« I’m so sick of running as fast as I can
Wondering if I’d get there quicker
If I was a man »
-Taylor Swift dans the Man
Taylor Swift. Taylor Swift. « Taylor Swift – The Man (Official Video) » YouTube, 4:11. 27 février, 2020. https://www.youtube.com/watch?v=AqAJLh9wuZ0

Tout d’abord, si l’on se penche sur le mot sorcière en lui-même, on dénote tout de suite une certaine connotation péjorative. En effet, selon le dictionnaire Larousse, une sorcière est : « dans les contes de fées, [une] femme en générale laide, qui possède des dons surnaturels, qu’elle utilise pour faire le mal » ou encore une « femme laide, déplaisante, voire méchante et malfaisante. » Au contraire, si l’on cherche le mot « sorcier » dans le même dictionnaire on obtient une définition similaire en un sens, mais bien différente dans d’autres. Ainsi un sorcier serait un « individu soupçonné de se livrer à des pratiques de sorcellerie. » Suis-je le seul à y voir un problème aberrant ? Dans les faits, outre la notion de genre, la définition d’une sorcière ne devrait en aucun point différer de celle d’un sorcier. Il s’agit littéralement d’un même mot ! Le problème ne serait donc pas uniquement la sorcière et ses activités « méchantes et malfaisantes », mais bien la femme dans son ensemble. Ainsi, on se camoufle derrière des mots mal justifiés pour persécuter les femmes sans réserve. Bien que l’inquisition soit aujourd’hui dite terminée, l’image que nous nous faisons de la sorcière reste teintée de cette haine de la femme. Cependant, bien que l’acharnement sur les sorcières soit passé, on note toujours une différence entre un même mot au féminin et au masculin, que ce soit dans la définition même ou dans la connotation. En effet, les hommes peuvent être des courtisans, des maîtres ou encore, des galants. Mais mettons ces mots au féminin: leur sens change du tout au tout. Si le courtisan caractérise la « personne qui fréquentait la cour d’un souverain », la courtisane, elle, est une « femme qui vend des faveurs ». Si le vieux garçon est un « célibataire endurci », une vieille fille est une « femme qu’aucun homme n’a eu envie d’épouser, d’où son étroitesse d’esprit et son côté acariâtre ». C’est dans cette optique que j’ai choisi d’inclure un extrait de la chanson The Man de Taylor Swift. En effet, la chanson se base sur son questionnement et sa réalisation que sa vie serait probablement plus simple si elle était un homme. Ce questionnement est d’une grande validité quand on observe que même les mots ont des définitions différentes au féminin et au masculin. 

« Every time you call me crazy
I get more crazy
What about that?
And when you say I seem angry
I get more angry
And there’s nothin’ like a mad woman
What a shame she went mad
No one likes a mad woman
You made her like that »
– Taylor Swift dans Mad Woman 
Taylor Swift. Taylor Swift. « Taylor Swift – Mad Woman (Official Lyric Video) » YouTube, 3:58. 24 juillet 2020. https://www.youtube.com/watch?v=6DP4q_1EgQQ

D’un point de vue mythologique, les hommes sont des apollons, des hercules ou encore, des cupidons. Les femmes, elles, sont plutôt des «mégères», des «harpies», des «furies». L’héritage de la mythologie grecque ne les a pas gâtées. En effet, «mégère» vient de Megaira «nom latin d’une des trois déesses infernales, les Érinyes». La mythologie romaine les a renommées «Furia». Quant aux harpies, ce sont des «monstres à corps d’oiseaux, symboles de la vengeance divine et de la dévastation». Mais revenons aux sorcières et attardons nous, justement, à leurs racines mythologiques. L’image de la sorcière tire alors ses origines de deux personnages : Circé et Médée. Tout d’abord, Circé « est une magicienne, fille du soleil, elle a les caractéristiques de la femme fatale où l’amour se mélange à la magie. » De son côté, Médée est « l’étrangère qui fait peur, car elle apporte avec elle la magie. Elle est dangereuse et prête à tout. Elle tuera son frère pour protéger Jason. Quand celui-ci la trahit, elle assassine ses propres enfants. » Pourtant, autant différentes soient-elles, ces deux femmes sont, bien que magicienne, associées à la sorcière. Comme elles sont diamétralement opposées, la représentation de la sorcière se trouve alors dans l’infini des possibilités qui se cache entre les deux. Ainsi, cela revient à dire que toutes les femmes seront un jour ou l’autre considérées comme une sorcière ; peu importe leurs actions, peu importe leurs paroles, elles seront accusées de sorcellerie. Quel paradoxe, il n’y a aucune issue ! Il est donc impossible pour une femme de mener une vie où elle ne sera pas persécutée pour le simple fait d’exister. Bien sûr, ces agressions ne viennent pas toujours sans artéfacts. Elles se déguisent sous toutes les formes et prennent des types d’ampleur différents. D’un point de vue plus actuel, ce qui nous reste des mythes de Circé et Médée, c’est donc ce conflit perpétuel qui vit au coeur de la vision de la femme et pour le prouver, la mode féminine en est probablement le meilleur exemple. En effet, combien de fois une femme s’est-elle fait dire que sa jupe était trop longue ou trop courte ? Mais y a-t-il une bonne option ? Soit tu fais trop « pute », soit tu fais trop « prude ». Trop de maquillage = « poupée », mais pas de maquillage = « ne pas faire attention à soi ». La liste est longue parce que peu importe les choix d’une femme, elle sera critiquée et accusée pour ceux-ci. Ainsi, les femmes sont brimées pour un problème qui ne vient pas d’elles. Bien que ce soit ce qu’on veut nous faire croire, le problème n’est pas les femmes, mais l’image qu’a la société, particulièrement les hommes, de la femme. C’est d’ailleurs ce que Swift souligne lorsqu’elle dit « Tu l’as rendu comme ça ». C’est l’homme qui a rendu l’idéal de la femme si strict, inatégnable. La femme subit une fois de plus sans issues. 

« They’re burning all the witches even if you aren’t one
They got their pitchforks and proof, their receipts and reasons
They’re burning all the witches even if you aren’t one
So light me up (Light me up), light me up (Light me up)
Light me up, go ahead and light me up (Light me up)
Light me up (Light me up), light me up (Light me up)
Light me up (Light me up), light me up » 
-Taylor Swift dans I Did Something Bad
Taylor Swift. Magioula 243. « Taylor Swift – I Did Something Bad (Lyric) » YouTube, 3:58. 18 avril 2020. https://www.youtube.com/watch?v=Sv_I15_kZHw

Si l’on se concentre maintenant sur une des manières qui était utilisée pour définir quelle femme était une sorcière et quelle femme ne l’était pas, on constate qu’il fût un temps où une femme soupçonnée de sorcellerie était soumise à un test bien précis. En effet, elle était mise sur une chaise sur laquelle on avait préalablement attaché une roche. Ensuite, elle était mise à l’eau. Si, par un quelconque moyen, elle parvenait à rester à la surface, elle était « définitivement » une sorcière et envoyée au bûcher. D’autre part, si la femme ne parvenait pas à rester à la surface, elle calait au fond et mourait noyée. Alors, sorcière ou non, personne ne le savait. Encore une fois, y a-t-il une bonne option quand dans les deux cas on nous mène vers notre propre mort ? Quelles actions une femme peut-elle poser pour s’innocenter ? Comment s’en sortir quand notre sort s’est décidé avant même notre naissance ? Ainsi un aspect ressort encore une fois du lot : jamais les actions d’une femme ne seront 100% correctes. Taylor Swift le met bien en évidence dans sa chanson I Did Something Bad lorsqu’elle mentionne qu’ils « brûlent toutes les sorcières même si tu n’en es pas une ». Cependant, elle ajoute aussi une phrase clé, répétée à plusieurs reprises : « Alors enflammez-moi ». Ce peu de mots entraîne une puissance monstre. En effet, Swift nous fait parvenir que, comme elle est une femme, il vaut probablement mieux qu’ils la brûlent, qu’ils l’accusent tout de suite, car dans tous les cas, sorcières ou non, elle risque le même sort. 

« And we see you over there on the internet
Comparing all the girls who are killing it
But we figured you out
We all know now, we all got crowns
You need to calm down » 
– Taylor Swift dans You Need to Calm Down 
Taylor Swift. Taylor Swift. « Taylor Swift – You Need to Calm Down » YouTube, 3:30. 17 juillet 2019. https://www.youtube.com/watch?v=Dkk9gvTmCXY

 Dans un autre ordre d’idées, les sorcières sont des femmes puissantes, il est important de le rappeler. Elles dégagent un certain sentiment de méfiance et de crainte, mais non pas auprès de la société. Non, les sorcières sont menaçantes envers quelque chose qui n’est même pas concret ; elles sont menaçantes envers l’égo et la fierté des hommes, particulièrement les hommes politiques. En effet, elles connaissent, savent, dirigent, guérissent, elles sont fortes et puissantes, n’importe quel homme les percevrait comme une menace à sa personne. Ils aiment se sentir supérieurs à tous, ça les caresse dans le sens du poil. Ainsi, lorsque que quelqu’un, particulièrement une femme, semble avoir autant, voire plus, de pouvoir et de connaissances qu’eux, bingo attaque à l’égo. Les sorcières ne sont pas les rivales des hommes, de la politique ou de la société. Elles sont, simplement, des femmes puissantes. Cependant, leurs connaissances et leurs réussites les rendent menaçantes. Quelle ironie ! Un homme ne serait jamais perçu comme menaçant pour le simple fait de posséder des connaissances. Ainsi, éliminer toutes les femmes, sous prétexte de sorcellerie, est un moyen pour les hommes de conserver leur puissance et leur égo intact. Tuer pour protéger son égo, c’est fort quand même. Malheureusement, les femmes qui se démarquent par leur talent sont encore aujourd’hui remises en question, comparées, ridiculisées, rabaissées et ce, peu importe leur domaine. Dans sa chanson You Need to Calm Down, Taylor Swift exprime ce sentiment et, particulièrement, l’action des médias qui mettent toujours en compétition les femmes « successful », qui rabaissent leur succès. Or, à quel moment voit-on la même chose pour les hommes ? Quand est-ce qu’un homme se fait dire qu’il réussit bien « pour un homme » ? Ou que tel autre homme à déjà fait ceci ou cela ? Tristement, l’image de la femme forte n’a pas réellement changée depuis « l’époque » des sorcières. Aujourd’hui encore, une femme puissante et savante reste une femme menaçante. 

Traduction

  • Paroles de The Man : « J’en ai marre de courir aussi vite que possible / En me demandant si j’arriverais plus vite / Si j’étais un homme »
  • Paroles de Mad Woman :  « Chaque fois que tu me traites de folle / Je deviens encore plus folle/ Qu’est-ce que tu en penses ? / Et quand tu dis que j’ai l’air en colère / Je deviens encore plus en colère / Et il n’y a rien de tel qu’une femme furieuse / Quel dommage qu’elle soit devenue furieuse / Personne n’aime les femmes en colère / Tu l’as rendue comme ça »y
  • Paroles de I Did Something Bad : « Ils brûlent toutes les sorcières même si tu n’en es pas une / Ils ont leurs fourches et leurs preuves, leurs reçus et leurs raisons / Ils brûlent toutes les sorcières même si tu n’en es pas une / Alors enflammez-moi (enflammez-moi), enflammez-moi (enflammez-moi) / Enflammez-moi, allez-y enflammez-moi (enflammez-moi) / Enflammez-moi (enflammez-moi), enflammez-moi (enflammez-moi) / Enflammez-moi (enflammez-moi), enflammez-moi (enflammez-moi) »
  • Parole de You Need to Calm Down : « Et nous vous voyons là-bas sur l’internet / En comparant toutes les filles qui sont en train de tout déchirer / Mais nous avons compris / Nous savons tous maintenant, nous avons tous des couronnes / Tu dois te calmer »

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