« Le sauvage est pur, nu, son âme est celle d’un enfant » – Jacques Cartier
Quand j’ai entendu cette citation, j’ai vite remarqué qu’elle faisait écho à Arthur Schopenhauer dans son Essai sur les femmes. Dans son essai à saveur misogyne, il justifie d’abord la facilité des femmes au care (ici j’emploie « care » uniquement dans le but de rappeler l’éthique du care, mais j’aurais aussi pu dire « soin ») des enfants, par le fait qu’elles en sont elles-mêmes, des enfants. Ensuite, il compare la femme à un enfant, intellectuellement comme émotionnellement. Il perçoit la femme comme un enfant et utilise cela pour justifier pourquoi elle sera pour toujours inférieure à l’homme.
Si on apparente Schopenhauer à Cartier, on fait de l’autochtone un être inférieur aux Blancs d’Amérique. On fait donc le profil de l’autochtone en impliquant qu’il est un sauvage, un enfant et donc un être inférieur.
L’histoire du Canada est marquée par le colonialisme. D’abord lui-même colonisé par les Britanniques, il devient ensuite le colonisateur. Si les personnes de peuples autochtones étaient des sauvages et des enfants, on suggérait la nécessité pour eux d’être colonisés, éduqués. Et c’est ce qui est arrivé.
En 1876 la loi sur les Indiens est mise en place au Canada. Dans le but d’assimiler les autochtones, elle définit le statut d’Indien et vient inscrire tous les Indiens sous tutelle du gouvernement. Cela résulte en une dépendance des peuples autochtones envers le gouvernement canadien. Lorsque le gibier se raréfie, le gouvernement interdit aux autochtones de chasser, ce qui cause une importante famine chez eux, famine à laquelle l’État doit intervenir. En ayant aucun choix mais de se tourner vers le gouvernement pour subvenir à leurs besoins, les peuples autochtones laissent aller plusieurs de leurs pratiques et savoirs ancestraux. Ils se font ainsi assimiler, au plaisir de l’État.
Au Canada, les peuples et communautés autochtones ont été persécutés, discriminés et on a voulu effacer leur culture. Aujourd’hui on en voit encore les conséquences : les peuples autochtones représentent environ 19 % des détenus fédéraux, alors qu’ils comptent seulement 3 % de la population nationale. Ils ont « une situation sociale et économique qui a des conséquences sur l’éducation, la santé et l’emploi. Ce sont ces problèmes qui amènent les populations autochtones en contact avec la justice pénale ». [1] Il est clair que s’il n’était pas du colonialisme rien de tout ça n’arriverait.
Dans le cadre du cours, on s’est posés sur la reconnaissance des communautés autochtones. En 1969, le Livre Blanc en fait l’objet. Cependant, cela n’empêche pas les enfants autochtones d’être placés dans des pensionnats jusqu’en 1996. Cela n’empêche pas non plus le Premier Ministre Harper de nier le passé colonial du Canada, malgré les nombreuses tentatives du gouvernement de séparer les enfants de leurs parents afin qu’ils adoptent les pratiques des personnes blanches et perdent les leurs, celles de « sauvages ». Aujourd’hui c’est différent, on en parle, on reconnait le passé colonial du Canada, et on parle même de génocide culturel. On a même une journée à notre calendrier pour le faire; le 30 septembre, la journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Par ailleurs, je suis une grande lectrice et je m’intéresse beaucoup à la lecture d’ici. En juin quand je vais à la librairie, il y a toujours un présentoir rempli de livres écrits par des auteur.es autochtones, bien à la vue de tous, et y on lit le slogan : En juin, je lis autochtone! Dans beaucoup de librairies un espace entier est consacré à la littérature autochtone. Aujourd’hui, on les laisse parler et écrire, on les laisse partager leur culture, plutôt que de la leur arracher.
Après la colonisation on leur laisse enfin une place au sein de la société canadienne, on les met de l’avant. Il reste encore du chemin à faire et la question de reconnaissance reste difficile à appréhender, mais il ne faut pas négliger le progrès qui a été fait.
Il est aussi important, selon moi, de souligner comment les communautés autochtones, malgré qu’elles aient été persécutées, malgré le génocide culturel perpétré envers elles, sont parvenues à garder leur culture et leurs valeurs en vie.
« Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Indien au Canada et la seule façon d’y arriver est de les placer dans les écoles à vocation industrielle où ils pourront enfin acquérir le mode de vie et de pensée de l’homme blanc » – Sir John Alexander Macdonald
On a voulu envoyer leurs enfants dans des écoles industrielles ou des pensionnats pour mettre fin à leur héritage et ensuite réécrire leur histoire d’un point de vue eurocentriste. Dans les archives du Canada, on trouve très peu d’archives autochtones – on retrouve celles produites par « l’autre » (souvent le colonisateur), qui raconte l’histoire de son point de vue personnel, du récit qu’il veut transmettre.
Pourtant, aujourd’hui les cultures autochtones se transmettent toujours. Bien évidemment, il y a eu un traumatisme intergénérationnel suite aux pensionnats « indiens », mais les peuples autochtones sont quand même parvenus à préserver leur culture, pour la grande partie.
En pensant à cela, je me suis aperçue que la tradition orale avait joué un grand rôle dans la survie des cultures autochtones et je vais donc me poser sur cela dans ma rédaction.
Laissez-nous raconter, épisode 2 : « L’identité », https://ici.tou.tv/laissez-nous-raconter?lectureauto=1
[1] https://www.un.org/fr/chronicle/article/la-discrimination-envers-les-autochtones-au-canada-une-crise-globale