Récemment, le film de Barbie m’a beaucoup fait questionner sur les réalités que les femmes vivent encore aujourd’hui. Oui, je savais que les femmes avaient souvent plus de défis à surmonter que les hommes, cependant je n’avais pas réalisé à quel point le patriarcat m’avait lavé le cerveau.  Ce film met en lumière plusieurs réalités de la condition féminine dans notre monde soi-disant civilisé.

« Être une femme c’est terriblement compliqué. […] En fait, il faut toujours qu’on soit extraordinaires, mais, en même temps on fait toujours les choses de travers. Il faut être mince mais pas trop mince, et tu ne peux jamais dire que tu veux être mince, tu dois dire que tu veux être en bonne santé, mais en même temps tu dois être mince. Tu dois avoir de l’argent mais tu ne peux pas demander de l’argent, parce que ça, c’est vulgaire. Tu dois commander mais il faut pas que tu sois dure, tu dois diriger mais tu peux pas imposer tes idées. Tu es censée adorer le fait d’être mère mais ne pas passer tout ce foutu temps à parler de tes gosses. »

Cette réalité que vivent les femmes vient en fait de la mythologie avec les magiciennes Médée et Circé. Ces deux créatures mythologiques sont l’opposé l’une de l’autre à tous les niveaux. D’un côté, Circée est charmante, douce et séductrice, elle connait la pitié et obéit (se laisse fléchir), ses actes sont subtils et légers. De plus, elle sert de guide et elle est venu rendre la liberté. De l’autre côté, Médée vit ses passions intensément, « ne connait que le désir aveugle et la vengeance dans laquelle la déception vient s’abreuver de la haine qui l’anime » (Arnould, 2009). Elle mène à leur perte tous ceux qui s’en approche, elle souhaite le malheur, ordonne, asservit et foudroie, elle est maléfique (Arnould, 2009). C’est cependant à ces deux créatures contradictoires que les sorcières ont été associées. Être belle ou être laide veut dire être une sorcière, tout comme être gentille ou être méchante, etc. Dans n’importe quelle situation, la femme est perdante. Dès qu’elle ne répond pas aux exigences des hommes, elle est sorcière. Mais aujourd’hui, nous ne traitons plus les femmes de sorcières et ne les mettons plus au bûcher, cependant nous les critiquons. Toute les actions que pose une femme vont être critiquées, comme le décrit le discours de Gloria dans Barbie. En outre, les critiques de ce film l’ont prouvé tout comme la non-reconnaissance qu’il a eu lors des Golden Globes. Il a été le film le plus rentable de 2023, cependant l’actrice qui jouait Barbie, Margot Robbie, n’a même pas été nominée, mais l’acteur de Ken, Ryan Gosselin, oui (La Rédaction, 2024). De n’importe quelle façon que Margot Robbie ou n’importe quelle autre actrice aurait joué Barbie, ça n’aurait jamais été correct, jamais satisfaisant pour les hommes. Le petit problème ici, c’est que Barbie n’était pas destinée aux hommes, c’était enfin un film par et pour les femmes, mais les hommes n’ont pas apprécié. 

Mais ce n’est pas tout! Une femme doit vivre un certain parcours pour être une « vrai femme ». Avoir des enfants est l’une de ces exigences. Ça fait des années que je répète que je ne veux pas d’enfant, et ça fait des années que j’entend : « attend, tu es encore jeune, tu vas changer d’idée », « avoir des enfants c’est tellement épanouissant pour une femme » et bien d’autre encore. C’est un discours qui est encore beaucoup partagé comme le montre Chollet (2018). Cette condition de la femme est imprégnée dans nos imaginaires notamment à cause de l’image de la sorcière : « Une vraie sorcière déteste les enfants d’une haine cuisante, brûlante, bouillonnante, qu’il est impossible d’imaginer » (Dahl, 1983). Cette caractéristique que l’on retrouve dans tous les contes de fées qui contient une sorcière vient en fait de l’histoire derrière la chasse aux sorcières. Toutes les morts infantiles (dues aux mauvaises conditions sanitaires) ont été associées aux sorcières, c’était elles qui les tuaient « on tenait les sorcières pour coupables de la mort de tant d’enfants, de leur mort si soudaine, si peu de temps après la naissance, qu’ils soient sujets à une telle variété de maladies» (Federici, 2014). C’est ainsi que cette image de la sorcière qui mange des enfants s’est transportée jusque dans notre conception de ce qu’est une femme. On ne va pas mettre au bucher une femme qui ne veut pas d’enfant, mais la critiquer, lui dire qu’elle n’est pas une « vraie femme », ça on le fait. Le film Barbie raconte bien aussi comment les jeunes fillettes se font introduire le rôle de mère dès le plus jeune âge en jouant avec des poupées de bébé. Même si les jouets ont évolué, il reste que c’est encore une réalité que plusieurs vivent, que j’ai vécue.

Se faire critiquer n’est pas la seule chose qui rend être une femme impossible. En effet, les femmes ne sont en sécurité nulle part. Barbie a montré la réalité des femmes lorsqu’elle se fait « cat call » lorsqu’elle arrive dans le vrai monde. Demandez à n’importe quelle femme, toutes vous répondront qu’elles ont déjà vécu une ou des situations comme celle-là. En plus de cela, Il y a des aspects encore plus inquiétants à être une femme lorsqu’on regarde les agressions sexuelles et les féminicides. Tout comme il y avait plus de femmes victimes des bûchers (85% des condamné.es; Chollet, 2018), il y a plus de femmes victimes d’agression sexuelles (85% étaient des femmes en 2022; Institut de la statistique du Québec, 2023). Dès la chasse aux sorcières du 16e et 17e siècle, les femmes ont été soumises aux hommes et ont due subir tout plein de châtiments corporels lorsqu’elles étaient accusées de comploter avec le Diable. Elles étaient violées et torturées au nom de la loi (Federici, 2014), et encore aujourd’hui, elles sont victimes de plusieurs crimes haineux. Ce n’est sans parler des féminicides et de la violence conjugale. Ce n’est que récemment que les médias ont commencer à utiliser le mot féminicide, alors que la violence envers les femmes est là depuis la modernisation de l’État. En effet, au niveau conjugal, les femmes étaient assez bien traitées quand la religion dominait, elles étaient égales à leur mari dans leur union. Cependant, lorsque le politique s’est séparé de la religion, notamment avec la raison et le scientifique qui se sont mis à dominer, la femme a été reléguée à la nature : « un homme est un être humain; une femme n’est pas un homme; donc une femme n’appartient pas à l’humanité, du moins pas tout à fait, donc ressort de cette nature à maîtriser» (Le Bras-Choppard, 2006). Ce mode de pensée à été très dommageable pour les femmes au Moyen-Âge et est encore bien encré dans notre société actuelle. Le 26 janvier dernier marquait le deuxième féminicide de l’année 2024 (Ferah, 2024). En 2022, ce sont 19 126 femmes qui ont été victimes de violence conjugale (Institut de la statistique du Québec, 2023). Mais les femmes exagèrent, ce n’est pas si pire que ça, c’est bien pire ailleurs dans le monde, arrêtez de chialer.

En exposant le patriarcat, le film Barbie réunit toutes les victimes de ce système. Même si la propriété privée reigne, le film rassemble toute une communauté ensemble, crée un esprit de commun où tous peuvent partager leurs expériences. Je conseille ce film à tous qui souhaite en connaître plus sur la réalité des femmes actuellement.


Bibliographie

Arnould, C. (2009). Histoire de la sorcellerie. Éditions Tallandier.

Chollet, M. (2018). Sorcières, la puissance invaincue des femmes. Zones Éditions La Découverte.

Dahl, R. (1983). Sacrées sorcières. Éditions Gallimard.

Federici, S. (2014). Caliban et la sorcière. Entremonde.

Ferah, M. (2024). Une femme tuée à Pointe-aux-Trembles, un homme arrêté. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2024-01-26/feminicide-presume/une-femme-tuee-a-pointe-aux-trembles-un-homme-arrete.php

Gerwig, G. (2023). Barbie. Warner Bros. Picture

Institut de la statistique du Québec. (2023). Crimes sexuels. https://statistique.quebec.ca/vitrine/egalite/dimensions-egalite/violence/agressions-sexuelles

Institut de la statistique du Québec. (2023). Violence en contexte conjugal. https://statistique.quebec.ca/vitrine/egalite/dimensions-egalite/violence/violence-contexte-conjugal

Le Bras-Choppard, A. (2006). Les putains du Diable : le procès en sorcellerie des femmes. Plon.

La Rédaction. (2024). Ryan Gosling peste contre le manque de reconnaissance de Barbie aux Golden Globes : « Dire que je suis déçu est un euphémisme ». La Libre. https://www.lalibre.be/culture/cinema/2024/01/24/ryan-gosling-peste-contre-le-manque-de-reconnaissance-de-barbie-aux-golden-globes-dire-que-je-suis-decu-est-un-euphemisme-CDP4HAJBXJFWJP5XJWKVJVFISE/

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