Citation
La femme qui exerce librement son charme : aventurière, vamp, femme fatale, demeure un type inquiétant. Dans la mauvaise femme des films de Hollywood survit la figure de Circé. Des femmes ont été brûlées comme sorcières simplement parce qu’elles étaient belles. Et dans le prude effarouchement des vertus de province, en face des femmes de mauvaise vie se perpétue une vieille épouvante.
Simone de Beauvoir – Le deuxième sexe Tome I (P. 236)
Introduction
Lorsque j’entends le mot « sorcière », je visualise immédiatement la sorcière du film d’animation Blanche-Neige de 1937, qui incarne l’image stéréotypée : une femme âgée, maléfique, pratiquant la magie noire avec une verrue sur le nez.
Pour déconstruire cette image, il est important de connaître les origines historiques et mythologiques de la sorcière et le rôle de la femme en tant que guérisseuse et sage-femme au sein des anciennes sociétés.
Ensuite, il sera intéressant de mettre en évidence comment l’image de la sorcière est devenue un symbole de terreur dans un contexte chrétien, utilisé pour contrôler et opprimer les femmes.
Enfin, tout comme la société, l’image de la sorcière a évolué, devenant une figure bienveillante et permettant à la femme de s’émanciper de son rôle « secondaire ».
Question de départ
Comment la représentation de la sorcière, entre maléfice et bienveillance, peut être perçue comme le reflet de l’évolution de la condition féminine ?
Etymologie
Le mot « sorcière » vient du latin sortiarius : « diseur de sorts »
Première sorcière : Circé
Maigicienne – Fille d’Hélios et de L’Océanide Perséis
A l’époque de l’Antiquité, Circé était une déesse pratiquant la magie. Sa transition de déesse à sorcière a été un processus de réinterprétation qui s’est fait au fil du temps. Dans l’Antiquité, la magie faisait partie intégrante de la religion (mythologie). C’est avec l’arrivée du christianisme que les anciennes divinités ont été redéfinies.
Anciennes sociétés
L’Égypte Ancienne (env. 3150 av. J-C à 31 av. J-C)
Pésèshèt est la première femme médecin et physicienne connue de l’humanité. Elle dirigeait un corps officiel de femmes médecins pendant l’Ancien Empire égyptien.
La Rome Antique (env. 753 av. J.-C. à 476 apr. J.-C.)
Appelées à l’époque medica, les femmes médecins pouvaient pratiquer les accouchements et remplir les mêmes tâches qu’une sage-femme.
La sorcière maléfique
Christianisme
La montée du Christianisme a progressivement éliminé les formes de guérison traditionnelles considérées comme hérétiques. Les femmes qui les pratiquaient étaient associées à des rituels païens. À cette époque, toutes les personnes qui pratiquaient des formes alternatives de guérison ou possédaient des connaissances médicales en dehors des normes établies, c’est-à-dire en dehors des normes chrétiennes, étaient perçues comme une menace et par conséquent accusées de sorcellerie.
Inquisition
Entre le XIIe et le XVIe siècle en Europe, l’Inquisition crée une véritable chasse aux sorcières. Les inquisiteurs poursuivent et condamnent de nombreuses personnes, principalement des femmes, accusées de pratiquer la sorcellerie. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, l’Église perd de son autorité, entre autres à cause d’une détérioration de la ferveur religieuse, ce qui a diminué le pouvoir de l’Inquisition. Les superstitions laissent place à la rationalité.
La sorcière bienveillante
A partir du XXe siècle, l’image de la sorcière évolue, notamment influencée par les séries télévisées :
Ma sorcière bien-aimée
Diffusée dans les années 1960 à 1970, elle met en scène une sorcière moderne qui tente de mener une vie normale comme épouse et mère, tout en utilisant ses pouvoirs magiques. C’était la représentation d’une sorcière sympathique et humoristique.
Charmed
Diffusée dans les années 1990 à 2000, cette série met en scène trois sœurs sorcières qui utilisent leurs pouvoirs pour combattre les forces du mal.
Ouverture
L’évolution de l’image de la femme dans la culture populaire permet des prises de consciences :
Notes de cours – Conditions
Condition Anthropologique :
L’imagination humaine, sans limite, a joué un rôle important dans la création de croyances fantastiques. Les récits, communications et représentations ont brouillé la frontière entre la réalité et l’imagination, allant même jusqu’à créer des réactions physiologiques. Ce qui permet à des concepts imaginaires de devenir crédibles.
Condition Politique :
Le passage entre l’imaginaire et la réalité s’est fait à travers l’institutionnalisation, qui organise la vie sociale en établissant des cadres légaux, des règles, des lois. L’éducation, la religion et des limites d’ordre moral sont utilisées pour marginaliser certaines populations, créant ainsi un climat propice à la chasse aux sorcières.
Condition Mythologique (Religieuse) :
Les mythes, tels que ceux de Circé et Médée, ont contribué à la construction de la figure de la sorcière. Au Moyen-Âge, ces mythes ont été fusionnées, créant ainsi une méfiance envers toutes les femmes.
Condition Métaphysique (Religion Chrétienne) :
Les dogmes du péché originel et de la rédemption ont été enseignés par la religion chrétienne comme des vérités absolues. Cela a eu pour conséquence de créer une angoisse métaphysique de la liberté chez les individus, les culpabilisant et les responsabilisant. Cette culpabilisation a souvent conduit à des actes de violence.
Notes de cours – Hypothèses
Hypothèse d’Armelle Le Bras-Choppard :
Cette hypothèse critique un préjugé et examine pourquoi la chasse aux sorcières a cessé. Elle met en avant la croissance de la rationalité dans la société moderne, caractérisée par l’arrivé du droit, de la science et de la séparation du pouvoir religieux et laïc.
Place grandissante des femmes au Moyen-Âge :
Dans une société féodale, les femmes avaient une plus grande autonomie et liberté, par rapport aux hommes qui étaient des serfs.
Transfert de la lutte de pouvoir entre l’Église et l’État :
Cette hypothèse souligne le passage de la lutte de pouvoir entre l’Église et l’État à une lutte entre l’homme et la femme. L’autorité de Dieu est remplacée par celle du père de famille (Pater Familias), créant ainsi le patriarcat et remettant en cause l’autorité féminine.
Domestication de la nature :
Cette hypothèse explore le lien entre la domestication de la nature, la naissance de la science moderne et la rationalité. Cela a conduit à l’objectivation de la femme en tant qu’objet appartenant au domaine de la nature. En conséquence, la femme n’a aucun droit.
Capitalisation selon Sylvia Federici :
Selon cette théorie, l’Inquisition était l’une des origines du capitalisme.
Questions philosophiques
- Comment les représentations médiatiques, comme les séries télévisées, ont-elles contribué à déconstruire l’image de la sorcière et quelles influences exercent-elles sur la perception contemporaine de la femme ?
- Comment les représentations de la sorcière dans la culture populaire influencent-elles notre perception des femmes et du pouvoir féminin ?
- Comment la sorcellerie peut-elle être considérée comme une forme de résistance et d’autonomie des femmes dans les sociétés patriarcales ?