui distribuerait les produits de cette dite production aux sujets de sa gouvernance (en fait c’est plutot communiste), ou alors gérerait les quantités produite, et s’occuperait de réguler les marchés et de réguler les salaires. Une autre opposition se dessine, puisque le système socialiste impliquerait une destruction de la plus-value, presque, du capital, ou en tout cas réduirait sa prévalence dans les sphères de production et comme Deleuze disait qu’il n’y a que de la production désirante individuelle et que le production sociale n’est que la production désirante à une autre échelle, et bien le corps sans organe, le magnétisme fétichiste, serait réduit dans sa prévalence, mais alors il faut définir la production comme capable de se nier dans sa production, comme le désir capable de rendre inaccessible l’objet du désir au désir. Et c’est bien exactement ce que nous dis Deleuze et Guattari dans L’anti-Oeudipe, le capital, le corps sans-organe créé une absence, une déconnexion entre le producteur et son produit, entre le produire et la production, entre la consommation et la production, entre l’enregistrement et la production. Donc, la solution est le socialisme ? La solution est une répression de la machine miraculante (corps sans organe) ? Et tout cela doit se faire dans le désir ? Dans le désir de nier une autre production ? N’est-ce pas l’apparition d’une autre machine miraculante, une autre plus-value, un autre capital ? Celui du choix ? Le capital du choix entre les productions, et non du libre cours du désir dans la perpétuité, une forme de déconnexion entre le désir et la production, donc une nouvelle séparation idéaliste, puisque dans la vision de Deleuze, le désir ne peut-être nié, mais alors ou est la donnée changeante, ou est le changement… Cela voudrait dire que seules les forces de l’histoires pourront venir à bout du corps sans organe. Mais peut-être sommes-nous justement rendu historiquement à un éveil généralisé, globalisé… Cet éveil doit être déjà en cours. Puisque rien n’existe autrement que par le désir.

Mais je dois ré-intégrer la question autochtone dans la réflexion. De l’idéal d’une réconciliation je pourrais opposer un production désirante, une machine célibataire, c’est-à-dire une réconciliation interne, une réconciliation, une acceptation de la machine comme machine détraquée, comme lutte internalisée, mais vécu comme harmonie, vécu comme production de soi, une réconciliation entre la machine technique sociale, donc l’idéalisme sociale, et celle de la production désirante. C’est cela qui trouble, l’assemblage entre la machine célibataire et le capital, l’individualisme serait, selon ce qui est communément admis, un véhicule de déterritorialisation et donc, un véhicule parallele ou causal de la machine capitaliste image elle-même de la machine miraculante (corps sans organe). La logique capitaliste voudrait, ou bénéfierait d’une reterritorialisation partielle sur laquelle produire un nouvel idéalisme, un nouveau fantasme qui augmenterait le possible d’une reprise, d’une augmentation de la plus-value; plus directement. Et il faut ajouter que la plus-value est très directement une expression de l’antiproduction et de l’idéalisme, elle est le fossé qui sépare la production de la réalité. Mais la reterritorialisation associée à la remise en fonction d’une machine célibataire glorieuse serait plus justement une individualisation du processus de production, une prise de conscience de la production individuelle contre la machine technique sociale. Cette individuation est une vision décalée de ce qu’on entend part réconcialiation avec les communautés autochtone; elle vise le partage de production, donc la conscience d’une production commune et non la destruction d’un modèle productif. Le territoire est entendu comme relation entre le territoire intérieur et le territoire extérieur, donc une désindividualisation passant par une réindividualisation. Voici, je crois que j’ai brisé l’opposition. Et c’est cela qu’il faudra faire, je crois à répétition.

Cette repotentialisation crééra nécessairement un retour au territoire, il s’agit de confondre les fausses territorialités produites par le capitalisme idéaliste, mais tout ça dans la notion que le désir et la production sont fondamentalements nécessaires à la reterritorialisation, que nous sommes à l’image des machines que nous produisons et qui nous produisent, qu’elles existent parce que nous les désirons, et pas comme machine technique sociale (pet et répète s’en vont en bateau).

Deleuze, Gilles. Guattari, Félix. L’anti-Oeudipe. Éditions de minuit. Collection critique. 1972

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