Comment la double réconciliation est-elle essentielle à la restauration des relations entre Autochtones et allochtones?
1. Revoir notre rapport à la nature : l’environnement est notre commun le plus important (pas le gouvernement, la langue, le territoire ou la culture)
Notes sur le Rapport final CERP
« Les effets de la colonisation se font sentir aussi bien dans les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent, dont l’espace vital se rétrécit sans cesse, que dans celles du Moyen-Nord québécois, qui sont affectées par le développement considérable de l’industrie forestière. » Rapport final CERP
Piégeage et braconnage, coupe massive et non sélective dans les réserves (sans le consentement, droit de coupe accordé par le gouvernement à des compagnies forestières), réduction du territoire et des ressources, destruction des écosystèmes dont dépend la survie des autochtones, encombrement des rivières (draves), construction de chemins de fer, exploitation minière (liberté de prospection minière, 1880).
Construction de barrages et réservoirs, d’infrastructures, hydroélectriques (inondation des territoires, harnachement des rivières, perte de territoire, de ressources et de lieux significatifs pour les populations autochtones, contamination de l’eau et déménagements forcés)
Encadrement législatif d’activités et de pratiques traditionnelles (chasse, pêche et trappage réservés aux clubs et entreprises privées, techniques de chasse et commerce devenus illégales)
Avec le développement massif de l’industrie forestière, minière et la législation de la chasse, les Autochtones perdent leur façon de vivre grâce à la traite des fourrures et l’autosuffisance. Ils se joignent aux bûcherons, aident à construire des infrastructures liées à la colonisation (barrages, chemins de fer), et deviennent guides de chasse pour les clubs privés. Connaissances et expertise autochtones utilisées pour la découverte de nouveaux gisements miniers.
Jim Harrisson ; Seule la terre est éternelle
« J’ai appris qu’on ne peut pas comprendre une autre culture tant qu’on tient à défendre la sienne coûte que coûte. Comme disaient les Sioux, « courage, seule la Terre est éternelle ». Peu parmi les cents millions d’autres espèces sont douées de parole, si bien que nous devons parler et agir pour les défendre. Que nous ayons trahi les peuples autochtones devrait nous pousser de l’avant, tant pour eux que pour la terre que nous partageons. Si nous ne parvenons pas à comprendre que la réalité de la vie est un agrégat des perceptions et de la nature de toutes les espèces, nous sommes condamnés, ainsi que la terre que déjà nous assassinons. »
Georges E. Sioui ; Les Wendats, Une civilisation méconnue
l »(…)’auteur établit la différence fondamentale entre la pensée chrétienne, basée sur les notions du Bien et du Mal absolus et la pensée autochtone qui voit plutôt le Bien et le Mal comme deux forces nécessaires à l’équilibre du monde. Selon la pensée circulaire, le monde n’est ni bon ni mauvais mais équilibré et devient objet d’admiration et de vénération. »
Kim O’Bomsawin ; Je m’appelle humain
Réflexion suite au documentaire et à la relecture des notes de cours de Philosophie II
La vision circulaire implique que des relations unissent entre eux tous les êtres, vivants ou non, et que chacun de ceux-ci possède une âme. Pour les sociétés du Cercle, la croyance selon laquelle l’Homme a été créé par Dieu afin de dominer les autres espèces de la création, qui n’existent que pour leur utilité à l’Homme, conformément à l’idée biblique, est complètement étrangère.
Cette vision circulaire est au cœur de l’animisme, une croyance religieuse et spirituelle adoptée par la plupart des cultures amérindiennes et par plusieurs peuples africains depuis des millénaires. Elle implique que les animaux possèdent tous une âme, et que nous leur sommes égaux.
Selon Georges E. Sioui, aucune espèce n’en domine une autre, et la vie est dépourvue de hiérarchie, d’ordres ou de classes. Pour les peuples ayant cette croyance, le monde de la nature et celui des esprits et des ancêtres sont intimement liés, rapprochant encore davantage les animaux sur le même niveau que les humains. Les humains entretiennent donc un lien de respect et de dépendance mutuelle avec le monde animal.
Comme l’explique Joséphine Bacon, une poète innue, dans le documentaire Je m’appelle humain, l’humain n’est qu’une espèce parmi les autres, partageant avec ceux-ci un territoire et les ressources qu’il fournit. Considérant que cette façon de penser est fait partie de centaines de cultures depuis des millénaires, comment peut-on encore différencier l’Homme des animaux et affirmer sa supériorité?
L’Amérindien philosphe ; Entrevue avec Georges E. Sioui
« La philosophie amérindienne est principalement caractérisée par un mode de pensée circulaire, c’est-à-dire que cette philosophie entend reconnaître les relations qui unissent entre eux tous les êtres et tous les actes. Ajoutons également qu’il n’y a pas de séparation entre sacré et profane, ni d’éléments permettant de légitimer la domination des espèces par une d’entre elles qui serait supérieure aux autres. L’idée biblique selon laquelle l’être humain a été créé par Dieu pour dominer le reste de la création, qui n’existe que pour servir ses intérêts, est étrangère à la philosophie circulaire. »
« Suite à une série de contraintes environnementales et climatiques, certaines sociétés ont oublié momentanément l’idée de circularité pour adopter une approche linéaire qui a la malheureuse capacité de détruire. Pourtant, si on retourne aux sources, toutes les grandes philosophies et les grandes religions s’accordent sur l’unité fondamentale des êtres humains. Ce sont là des vestiges de la pensée circulaire propres à chaque culture. C’est en parlant avec des bouddhistes, des hindous, des chrétiens ou des musulmans que l’Amérindien réalise que, pour des raisons historiques, il a retenu plus que quiconque cette capacité de comprendre ce qu’est l’humanité : une espèce unifiée dont tous les membres sont apparentés. »
« La pensée circulaire offre à l’individu la capacité d’entrer en communication avec les animaux ou les plantes même s’ils nous apparaissent mystérieux au premier abord. Alors que, pour d’autres traditions, l’idée de se concevoir l’égal des animaux, des plantes ou des pierres semble humiliante, il s’agit, chez les penseurs du Cercle, d’une idée sécurisante qui apporte la paix. »
« Pour nous, la religion est un concept négatif. Par contre, vivre avec une conscience spirituelle veut simplement dire qu’on cherche toujours à appréhender la vie dans son ensemble, incluant le monde non humain. Notre place en tant qu’humain est égale à la place qu’occupent toutes les autres composantes de la création. L’être humain n’occupe pas, dans la création, une place de domination. »
« Ces « progressistes » (leaders politiques isolationnistes qui ont adopté les normes politiques euro-américaines) prônent la création d’une classe moyenne amérindienne. Cette idée rebute beaucoup les traditionalistes qui ne la prennent d’ailleurs pas tellement au sérieux : cette idée de « classe » n’a pas de place dans la civilisation du Cercle. Adopter cette idée équivaut à donner son assentiment à une société qui ne donne pas de place à la redistribution de la richesse. Créer des classes signifie ouvertement qu’on ne se préoccupe pas de la pauvreté qui en résulte, qu’on déresponsabilise les gens sur le plan social et environnemental. Le mot d’ordre devient : que chacun s’occupe de sa classe et que les autres se débrouillent. L’attitude typique des gens de la classe moyenne à propos des pauvres ne se résume-t-elle pas justement à « qu’ils fassent comme moi s’ils veulent réussir » … »
2. Revoir le terme réconciliation
Antoine Cantin Brault : Notre nature humaine exige une double réconciliation
Racines chrétiennes (réconciliation de Dieu, à travers le Christ, avec tous les humaines, auxquels Il pardonne toutes les fautes)
Jeremy Corbin : Assurer la réconciliation avec les peuples autochtones grâce aux projets de biodiversité
2015 : Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) : publication de 94 rappels à l’action pour favoriser la réconciliation : « invite le secteur des entreprises du Canada à s’engager à tenir des consultations significatives, établir des relations respecteuses et obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones avant de lancer des projets de développement économique. »
« Les communautés et groupes autochtones peuvent apporter à nos projets de biodiversité une perspective intéressante et jusqu’ici négligée. Ils possèdent bien souvent des connaissances écologiques traditionnelles liées à la biodiversité qu’ils sont heureux de partager avec les autres. Ces connaissances contribuent à renforcer les résultats scientifiques obtenus et aident les promoteurs de projets et les organismes de régulation à prendre des décisions plus éclairées en matière de gestion des ressources naturelles. Parmi les exemples de connaissances écologiques traditionnelles, on peut citer la compréhension de l’évolution de l’abondance ou de la répartition d’une espèce sauvage au fil du temps. Voilà pourquoi les communautés autochtones, et les perspectives qu’elles apportent, ont un rôle important à jouer dans les efforts du gouvernement du Canada, alors qu’il cherche à investir davantage dans la protection et la restauration de la biodiversité du pays. »
« La réconciliation consiste à établir et à maintenir une relation de respect réciproque entre les peuples autochtones et nonautochotnes dans ce pays. » UNESCO
Efforts réels ou stratégie politique? Manque d’actions concrètes de la part du gouvernement
Beaucoup n’ont pas d’eau potable. L’accès à une éducation de qualité est plus limité. De nombreuses communautés ne disposent pas d’un nombre suffisant de logements. Certains logements des communautés autochtones ne sont pas sécuritaires. En résumé, de nombreux peuples autochtones estiment qu’il reste encore beaucoup à faire.
Jim Harrison ; Seule la terre est éternelle
« (…) seules les étoiles sont à l’abri de nos pulsions destructrices. Nous ne constituons qu’une seule espèce sur un total estimé à cent millions. Bon nombre d’entre nous ont pris plaisir à savourer notre domination sur toutes ces espèces. En fait, nous avons créé certains aspects de la religion pour nous rassurer et nous convaincre que nous avons raison de souiller toutes ces autres espèces à notre guise. »
« Quand on y pense, nos prétendues « Guerres indiennes » ont été au sens strict de simples conquêtes et opérations immobilières. Tous ces biens font l’objet d’une expropriation immédiate. »
Sources
Cantin Brault, A. (2023). Notre nature humaine exige une double réconciliation, dans La Liberté. Reperé le 12 décembre à https://www.la-liberte.ca/2023/07/02/notre-nature-humaine-exige-une-double-reconciliation/
Corbin, J. (2022). Assurer la réconciliation avec les peuples autochtones grâce aux projets de biodiversité. Repéré le 13 décembre à https://www.wsp.com/fr-ca/insights/assurer-la-reconciliation-avec-les-peuples-autochtones-grace-aux-projets-de-biodiversite.
Dupuis-Déri, F. & E. Sioui, G. (2000). L’Amérindien philosophe. Entrevue avec Georges E. Sioui. Revue Argument, 2(2). Repréré le 13 décembre à https://www.revueargument.ca/article/2000-03-01/117-lamerindien-philosophe-entrevue-avec-georges-e-sioui.html
Gourdeau, C. (1996). Compte rendu de [SIOUI, Georges E., Les Wendats. Une civilisation méconnue (Québec, Presses de l’Université Laval, 1994), 369 p.] Revue d’histoire de l’Amérique française, 49(4), 592–594. Repréré le 13 décembre à https://doi.org/10.7202/305478ar