Dans cette enquête, j’apporte une analyse des notes de cours du 18 et 25/04. À la fin, j’essaie de faire une analyse comparative entre deux poèmes des autrices indiennes : Leanne Betasamosake Simpson, écrivaine canadienne, et Márcia Wayna Kambeba, poétesse brésilienne.
La relation entre les sociétés coloniales et les cultures autochtones est une histoire complexe et souvent douloureuse, marquée par l’imposition, l’assimilation et la marginalisation. La question de la reconnaissance, au cœur des revendications autochtones, se pose comme un défi crucial pour bâtir une société plus juste et inclusive. Cependant, cette reconnaissance est souvent entravée par des impasses, notamment la difficulté de ne pas tomber dans l’objectivation des peuples autochtones.
Dans la période de l’histoire marquée par l’imposition de la souveraineté canadienne, les relations entre les autochtones et le gouvernement étaient caractérisées par l’exploitation du territoire, la mise en place de réserves et la logique colonialiste. Les politiques gouvernementales ont souvent conduit à la dépendance des peuples autochtones vis-à-vis de l’État, créant ainsi une relation de tutelle qui a été difficile à rompre. Cette dépendance a été renforcée par des politiques telles que la loi sur les Indiens, qui réglementait tous les aspects de la vie autochtone, de l’éducation à l’accès aux ressources naturelles. Cette relation asymétrique a entraîné une marginalisation économique et sociale des peuples autochtones, les empêchant de s’émanciper de la tutelle gouvernementale. « Le fait que les Autochtones sur tutelle de gouvernement cause une dépendance. Une boucle infinie, une relation toxique. Pour ça devient très difficile pour les peuples autochtones s’émanciper de la loi des Indiens. » (NOTES DE COURS, 18/04/2024)
L’extrait du poème d’An Antane Kapesh, « Je suis une maudite sauvagesse« , offre un regard poignant sur l’expérience vécue par les peuples autochtones face à l’arrivée des colons. Le terme « Blanc », utilisé de manière péjorative, souligne l’opposition binaire entre les deux cultures et l’intrusion brutale des colons sur le territoire autochtone. Kapesh dénonce l’appropriation culturelle et l’imposition du mode de vie colonial comme des stratégies visant à effacer l’identité et la culture autochtones: « L’ARRIVÉE DU BLANC DANS NOTRE TERRITOIRE Quand le Blanc a voulu exploiter et détruire notre territoire, il n’a demandé de permission à personne, il n’a pas demandé aux Indiens s’ils étaient d’accord. Quand le Blanc a voulu exploiter et détruire notre territoire, il n’a fait signer aux Indiens aucun document disant qu’ils acceptaient qu’il exploite et qu’il détruise tout notre territoire afin que lui seul y gagne sa vie indéfiniment. Quand le blanc a voulu que les Indiens vivent comme des Blancs, il ne leur a pas demandé leur avis et il ne leur a rien fait signer disant qu’ils acceptaient de renoncer à leur culture pour le reste de leurs jours. » (ETHIQUE ET POLITIQUE, LAROCHE, R., 2024)
En contraste, le « Rapport final – Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès » présente une analyse plus objective et distanciée de l’histoire des relations entre les Autochtones et le Canada. Le rapport expose les faits historiques et les politiques coloniales qui ont conduit à la marginalisation et à la dépendance des peuples autochtones. Cette analyse socio-historique vise à comprendre les causes des injustices passées et à identifier des pistes de solutions pour l’avenir: « EFFACER LA PRÉSENCE AUTOCHTONE Si le Canada naissant menace les cultures autochtones, à plusieurs égards, les habitants francophones de la province de Québec vivent eux aussi difficilement la seconde moitié du 19e siècle. La situation est à ce point critique, que les élus et les membres du clergé craignent pour la survie du fait français et des valeurs qu’il véhicule. S’ensuit une volonté jusque-là inégalée d’occuper le territoire. Pour les peuples autochtones, le choc est brutal. Au fur et à mesure que s’affirme la volonté politique d’assurer la survie de la culture canadienne-française par la colonisation, c’est l’existence même de ces nations que l’on tend à effacer, d’abord des livres d’histoire, puis du territoire. » (ETHIQUE ET POLITIQUE, LAROCHE, R., 2024)
L’analyse comparative de ces deux textes met en lumière la difficulté de concilier des perspectives et des expériences si différentes. D’un côté, le récit personnel et expressif d’An Antane Kapesh transmet l’impact émotionnel et vécu de la colonisation sur les individus et les communautés autochtones. De l’autre, le Rapport Viens propose une analyse factuelle et objective des structures et des processus historiques qui ont façonné la relation entre les Autochtones et le gouvernement canadien: « La relation s’établit dans le temps durée, avec échanges et transformations. Dans ce cas, il n’existe pas de interaction, communication et réciprocité. Ça ne génère pas la confiance. » (NOTES DE COURS, 18/04/2024)
La cohabitation harmonieuse entre les cultures autochtones et la société dominante exige une transformation profonde des mentalités et des structures. La reconnaissance ne se résume pas à une déclaration symbolique, mais doit se traduire par des actions concrètes visant à réparer les injustices du passé et à créer un avenir plus juste et équitable pour tous: « La réciprocité entre les échanges rapport quelque chose de nouveau, les deux acteurs seront transformées, mais entre manières de penser différentes, c’est difficile. » (NOTES DE COURS, 25/04/2024)
Le chemin vers la reconnaissance authentique est long et complexe. Il nécessite une écoute attentive des voix autochtones, une volonté de déconstruire les stéréotypes et une ouverture à de nouvelles façons de penser et de vivre. Ce dialogue interculturel est essentiel pour bâtir une société plus respectueuse de la diversité et plus inclusive pour tous.

jiibay ou aandizooke, de Leanne Betasamosake Simpson
tout le long de la rive nord de pimaadashkodeyaang
(certains l’appellent rice lake)
tout le long de la rive nord de pimaadashkodeyaang
il y a ces buttes mortuaires
gore’s landing, roach point, sugar island,
cameron’s point, hastings, le vesconte.
de grosses buttes. très vieilles buttes.
buttes
qui bercent les os
de ceux qui sont venus avant nous.
[…]
cet été-là certains colons
qui vivent juste au-dessus des buttes mortuaires à hastings
juste au-dessus
étaient en train de creuser
rénover
défoncer à la pelle mécanique
nouvelle terrasse. nouveau patio. nouveau paysage.
et ils ont trouvé un crâne.
[…]
est-ce que j’ai bien vu?
mon crâne est dans une boîte de carton
dans ce sous-sol?
mes os sont en-dessous
d’une bâche orange du canadian tire
craquelés
plastique qui claque dans le vent.
ma tombe profanée
mon crâne dans le sous-sol d’une madame blanche
mes os en-dessous d’une bâche orange du canadian tire
craquelés
plastique qui claque dans le vent comme un râteau sur le trotoir.
[…]
comment en sommes-nous arrivés là?
qu’es-tu venue nous dire?
pourquoi es-tu ici?

Educação Indígena, de Márcia Wayna Kambeba
Ainda pequeno na aldeia
Na vivência com os irmãos,
Plantar macaxeira, tirar lenha,
Comer peixe com pirão,
É ensino, é educação.Ir pra beira tomar banho,
Pegar cará e mandí,
Ver o sol se esconder
E esperar a lua se vestir,Se vem cheia é alegria
Coisa boa vem por aí,
E com sua luz toda aldeia,
Vai cantar, dançar, se divertir.Aprender a colher o tento na mata,
Fazer cocar de miriti,
A juntar as penas que vem das aves,
Seguindo as orientações de WaimíÉ da floresta que vem
A palha que a Uka vai cobrir,
Tecer nelas nossas memórias
Na folha de urucaríNa aldeia é assim a educação
Que desde séculos aprendi,
Conviver com a natureza
Sem agredir, nem exaurir,[…]
Hoje estamos nas Universidades,
Levamos junto nosso lugar,
A construção do conhecimento é uma teia,
Que liga a tua cidade com minha aldeia.Sendo que minha identidade se constrói
Nas peculiaridades que em mim permeia,
Minha casa na cidade é também a minha
aldeia,
Não perdemos nossa essência,
Somos o fino grão de areia!(Encore petit dans le village
Dans la vie avec mes frères,
Planter du manioc, couper du bois,
Manger du poisson avec du pirão,
C’est l’enseignement, c’est l’éducation.Aller au bord prendre un bain,
Attraper des crabes et des poissons,
Voir le soleil se coucher
Et attendre que la lune se pare,Si elle vient pleine, c’est la joie
Quelque chose de bon arrive,
Et avec sa lumière tout le village,
Va chanter, danser, s’amuser.Apprendre à récolter les fibres dans la forêt,
Faire des coiffes en feuilles de palmier,
Rassembler les plumes des oiseaux,
En suivant les conseils de WaimíC’est de la forêt que viennent
Les feuilles dont l’Uka va se couvrir,
Tisser en elles nos souvenirs
Sur la feuille d’UrucaríDans le village c’est ainsi l’éducation
Que depuis des siècles j’ai apprise,
Vivre avec la nature
Sans l’agresser ni l’épuiser,[…]
Aujourd’hui nous sommes dans les Universités,
Nous emportons avec nous notre lieu,
La construction du savoir est une toile,
Qui relie ta ville avec mon village.Car mon identité se construit
Dans les particularités qui me traversent,
Ma maison en ville est aussi mon
village,
Nous ne perdons pas notre essence,
Nous sommes le fin grain de sable!)
Dans « jiibay ou aandizooke« , Simpson réactualise la colonisation. Elle évoque la profanation des sépultures autochtones par les colons, illustrant ainsi la violence et le manque de respect envers les traditions et les croyances des peuples autochtones au Canada. Le poème souligne la manière dont les restes humains autochtones sont traités avec négligence et désacralisés, symbolisant ainsi la colonisation continue et la dépossession des terres et des identités autochtones.
D’autre part, « Educação Indígena » de Márcia Wayna Kambeba célèbre la richesse de la culture et de l’éducation autochtones au Brésil, mettant en avant les connaissances traditionnelles transmises de génération en génération dans les communautés autochtones. Le poème souligne la connexion profonde avec la nature et l’importance de préserver l’environnement tout en reconnaissant la lutte pour l’accès à l’éducation dans les contextes urbains.
La comparaison des deux poèmes révèle des différences dans la manière dont les poètes représentent les réalités autochtones. Simpson se concentre sur les impacts négatifs de la colonisation, tandis que Kambeba met l’accent sur la force et la résilience des communautés autochtones. Cette différence de perspective reflète peut-être les contextes historiques et politiques distincts du Canada et du Brésil. Au Canada, les peuples autochtones ont été soumis à des politiques d’assimilation et de marginalisation plus sévères, tandis qu’au Brésil, il existe une plus grande reconnaissance de la diversité des cultures autochtones. Cette réalité se reflète dans le poème de Kambeba, qui célèbre la richesse et la vitalité de la culture autochtone dans son quotidien. La poétesse met en valeur les savoirs traditionnels liés à l’agriculture, à la pêche, à la médecine et à la spiritualité, transmis de génération en génération au sein de la communauté.
Il est important de souligner que cette différence de perspective ne signifie pas que les peuples autochtones du Brésil n’ont pas subi les effets de la colonisation. Cependant, la reconnaissance officielle de leurs droits et la présence d’une plus grande diversité culturelle au sein du pays permettent une représentation plus positive et affirmée de leur identité dans le poème de Kambeba. Le Brésil abrite la plus grande population autochtone d’Amérique, avec plus de 800 000 personnes réparties en plus de 300 groupes ethniques distincts. Cette diversité se manifeste dans la variété des langues, des traditions, des croyances et des modes de vie des peuples autochtones brésiliens.
Ces deux poèmes, bien que distincts dans leur approche, soulignent l’importance de la reconnaissance des cultures autochtones dans toute leur diversité. La reconnaissance ne doit pas se limiter à une acceptation formelle, mais doit se traduire par des actions concrètes visant à réparer les injustices du passé et à créer un avenir plus juste et équitable pour tous. Le chemin vers une cohabitation harmonieuse entre les cultures autochtones et la société dominante exige un dialogue interculturel respectueux et ouvert. Ce dialogue doit permettre de dépasser les stéréotypes et les préjugés, de reconnaître la valeur des savoirs autochtones et de construire des relations fondées sur la réciprocité et la compréhension mutuelle. En reconnaissant les droits et les cultures autochtones, en soutenant leurs luttes pour la justice et en s’engageant dans un dialogue interculturel constructif, nous pouvons bâtir une société plus inclusive et respectueuse de la diversité pour tous.
C’est pourquoi il serait intéressant de se demander :
Comment la résistance politique est-elle liée dans le contexte de la lutte des peuples autochtones pour la reconnaissance de leurs droits et de leur identité culturelle ?
Sources:
- Notes de Cours
- Éthique et politique, Rémi Laroche, 2024 – http://www.philo-cvm.ca/
- The National Centre for Collaboration in Indigenous Education, 2024 – https://www.nccie.ca/videos/land-based-education-in-denendeh-interview-with-dr-glen-coulthard/
- Cartographie de l’Amour Décolonial, SIMPSON, L.B., 2018, p. 64-67
- Educação Indígena, KAMBEBA, M. W., 2021
- Rapport Final, Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics: écoute, réconciliation et progrès, 2019 – https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Rapport/Rapport_final.pdf
- Leanne Betasamosake Simpson sur les chemins de l’identité, Le Devoir, 2018 – https://www.ledevoir.com/lire/519687/leanne-betasamosake-simpson-sur-les-chemins-de-l-identite
- Rethinking the Brazilian Amazon: A Conversation with Indigenous Poet Márcia Wayna Kambeba, World Literature Today, 2019 – https://www.worldliteraturetoday.org/2019/summer/rethinking-brazilian-amazon-conversation-indigenous-poet-marcia-wayna-kambeba-tiffany
- Indigenous Census, News Agency IBGE, 2023 – https://agenciadenoticias.ibge.gov.br/en/agencia-news/2184-news-agency/news/37575-brazil-has-1-7-million-indigenous-persons-and-more-than-half-of-them-live-in-the-legal-amazon