Quelle est la place de la sorcellerie dans la musique blues?
Le blues, cette musique typiquement américaine, fut instauré dans les années 20-30, dans le fin fond du sud des États-Unis dans les plantations. C’est également là que vivait une forte population afro-américaine. Ce fut une époque marquée par les violences et les lynchages de noirs. Il y avait donc de nombreuses cérémonies hoodoo secrètes organisées par les communautés noires. Qu’est- ce que le hoodoo ? C’est une forme de magie et de sorcellerie africaine qui met l’accent sur la guérison, la protection et la divination. Le développement du blues a donc été fortement influencé par le hoodoo et également par la religion catholique. Par le fait que les prêtres reniaient ce style et l’appelait la musique du diable, les musiciens de blues ont commencé à incorporer des allusions au diable dans leurs chansons.
Nous allons donc voir aujourd’hui que la sorcellerie et le blues sont très étroitement reliés. Pour cela, nous pouvons étudier la vie de Robert Johnson, qui représente la légende et le mythe parfait du musicien blues au pouvoir surnaturel.
L’histoire de Robert Johnson
Robert Johnson est né à Hazlehurst au Mississippi, où il était installé avec sa mère. Il a déménagé à maintes reprises et n’a jamais eu un endroit stable où vivre ni de figure paternelle. Il s’installa un jour à la plantation de Will Dockery, près de Robinsonville avec sa femme et décide d’abandonner le blues pour élever son futur enfant. Hélas, sa femme meurt en accouchant. Accusé à tort pour la mort de son épouse, il se dédie à nouveau à la musique blues et décide à ce moment d’en faire carrière. Il quitte sa plantation pour aller jouer en ville, aller jouer dans la rue et espérer faire fureur auprès des gens plus fortunés. Hélas, pour les chrétiens de la ville, le blues est la musique du diable et il ne gagne pas d’argent. Il tente donc sa chance aux jukes-joints. Ce sont des bars où se rejoignaient des gens pour boire et pour danser au rythme du blues. Cependant, son niveau de guitare à ce moment était médiocre. Selon Son House, un guitariste de renommée des jukes-joints, il faisait fuir les gens et il se faisait huer. Il est donc parti, humilié.
Il a disparu pendant un an, personne ne sait où il est allé, il est ensuite revenu et jouait dorénavant mieux que tous ses concurrents. On dit qu’il a vendu son âme au diable… Il a vécu le succès comme il l’espérait tant, pour une courte durée.
Robert Johnson est mort le 16 août 1938, empoisonné par le mari d’une femme avec laquelle il a couché. Il est mort à l’âge de vingt-sept ans. Pour certains, sa mort à un si jeune âge est la preuve de son pacte avec le diable. Un talent énorme, en échange d’une courte vie.
Les traces concrètes de sorcellerie hoodoo dans sa musique
Selon la légende, il serait allé au croisement de chemin et il aurait vendu son âme au diable. C’est à partir de là que le mythe de Robert Johnson prend vie. L’action est citée dans sa chanson Crossroads Blues.
I went to the crossroad, fell down on my knees
Faire un pacte avec le diable est une action retrouvée à maintes reprises dans le Hoodoo. L’action donne aux gens une deuxième chance à la vie, de donner plus de contrôle dans leur monde où régnait la violence et les possibilités limitées. Malgré que le diable ne soit pas cité dans la chanson, la croisée des chemins est le lieu de prédilection dans les autres histoires de pactes hoodoo.
On trouve également dans les paroles d’autres chansons de Robert Johnson des allusions à la sorcellerie et le diable. Dans Come in my kitchen, Robert chante qu’il a pris le dernier sou du sac de magie.
Oh-ah she’s gone
I know she won’t come back again
I’ve taken the last nickel Out of her nation sack
You’d better come on in my kitchen
C’est une allusion à un porte-bonheur que les femmes africaines portaient pour que leurs hommes restent fidèles. Robert prend alors ce sou en guise de pouvoir sexuel.
Dans Hellhound on My trail, il fait référence à répandre de la poudre devant chez lui.
You sprinkled hot foot powder, mmm
Mmm, around my door, all around my door
You sprinkled hot foot powder
All around your daddy’s door, hmm-hmm-hmm
C’est une pratique du folklore hoodoo pour éloigner des personnes non désirées. Cela fait également référence à la situation sociale de l’époque, c’était pour éloigner les chiens de garde des lynchages du sud des États-Unis.
Et finalement, il se dit lui-même marcher au coté du démon dans Me and the Devil Blues.
Me and the Devil
Was walkin’ side by side
Comment arrive-t-on à croire en l’existence de choses qui n’existent pas?
La question fondamentale
qui nous intéressera
consistera à nous demander :
Comment arrive-t-on à croire en l’existence
de choses qui n’existent pas?
Dans l’histoire de Robert Johnson, son pacte avec le diable est resté l’hypothèse la plus répandue de son soudain talent. On sait bien qu’une autre histoire serrait la bonne, mais elle est pratiquement inconnue. C’est justement pour ça qu’on y croit. Sa vie fut très peu documentée et elle a été pratiquement reconstruite par des experts. Il n’existe que trois photos retrouvées de lui. Les gens ont donc été imaginatifs et c’est l’imaginaire collectif qui a alimenté le mythe de Robert Johnson. Il y a également la religion catholique à prendre en compte. Dès le départ, la musique blues est la musique du diable, Robert Johnson était pour eu le diable incarné… Il a fait un pacte en guise d’avoir un don surnaturel, pour l’aider à acquérir du succès. Cette connotation est restée ancrée dans son histoire. Et finalement, Robert Johnson est le fondateur d’un des plus grands mythes de la musique, le club des 27 ans. Ce sont tous des artistes surdoués, morts à 27 ans, sous des conditions douteuses. (Jim Morrison, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Amy Winehouse…etc.) Il est le premier artiste décédé parmi ces noms cités. La mort de Robert Johnson à donc alimenté nombreux mythes et légendes a lui et dans l’univers de la musique, tout ça dans l’imaginaire collectif. Après plusieurs années de recherche, l’histoire la plus plausible de son soudain talent est que pendant sa disparition d’un an, il serait retourné dans sa ville natale, pour y rencontrer son mentor : Ike Zimmerman. Il aurait ensuite passé plusieurs heures dans les cimetières à y jouer de la guitare.
Conclusion
Malgré le questionnement autour de sa vie, il n’y a aucun doute que le hoodoo a eu un impact sur la création de sa musique. Robert Johnson s’en est inspiré pour se donner du pouvoir. Il décrivait la situation sociale qu’il vivait et y donnait vie. Cette inspiration l’a rendu plus puissant. L’idée de la rencontre avec le diable est une prise de conscience pour faire ressortir en nous notre plein potentiel. C’est ce que Robert Johnson a fait.
DOCUMENT D’ENQUÊTE
Mon texte a été fortement influencé par ce documentaire produit par Netflix, beaucoup d’Informations y ont été recueillies.
Jeff Zimbalist, Michael Zimbalist (écrivains), Le diable a la croisé des chemins [film], Brian Oakes (Producteur), 2019, 48 minutes, numérique, NETFLIX, https://www.netflix.com/ca-fr/title/80191049
Informations Hoodoo : https://www.ulc.org/ulc-blog/voodoo-vs-hoodoo-whats-the-difference
Nation sack: https://www.luckymojo.com/nationsack.html
Hot foot powder : https://en.wikipedia.org/wiki/Hot_foot_powder
Question directement tirée de l’article : Regard sur la figure de la sorcière, ses liens avec l’État moderne et le féminisme : http://www.philo-cvm.ca/?page_id=7904
La question fondamentale
qui nous intéressera
consistera à nous demander :
Comment arrive-t-on à croire en l’existence
de choses qui n’existent pas?
Chansons :
Robert JOHNSON, Crossroad blues, Produit par Don Law, enregesitré à San Antonio, Texas, Vocalion, 1937.
Robert JOHNSON, Come in my kitchen, Produit par Don Law,enregistré a San Antonio, Texas, Vocalion, 1937.
Robert JOHNSON, Hellhound on My trail, enregistré à Dallas, Texas, Vocalion, 1937.
Robert JOHNSON, Me and the Devil Blues, enregistré à Dallas, Texas, Vocalion, 1938.