« Le hip-hop est la culture de la résistance. C’est la culture de la liberté et de l’égalité, de l’amour et du respect. C’est la culture de la paix. »

KRS-one, Rappeur américain

Ayant des références musicales diamétralement opposées à celles du Hip-Hop, il m’est parfois difficile de bien le comprendre, lui et les enjeux qu’il défend. Cependant, je trouve qu’il est important de s’y intéresser, surtout moi qui n’y connais rien, car l’histoire, l’origine et la portée du hip-hop n’a rien à voir avec celle de la musique classique qui m’est familière. Surtout en tant que musicien, je crois qu’il est capital d’identifier les impacts que la musique peut avoir sur nous. Pour moi, elle peut servir à faire passer un message ou exprimer mes émotions, mais en ce qui a trait au Hip-Hop, ce rôle n’est que secondaire puisque cette musique est avant tout un outil de résistance politique. Je crois d’ailleurs qu’être exposé à ces différentes utilisations de la musique en tant que musicien ne peut qu’être bénéfique pour moi et mon développement musical. Néanmoins, il est clair que le but premier du hip-hop est la revendication politique qui fait encore écho aujourd’hui dans les luttes pour l’inclusion et le respect des personnes LGBTQIA+, par exemple. Que ce soit au niveau de luttes politiques acharnées, d’un style vestimentaire caractéristique ou plutôt d’innovations technologiques, ce genre musical porte en lui bien plus que sa musicalité. Il porte la souffrance et le désir d’émancipation de la communauté afro-américaine et c’est pourquoi je pense qu’il est primordial de se rappeler ce que cette lutte nous a apporté.

Lorsque j’entends le mot « Hip-Hop », la première image qui me vient en tête est le style vestimentaire emblématique qui lui est associé: vêtements de sport trop grands, chaussures Adidas, le tout parfois accompagné d’une veste ou d’un blouson. De plus, vers la fin des années 70, au tout début du Hip-Hop, le style vestimentaire du Bronx emprunte beaucoup aux vêtements traditionnels Africains et Jamaïcains. Par exemple, le célèbre DJ Afrika Bambaataa, considéré par plusieurs comme le père de la musique hip-hop, porte fièrement des colliers qui rappellent les masques africains traditionnels.[1]Le Kenté, une étoffe originellement tissée par la main des jeunes garçons des communautés africaines, est dorénavant porté par les groupes de Hip-Hop sous forme de chapeaux. Cette appropriation du Kenté par les musiciens hip-hop comme le groupe « Salt-N-Pepa » est très significative puisque, traditionnellement, ce tissu était uniquement porté par la royauté.[2] En plus, à travers ce tissu, on retrouve les couleurs de la Jamaïque : le jaune, le vert et le rouge[3]. Bref, la mode des débuts du Hip-Hop est centrée sur l’affirmation de l’identité culturelle de la communauté noire à travers l’utilisation de vêtements traditionnels, mais avec une touche contemporaine. Notons également que les coiffures tressées et les casquettes de « baseball » portées à l’envers étaient très présentes et également des symboles de la culture afro-américaine[4]. Cette nouvelle façon de s’habiller est donc une des nouveautés engendrées par le Hip-Hop qui continue de se propager dans notre monde.

En ce qui a trait aux innovations technologiques, le Hip-Hop est également au rendez-vous, car il est à l’origine de nouvelles techniques instrumentales. Le « Scratching » est la plus connue et consiste à faire de petits mouvements « avant-arrière» avec un disque vinyle sur une table tournante pour produire des petits bruits percussifs (ou grattements). C’est de très loin la pratique la plus populaire auprès des DJ et elle persiste encore à ce jour. Cette technique, inventée par Grand Wizzard Theodore, serait le résultat d’une simple erreur. En voulant arrêter rapidement le disque qu’il était en train d’écouter, Theodore Livingston (de son vrai nom), aurait posé sa main sur le disque, provoquant ainsi ce bruit de grattement si caractéristique[5]. Cette technique s’est d’ailleurs diffusée grâce à un évènement qui a facilité l’accès au matériel électronique : Le Blackout de 1977. En effet, cette panne de courant généralisée à New York a été un des moments charnières de l’histoire du Hip-hop, car des centaines de magasins d’électronique ont été dévalisés. Les gens qui n’en avaient pas les moyens ont enfin été en mesure de se procurer des tables tournantes et tout autre équipement de « DJing » qui leur était nécessaire, ce qui a stimulé la popularité et l’accessibilité du Hip-Hop. Cet évènement est tellement important qu’il est maintenant considéré comme le mythe fondateur du Hip-Hop. Les témoignages qui relatent cette panne parlent d’eux-mêmes. Celui de Disco Wiz et Grandmaster Caz nous permet vraiment de comprendre l’impact de cet évènement. Ils affirment qu’avant le Blackout, il n’y avait pas plus de cinq équipes de DJ dans le Bronx, mais après, il y en avait une à chaque pâté de maisons[6]. Bref, grâce à cette panne électrique légendaire, tous ceux qui souhaitaient être DJ ont pu le devenir, mais le plus important, c’est l’appropriation de cette technologie par la communauté noire qui a été un moteur d’innovations musicales.

Toutefois, l’impact le plus important que le Hip-Hop ait eu sur notre monde est au niveau des luttes politiques. C’est lui qui a donné une voix à la communauté afro-américaine, initialement celle du Bronx, qui était totalement marginalisée, pour qu’elle puisse exprimer à la fois les nombreux problèmes qu’elle subissait ainsi que ses revendications. Par exemple, plusieurs artistes profitent de ce médium musical pour dénoncer les injustices qu’ils vivent. En effet, à cette époque, le Bronx était isolé du reste de New York entre autres par son manque de services publics, l’absence de pompiers, de policiers, d’un tissu social, d’installations sanitaires fonctionnelles, etc. Ce quartier était défavorisé, ce qui a contribué à l’émergence de conflits de toutes sortes. Le Hip-Hop a permis de critiquer le pouvoir en place sans confrontation directe, ce qui a réduit le risque d’une réponse violente de la part des autorités. L’utilisation de la musique à travers des chansons comme « The Message » ou « Fight the Power » dénonce plusieurs problèmes au sein de l’état, en plus de donner une voix à ceux qui n’en ont généralement pas. Ces artistes ne dénoncent pas uniquement les problèmes, mais encouragent et militent pour une égalité raciale et une justice sociale pour la communauté noire. Le Hip-Hop est donc autant utilisé pour critiquer le pouvoir que pour sensibiliser la population à la réalité de la vie dans le Bronx. Il sert également d’exemple pour tout autre mouvement revendicateur, car les mécanismes de résistance politique au moyen de l’art ne sont pas limités aux combats contre le racisme et peuvent être utilisés dans d’autres contextes.

En conclusion, l’influence du Hip-Hop sur notre monde est très importante. Ce mouvement de dénonciation a créé une nouvelle mode vestimentaire, est responsable de plusieurs innovations technologiques telles que le « Scratching », mais a surtout permis de faire avancer la cause de l’égalité raciale aux États-Unis tout en servant d’exemple pour d’autres communautés oppressées. Cela nous force à nous questionner sur les modifications qui devraient être apportées à nos institutions suite à une critique communautaire. Je pense notamment aux gouvernements, vers qui la critique est la plupart du temps dirigée. Il me semble évident que si une communauté manifeste son mécontentement envers le fonctionnement d’une institution comme le pouvoir, l’état devrait faire tout ce qu’il peut pour accommoder le groupe revendicateur de changement. Dans le cas du Hip-Hop, qui laisse place à la différence et met de l’avant des valeurs autres que celles de la majorité en place, ces transformations sont d’autant plus importantes puisqu’elles contribuent à rendre notre monde plus inclusif. En terminant, pourrait-on affirmer que les luttes politiques menées par le hip-hop ont porté fruit lorsqu’on voit le président Obama effectuer un « Drop the Mic », un geste emblématique des rappeurs, à la fin d’un discours officiel?[7]  (1500 mots)


[1] Marine Benoit / Alice Pfeiffer « La mode hip-hop s’expose sous toutes les coutures», 14 mai 2015, dans Le Monde https://www.lemonde.fr/decodages/article/2015/05/13/la-mode-hip-hop-sous-toutes-les-coutures_4632998_4606750.html (page consultée le 28 oct. 2023)

[2] Sans auteur, « Le Kenté : un tissu royal au caractère sacré », 19 mai 2021, dans AFS https://africanfabricstories.com/2021/05/19/le-kente/ (page consultée le 2 nov. 2023)

[3] Marine Benoit / Alice Pfeiffer «La mode hip-hop s’expose sous toutes les coutures», 14 mai 2015, dans Le Monde https://www.lemonde.fr/decodages/article/2015/05/13/la-mode-hip-hop-sous-toutes-les-coutures_4632998_4606750.html (page consultée le 28 oct. 2023)

[4] Marine Benoit / Alice Pfeiffer «La mode hip-hop s’expose sous toutes les coutures», 14 mai 2015, dans Le Monde https://www.lemonde.fr/decodages/article/2015/05/13/la-mode-hip-hop-sous-toutes-les-coutures_4632998_4606750.html (page consultée le 28 oct. 2023)

[5] Marianne Josselin «À la (re)découverte du scratch», date introuvable, dans le Dynam’Hit Webradio & Magazine https://dynamhit.org/a-la-redecouverte-du-scratch/ (page consultée le 3 nov. 2023)

[6] Urbizz, Disco Wiz and Grandmaster Caz – New York City blackout of 1977, 4 décembre 2010, 5 minutes 24 sec. Dans YouTube, https://www.youtube.com/watch?v=2omq2XBrElM (page consultée le 1er nov. 2023)

[7] The Wall Street Journal, President Obama’s Mic Drop at White House Correspondents’ Dinner, 2 Mai 2016, 0 :42 sec. Dans YouTube https://www.youtube.com/watch?v=p-GBU3LpXsg (Page consultée le 7 nov. 2023)

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