
Cette femme ressemble à une sorcière!
Avez-vous déjà entendu cette interjection? Cela vous rappelle-t-il quelque chose de positif ou de négatif?
Souvent utilisée de manière péjorative, l’accusation qu’une femme ressemble à une sorcière est souvent associée à une critique de son apparence: peut-être qu’elle est mal habillée, que ses cheveux sont désordonnés, ou simplement qu’elle ne répond pas aux attentes de quelqu’un.
Les préjugés contre les sorcières, enracinés dans l’histoire, persistent dans notre culture contemporaine. Ces stéréotypes ont solidifié l’image de la sorcière comme étant laide, maléfique et difforme. L’association entre la laideur et la sorcellerie a souvent été utilisée pour marginaliser les femmes considérées comme différentes ou indépendantes. Dans la Condition Mythologique de la figure de la sorcière, on est présenté à Médée, une magicienne de la mythologie grecque, femme dangereuse, infanticide, qui célèbre la laideur (NOTES DE COURS – 15/02/2024). « […] Médée est âgée et d’une laideur repoussante. Contrairement à ses prédécesseurs, l’auteur tend à la rapprocher du statut de sorcière, tel qu’on peut l’envisager dans l’imaginaire germanique, plutôt que de celui d’enchanteresse » (Books Open Edition, 2024).
Dans le contexte des chasses aux sorcières, la rationalité instrumentale a été détournée pour justifier la persécution des femmes considérées comme en dehors des normes sociales acceptables. Stéréotyper la figure de la sorcière devient une forme de violence. La modernité a amplifié cette tendance en imposant la rationalité instrumentale, qui favorise l’instrumentalisation des ressources pour atteindre des objectifs spécifiques (NOTES DE COURS – 08/02/2024). Leur apparence non conventionnelle était souvent utilisée comme preuve de leur culpabilité, illustrant ainsi le pouvoir oppressif de cette rationalité lorsqu’elle est employée de manière discriminatoire.
Historiquement, les femmes accusées de sorcellerie étaient souvent celles qui ne se conformaient pas aux normes de beauté établies ou qui remettaient en question l’autorité en place. Leur différence physique était utilisée pour les discréditer, renforçant l’idée que la laideur était associée à la malveillance. Ces femmes, souvent indépendantes, sages ou simplement différentes, étaient perçues comme des menaces pour l’ordre social établi, et leur élimination était considérée comme nécessaire pour maintenir la stabilité de la société. « Les personnes qui la pratiquaient étaient souvent des femmes. Leurs voisins faisaient appel à elles pour guérir les maladies, aider les mères à accoucher et retrouver les objets perdus. Mais ces femmes pouvaient également être accusées d’être à l’origine de toutes sortes de maux : de la maladie à la mort, des tempêtes aux tremblements de terre, ou encore des sécheresses aux inondations » (National Geographic, 2022).

Dans l’art, comme le cinéma, les représentations de sorcières perpétuent souvent ces stéréotypes. « La représentation de la Méchante Sorcière de l’Ouest, avec sa peau verte et son costume noir, dans le film Le Magicien d’Oz de Victor Fleming est d’ailleurs l’une des images les plus souvent associées à cette figure » (SULLIVAN, M. Entre fiction et histoire : la construction de la figure de la sorcière dans la littérature contemporaine, 2019, p.1). Les sorcières sont généralement dépeintes comme étant laides, avec des traits exagérés, renforçant ainsi l’idée que la malveillance est liée à l’aspect physique. Ces images renforcent les préjugés existants et contribuent à maintenir une vision déformée des femmes qui défient les normes établies.
Pourtant, cette perception est injuste et réductrice. Les préjugés contre les sorcières basés sur leur apparence contribuent à la stigmatisation des femmes non conformes aux normes de beauté restrictives. Ils occultent également le pouvoir et la sagesse que beaucoup de ces femmes possédaient, les réduisant à de simples figures de contes de fées maléfiques.

En grandissant, j’ai découvert le lourd héritage de la chasse aux sorcières, marqué par la persécution, la violence et le contrôle social. Mais plus j’approfondis le sujet, plus la figure de la sorcière devient fascinante. Elle n’est pas simplement une victime, mais aussi une figure de résistance, défiant les normes établies et détenant un savoir alternatif. « Si autrefois la figure était le signe de la méchanceté absolue, de l’horreur, de l’irrationnel et de la laideur, elle évoque désormais différentes réalités par rapport aux femmes, aux membres de différentes cultures et aux personnes considérées comme marginales, qui l’éloignent de l’incarnation vicieuse et aigrie » (SULLIVAN, M. Entre fiction et histoire : la construction de la figure de la sorcière dans la littérature contemporaine, 2019, p.228).
En conclusion, l’image de la sorcière est un miroir de notre société, reflétant nos peurs, nos valeurs et nos aspirations changeantes. En explorant ses multiples facettes, nous pouvons mieux comprendre notre histoire et remettre en question nos visions du monde, du pouvoir et de la justice.
C’est pourquoi il serait intéressant de se demander :
Comment la représentation et l’image de la sorcière perpétuent-elles les dynamiques de domination et de marginalisation dans notre société moderne?
Sources:
- Notes de Cours
- Au fil des siècles, la chasse aux sorcières a fait des milliers de victimes – National Geographic, 2022 https://www.nationalgeographic.fr/histoire/au-fil-des-siecles-la-chasse-aux-sorcieres-a-fait-des-milliers-de-victimes
- SULLIVAN, M. Entre fiction et histoire : la construction de la figure de la sorcière dans la littérature contemporaine, 2019 https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/39386/4/Sullivan_Maryse_2019_the%CC%80se.pdf
- Médée, une figure réhabilitée par Hans Henny Jahnn – Books Open Edition https://books.openedition.org/pur/64320?lang=fr
- Citations de Mona Chollet, 2024, Babelio – https://www.babelio.com/auteur/Mona-Chollet/37148/citations
- Judith Butler en France : une étrange réception, 2024, Cairn.info – https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2008-1-page-205.htm
- Ethique et politique, Rémi Laroche, 2024 – http://www.philo-cvm.ca/