(ENQUÊTE: notes prises et recherches personnelles sous forme de texte, et questions soulevées)
Les représentations du personnage de la sorcière: Alexia Benech
Dans la mythologie, il y a plus de femmes associées à la sorcellerie et considérées de manières péjoratives que d’hommes. Les hommes possédants des pouvoirs similaires sont souvent représentés comme des héros, des dieux et des figures respectés. Plusieurs de mes recherches m’ont confirmé l’hypothèse que les pouvoirs chez les femmes= pratique maléfique, et pouvoir chez les hommes = don divin, femme = sorcière, homme= magicien. Je ne dis pas qu’être sorcière est mal, surtout maintenant que nous sommes plus conscient du sujet, des impacts positifs comme les mouvements spirituels valorisant le contact humain et la connexion avec la nature (apportant même, parfois, une ontologie plus animiste et bénéfique pour l’écosystème?) . Cependant, les autorités religieuses et politiques ont autrefois tellement sali l’image de la sorcière que celle-ci a eu un énorme impact sur la construction de l’identité féminine. Étant moi-même femme, je suis témoin, parfois victime, de comportements discutables envers les femmes. Je ne comprends pas ces comportements, je ne comprends pas pourquoi nous avons la place que nous avons au sein de la société, pourquoi nous et pas les hommes? Comment en sommes nous arrivés jusqu’ici? Encore aujourd’hui, les femmes doivent naviguer entre les rôles et les comportements de la vie de tous les jours, les attentes envers elles sont contradictoires voire impossibles (voir extrait ci-dessous). Nous n’avons peut-être plus la même idée de la sorcière qu’auparavant, mais les dichotomies sur lesquelles étaient basées les caractéristiques de la sorcière et les conséquences qui en ont découlé ont eu un rôle très important sur la misogynie et les injustices hommes/femmes. Bien que les temps ont changés, cette haine, ce ressentiment envers les femmes allant jusqu’à déclencher des féminicides, est encore présent.
« On retrouve les premiers fragments de la sorcière dans la mythologie grecque, notamment avec les personnages de Médée et de Circé »
Maryse Sullivan, enseignante à l’Université d’Ottawa, Le Devoir
Par dichotomies, je parle de toutes les dualités, les doubles-standards qui sont un reflet d’une longue histoire de représentation et de perception des femmes (peut-être même fausses, j’y reviendrais). Prenons par exemple les figures de la mythologie grecque: Circé représente le pouvoir de la transformation et métamorphose. Fille du soleil, elle est indépendante mais servante (soumise à la volonté des dieux), belle et séductrice (danger!!!), bienveillante et parfois cruelle. Elle était une déesse, et c’est plus tard que les hommes lui donneront une image pejorative de sorcière. Médée, quant à elle, est connue comme une figure complexe et ambiguë (sauts d’humeurs? impulsivité mais de l’époque?), soulignant la profondeur de son désespoir et de sa colère. Capable de grands actes d’amour, mais également de cruautés impitoyables, elle possède une grande intelligence et sagesse, mais peut manifester des actions de folies extrêmes.

Toutes les deux sont considérées comme des sorcières. Pourquoi? Pourquoi une femme laide, méchante, meurtrière, pratiquant la sorcellerie (qui, à l’époque pouvait caractériser l’astrologie ou la manipulation) est considérée comme une sorcière de manière péjorative, mais une femme belle, séductrice, charmeuse et guérisseuse est aussi dite sorcière? Les dualités les plus marquantes de la figure de la sorcière sont: beauté/laideur, séduction/menace, compassion/cruauté. Mmh, bonnes caractéristiques de méchantes sorcières ou simplement des exemples de la complexité de la nature humaine??? Effectivement, les caractéristiques contradictoires de la sorcière reflètent souvent (ou tout le temps) les stéréotypes de genre et les attentes contradictoires imposées aux femmes par la société. La représentation de la sorcière comme une figure puissante mais dangereuse reflète une peur ancestrale et culturelle du pouvoir féminin et de l’autonomie des femmes (cours 4: les femmes sont puissantes, l’image qu’elles sont passives et sans défenses provient de la modernité), représentation qui se manifeste et se compare avec les sirènes, d’ailleurs. Aussi, c’est un moyen d’avoir le contrôle sur la sexualité féminine : les femmes séduisantes et charmeuses sont des menaces pour la moralité traditionnelle et le contrôle patriarcal de la sexualité féminine. Comme l’explique Simone de Beauvoir dans son oeuvre « Le deuxième sexe », associant la figure de la femme fatale à la sorcière ou la sirène : « La femme qui exerce librement son charme : aventurière, vamp, femme fatale, demeure un type inquiétant. », en bref, elles sont victimes de ce pouvoir d’attraction et, d’un autre côté, de leur possible laideur repoussante. En créant cette image, les hommes justifiaient leur domination et leur oppression des femmes. Peu importe, elles étaient le mal, ils sont le bien.
Plus haut, j’ai vaguement mentionné les autorités religieuses et politiques. Évidemment, d’un point de vue religieux, la sorcière a un lien avec le pêché originel (libre choix, si nous sommes pris avec le mal, c’est qu’on la choisi). Elle incarne une dualité entre le bien et le mal qui reflète cette complexité humaine et la capacité de chaque individus à choisir entre le bien et le mal. Mais aussi, les connaissances ésotériques des femmes sont une forme d’autonomie et d’indépendance intellectuelle, donc une opposition directe aux autorités qui, eux, maintiennent leur pouvoir en contrôlant le savoir des croyances populaires. Au moyen-âge, la société est féodale, majoritairement contrôlé par les hommes. Toutefois, Armelle Le Bras-Chopard explique dans son œuvre « Les putains du diable » que c’est l’homme qui est assujetti, car la femme a une plus grande liberté: elle se charge de la maison, de l’agriculture, de la médecine. Elle a une autonomie et un pouvoir que l’homme n’a pas. C’est la modernité (les hommes regardant le moyen-âge) qui présente l’idée que la femme était et est faible et sans défense. Si les femmes avaient réellement été passives et inoffensives, alors pourquoi avoir eu besoin de la chasse aux sorcières (selon Armelle Le Bras-Chopard, la féminité et le fantasme de sa dangerosité seraient le mobile même de cette persécution) ? (cours 4: les femmes sont puissantes, l’image qu’elles sont passives et sans défenses provient de la modernité)
- Qu’est-ce que la culpabilisation et responsabilisation engendre comme conséquences?
- En quoi la science moderne exclut les femmes du processus de la rationalisation?
- Est-ce que la femme était vraiment oppressée au moyen âge? Si non, alors pourquoi l’avoir rendue assujettie à l’homme?
« [Literature] that discredits the victims of the persecution by portraying them as social failures (women « dishonored » Or frustrated in love. »
Citation rapportée de Mary Daly, 1978, dans l’oeuvre « Caliban and the witch ; The great witch-hunt in Europe » Silvia FEDERICI, 2004, page 164.
« Nous commencerons par discuter les points de vue pris sur la femme par la biologie, la psychanalyse, le matérialisme historique. Nous essaierons de montrer ensuite positivement comment la « réalité féminine » s’est constituée, pourquoi la femme a été définie comme l’Autre et quelles en ont été les conséquences du point de vue des hommes. Alors nous décrirons du point de vue des femmes le monde tel qu’il leur est proposé ; et nous pourrons comprendre à quelles difficultés elles se heurtent au moment où, essayant de s’évader de la sphère qui leur a été jusqu’à présent assignée, elles prétendent participer au mitsein humain. »
Résumé de l’oeuvre « Le deuxième sexe I », Simone DE BEAUVOIR, Paris, 1949.