« Socrate […] est coupable de corrompre la jeunesse et de ne reconnaître non pas les dieux que la cité reconnaît, mais, au lieu de ceux-là, des divinités nouvelles. »

Apologie de Socrate

Le procès de Socrate s’achève et ce dernier est condamné à boire la ciguë. La défaite de sa défense peut être en deux points résumés: il affirmait lui-même que les juges grandissent en ayant comme image de lui qu’il était mauvais et corrompait la jeunesse. Mais alors, je me pencherai sur les ressemblances entre la polis grecque et les communs. De là, on accuse Socrate, derrière une accusation d’impiété, de menacer la cohésion sociale, cette même polis. Mais alors comment les sorcières, partie inhérente du concept de commun, a-t-elle connu un sort aussi tragique tandis que Socrate est aujourd’hui une figure légendaire. Le lien à faire avec Socrate et les sorcières est simple: on l’accusait de sorcellerie aussi et tous deux ont servi de bouc émissaire. On pourra dès lors se questionner si le leg – et bien au delà de cela – de Socrate est si positif qu’il en a l’air, et si réellement n’est-ce pas une preuve convaincante de la misogynie qui persiste depuis nos « sages » grecs.

En premier lieu, il nous faut établir un point de départ. Je pensais raisonnable de démarrer avec une comparaison mettant en lien polis grecque et « communs ». Pour les mettre en comparaison, il nous faut aussi savoir ce qu’est individuellement l’un et l’autre. La polis est à ne pas confondre avec une ville à proprement parler, elle est bien plus que cela. La polis est l’ensemble des facteurs sociaux tels que la religion, le territoire, les mœurs, la culture, la langues, bien qu’une polis peut ne pas avoir de ville à proprement parler.1 Le concept de polis semble pouvoir correspondre à la définition de commun. 2

Après ce premier constat de fait, on peut comprendre davantage l’acte d’accusation. Il n’est pas encore consensuel de savoir si l’on accusait réellement Socrate d’impiété ou si on ne l’accusait pas réellement de mettre en péril la polis, et donc les communs. Je serais tenté de me pencher sur la deuxième conclusion, puisque Socrate s’est très bien défendu et parce que les propos de ses détracteurs semblent pencher en ce sens. J’en conclus donc que les juges – et les habitants d’Athènes en général – voient d’un mauvais œil les activités de Socrate et la forte implication de la jeunesse. 3Il est vrai que Socrate soutenait certaines idées contraires à celles de la polis. Impiété? non, mais tout de même, sa critique du gouvernement, du régime, du fonctionnement de la cité en général allait à l’encontre de l’avis des Athéniens. Il voulait le mieux pour les citoyens athéniens, eux ne voulaient pas de son aide.

Mais alors, quel lien y-a-t-il à faire avec les sorcières? Et bien pour cela il faut d’abord expliquer le cas de la sorcière, puis mettre en relation leur cas et celui de Socrate.

La sorcière , donc, est une pure imagination de l’esprit, véhiculée par des histoires, des mythes ou des légendes longtemps répétés et institués formellement par l’Église chrétienne. Pur fruit d’un mélange de misogynie et d’idéalisation, elles finirent par être brulées par millier, au moment où l’imaginaire a obtenu un pied dans le réel, ou la critique rationnelle derrière les messages de l’Église s’arrêtèrent.

Socrate aussi fut accusé de sorcellerie.4 Mais alors pourquoi leur destin a-t-il connu une fin si différente? Pour ma part, je pense que la problématique révèle les racines profondes de la misogynie. Juste à lire Le Banquet, vous serez surpris de constater à quel point il y a une énorme division entre hommes et femmes. 5De ce constat là, on peut apercevoir davantage comment de telles actions ont été commises à l’endroit des femmes: le sexisme n’a fait que refouler le droit des femmes lorsqu’une mince opportunité de liberté se présentait à elles.

 Pour conclure, les apprentissages faits lors des passionnantes lectures des œuvres de Platon révèlent les mêmes problématiques que celles vues dans le cours. À savoir le problème de la représentation,6 celui de l’idéalisation, 7celui des sorcières8 et celui des communs. 9La réflexion que je me suis donnée fut alors la suivante: je pense encore que lire Platon est un essentiel si l’on désire poursuivre ses apprentissages philosophiques, mais que plus que jamais, il faut le critiquer. En effet, l’une des règles d’or de la philosophie est de toujours critiquer ce qui nous est tendu. Dans le cas de Platon, la critique est double: critiquer ses idéaux philosophiques, et critiquer ce qui attraits aux femmes, pour s’assurer de ne pas tomber dans du sexisme caché.10

  1.  Spartes, par exemple, n’était pas une cité mais plutôt l’ensemble des caractéristiques énoncées précédemment, ainsi que les biens communs des habitants du vaste territoire de Spartes. Il n’existait donc pas de « ville de Spartes ». Tout de même, les habitants du vaste territoire campagnard étaient liés par le sentiment d’appartenance à la polis de Spartes.
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  2.  Les communs désignent l’ensemble des biens matériels et immatériels que possède un groupe d’individus. Ce bien est partagé et n’appartient à aucun individu particulier. Le concept de commun peut se rapporter à celui de polis, puisque cette dernière est un bien commun (tous appartiennent à la polis, tous les institutions sont communs, même dans les démocraties, le concept est poussé encore plus loin, tous contrôlent la cité!).
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  3. Le destin d’Alcibiade contribua à ternir l’image de Socrate. En effet, Alcibiade eut comme mentor Périclès lui-même, mais décida de s’en détacher à peu près au même moment où il rencontra Socrate. Alcibiade fut accusé d’un crime qui grosso modo fut un acte de vandalisme (jamais prouvé d’ailleurs) sur des idoles de la cité, un bien commun donc. Il trahit aussi Athènes et contribue à plusieurs défaites militaires de la cité. Associer Alcibiade et les enseignements de Socrate devient alors très simple pour le citoyen moyen et les membres du jury. (C.F. Apologie de Socrate, Flammarion, 1997).
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  4. Je n’ai pas encore lu le Charmide, cependant les notes du Phédon indiquent que dans l’ouvrage cité en premier, Socrate affirme lui-même avoir appris des sorts. D’autres parties du Théétète et de Apologie de Socrate, affirment pareillement, bien que dans Apologie de Socrate, ce soit exceptionnellement ses accusateurs qui lui confèrent ses pouvoirs.
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  5.  Plusieurs interlocuteurs font l’éloge de l’homosexualité. Cependant, ils ne parlent que de celle des hommes, l’homosexualité féminine n’est que très peu encourager. Et ai-je besoin de préciser que la société athénienne est grandement sexiste?
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  6. que Socrate apporte brillamment lors de son procès.
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  7. Qui corrèle bien avec celui de la représentation.
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  8. Par rapport à ses dons de sorciers mais surtout à la comparaison entre les deux.
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  9. Par rapport à la polis et aux problèmes que Socrate amène.
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  10. Dans du sexisme déguisé derrière l’idéalisation.
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