«L’altérisation est un processus par lequel on présente un groupe de personnes comme fondamentalement différentes, au point même de les considérer comme pas tout à fait humaines. Ce processus peut déclencher des réactions émotionnelles instinctives envers les membres de ce groupe. L’altérisation sert souvent à rabaisser et à isoler un groupe, ainsi qu’à rendre possible la discrimination, la violence ou la persécution à son égard.»

                                                                                                             – Musée Holocaust Montréal

J’ai toujours eu une fascination pour tout ce qui entoure la Seconde Guerre mondiale. J’adore me renseigner sur le contexte d’émergence, les avancées technologiques et les répercussions de cet événement tragique sur le monde entier afin de comprendre ce qui a poussé les Hommes à commettre autant de violence. L’Holocaust est d’ailleurs un exemple évident des atrocités de cette guerre et je trouve qu’il est important de s’y intéresser. Certains pourraient penser qu’un intérêt envers un sujet aussi violent ne peut être que malsain, qu’il ne faudrait jamais regarder en arrière pour se concentrer plutôt vers l’avenir, mais je n’adhère pas à cette manière de penser. Je crois, au contraire, qu’il est capital pour nous tous de se remémorer les grandes tragédies du passé afin d’éviter de les reproduire. Malheureusement, l’Humain étant imparfait, il arrive trop souvent que certaines catastrophes se répètent au fil du temps. J’en suis donc venu à me demander si les mécanismes de répression utilisés pendant l’Holocaust auraient préalablement été employés à un autre moment donné de notre Histoire. Comme de fait, la chasse aux sorcières (ayant sévi du 15e et 17e siècle) présente plusieurs similitudes en ce qui a trait à la répression des individus.[1]Je tenterai donc de prouver ma thèse à travers cette analyse pour que nous puissions continuer de nous rappeler le mal qui a été commis. Avec un peu de chance, le souvenir d’événements tragiques passés réduira les chances d’en commettre autant et d’aussi graves dans le futur.

Comme je l’ai dit plus haut, le traitement reçu par les Juifs lors de la Deuxième Guerre mondiale est, pour moi, très semblable à celui subi par les femmes accusées de sorcellerie. Plusieurs causes sont au cœur de cette répétition de l’Histoire, entre autres le problème de la représentation. En effet, l’imaginaire humain, d’une extrême puissance, est en mesure de créer de toutes pièces des objets, des personnages, des rumeurs et même des émotions. C’est donc l’imagination qui a donné vie aux récits farfelus qui permirent soit la répression des femmes identifiées comme des «sorcières» ou celle des Juifs. Et si, de plus, ces histoires imaginaires bénéficient d’un appui de l’autorité, leurs conséquences sont décuplées. En effet, dans les deux cas, l’institution dominante, que ce soit l’Église ou le parti nazi, a légitimé ces fausses représentations et y a apporté une telle crédibilité que ces mensonges ont fini par devenir réalité. Par exemple, le parti nazi a employé la propagande pour normaliser leur opinion à propos des Juifs et pour créer une peur envers eux. Cette peur a servi à amplifier la haine déjà présente chez la population allemande. De nombreux films, affiches, discours, livres et pièces de théâtre ont d’ailleurs valorisé les valeurs hitlériennes à la population et cette propagande a créé de nouvelles conventions antisémites extrêmement tenaces.

De surcroît, autant les sorcières que les Juifs ont été vus comme étant inférieurs aux autres. Ce n’est un secret pour personne que la femme, au cours de l’Histoire (et même encore aujourd’hui), a été considérée comme inférieure à l’homme. Du côté des Juifs, l’idéologie hitlérienne les considérait comme des sous-hommes qu’il fallait absolument exterminer pour préserver la «Race allemande» (Aryenne), qui, elle, avait une meilleure génétique. Selon Hitler lui-même, les Allemands avaient le devoir d’empêcher la reproduction des races inférieures, dont les Juifs.[2] Pour les réprimer davantage, le parti politique d’Hitler a passé des centaines de lois anti-juives. Ces lois, toutes plus contraignantes les unes que les autres, ont, en fait, servi à détruire la communauté juive et à criminaliser leur existence. Le régime nazi a notamment interdit aux enfants juifs d’accéder à l’école dès le mois d’avril 1937 ou encore fait passer un décret ordonnant la fermeture de toutes les entreprises juives[3]. Les exemples comme ceux-ci sont nombreux et démontrent bien que le gouvernement tentait de séparer les «races inférieures» des Aryens.

Lorsque nous prenons un pas de recul, nous nous apercevons également que dans les deux situations, l’Humain a tenté de se défendre contre une menace imaginaire. Effectivement, dans le cas des sorcières, c’était une potentielle relation avec le Diable qui terrifiait la population. Ce pacte était d’ailleurs le motif d’accusation principal pour condamner une femme. Néanmoins, à part quelques témoignages (probablement récoltés sous la torture), il n’y a aucune preuve tangible que les sorcières dévouaient leur vie et leur corps à Satan. L’Église était également terrifiée par l’idée d’un potentiel complot, organisé par les sorcières, qui aurait pour but de détruire la chrétienté. L’Histoire se répète pour les Juifs quelques siècles plus tard puisque le parti nazi croyait lui aussi à un complot qui mènerait à l’anéantissement de la race aryenne. Hitler affirmait que la communauté juive, au moyen de son contrôle immense des médias et de sa grande richesse (dans ces temps de pauvreté extrême), tenterait de devenir une puissance mondiale. En plus, il croyait que les Juifs seraient en mesure de rallier d’autres communautés, slaves entre autres, pour surpasser et détruire les Aryens. Pour se défendre contre cette ‘’menace’’, Hitler croyait qu’il était de son devoir de séparer les races (au moyen de lois antisémites) et d’exterminer un maximum de Juifs pour empêcher leur reproduction.[4]

 Cependant, ce qui est le plus étonnant lorsqu’on s’attarde aux ressemblances entre les préjugés véhiculés par rapport aux sorcières et ceux racontés à propos des Juifs, c’est que certains traits attribués à la sorcière puisent leur origine dans certaines caractéristiques physiques traditionnellement attribuées aux Juifs. En fait, la laideur en général est utilisée pour représenter le Juif à partir du  8e siècle et c’est en 1096 que la première représentation d’un Juif au nez crochu apparaît.[5] De cette image, peinte par un membre de l’Église catholique, découle donc le fameux nez crochu, plus tard aussi attribué à la sorcière, comme l’affirme Mona Chollet : ‘’On parlait du « sabbat » ou de la « synagogue » des sorcières; on les soupçonnait, comme les Juifs, de conspirer pour détruire la chrétienté et on les représentait, comme eux, avec le nez crochu’’[6].

Pour conclure, il est évident que la plupart des mécanismes de répression employés par l’Église catholique afin de réprimer les femmes ont été réutilisés à travers l’Histoire. Le parti politique d’Adolf Hitler s’en est servi abondamment lors de la Deuxième Guerre mondiale pour faire subir aux Juifs ce que des milliers de femmes ont vécu en étant accusées de sorcellerie. Ceci pose également une question quant au rôle de nos institutions dans la transmission des grandes tragédies causées par l’Homme. Selon moi, le système d’éducation n’en parle pas assez et il devrait faire une plus grande place au mal que notre espèce a engendré. Bien qu’il soit difficile de faire face à nos erreurs, je crois sincèrement que l’éducation est une des solutions les plus efficaces contre la discrimination de différents groupes ethniques. Informer la population est, pour moi, une des clés pour empêcher l’avènement de génocides aussi violents que ceux traités plus haut. Malheureusement, même en ces temps de modernité, il semble que l’Histoire se répète une fois de plus alors que la Russie de Vladimir Poutine envahit l’Ukraine à coups de canons et de chars d’assaut.


[1] DANIEL S. LEVY, «Au fil des siècles, la chasse aux sorcières a fait des milliers de victimes», 11 mai 2022, dans National Geographic. Repéré le 16 septembre 2023.

https://www.nationalgeographic.fr/histoire/au-fil-des-siecles-la-chasse-aux-sorcieres-a-fait-des-milliers-de-victimes

[2] Musée commémoratif de l’Holocauste des États-Unis. Victimes de l’époque Nazie : l’idéologie raciale Nazie dans L’encyclopédie multimédia de la Shoah. Repéré le 19 septembre 2023 à https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/victims-of-the-nazi-era-nazi-racial-ideology

[3] Musée Holocauste Montréal (2018). Lois antijuives. Repéré le 17 septembre 2023 à http://histoire.museeholocauste.ca/fr/chronologie/lois-antijuives

[4] Musée commémoratif de l’Holocauste des États-Unis. Victimes de l’époque Nazie : l’idéologie raciale Nazie dans L’encyclopédie multimédia de la Shoah. Repéré le 19 septembre 2023 à https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/victims-of-the-nazi-era-nazi-racial-ideology

[5] Sagaert C. L’utilisation des préjugés esthétiques comme redoutable outil de stigmatisation du juif dans Cairn.info. Repéré le 22 septembre 2023 à https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2013-4-page-971.htm

[6] Mona Chollet (2018). Sorcières, la puissance invaincue des femmes. Repéré le 13 septembre 2023 à   http://www.philo-cvm.ca/?page_id=307

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