Pourquoi la femme s’est-elle soudain changée en sorcière?

Condition médiocre de la femme à l’époque : destinée à faire le ménage, cuisiner et servir l’homme et ses désirs

Mona Chollet : « C’étaient beaucoup les veuves, les célibataires, les femmes qui n’étaient pas sous le contrôle d’un homme en fait. C’étaient aussi les vieilles femmes et beaucoup d’entre elles ont été brûlées à l’époque. La vieille femme, c’est aussi la femme qui n’est plus utile pour le pouvoir patriarcal. Elle a perdu sa force de travail souvent, elle ne peut plus faire d’enfants, elle n’est plus considérée comme agréable à regarder. Si vous parliez de travers à votre voisin, il pouvait vous dénoncer pour sorcellerie. Donc c’était une époque où on tolérait moins que les femmes parlent haut et fort et donnent leur avis franchement. »

Monat Chollet : « De simples pratiques magiques, réelles ou supposées telles, on passe à l’idée que le sorcier ou la sorcière ne travaille pas seul mais participe à une véritable secte qui a ses lois, ses rites, tend à un but particulier, tout cela ne pouvant se faire que sous la tutelle du diable. À trop parler de ce que l’on redoute, on l’exacerbe. En voulant tout justifier, on se donne des raisons dont la raison est exclue. (judiciarisation et criminalisation)

Parallèle avec la question de l’avortement. Du jour au lendemain, la judiciarisation enlève les droits des femmes et permet la persécution systématique de certaines institutions.

En associant hérésie et sorcellerie, on disposait d’un moyen infaillible pour condamner. En y associant la femme, un nouveau crime se constituait et l’hérésie des sorcières devenait une réalité. Désormais il faudrait y croire sous peine d’être considéré à son tour comme hérétique. Ce qu’on avait pendant si longtemps considéré comme de folles croyances justifierait la répression. De cela l’Inquisition porte l’entière responsabilité. »

Projection sur les sorcières des désirs et fantasmes des hommes : Les hommes de leur famille prenaient rarement leur défense, quand ils ne se joignaient pas aux accusateurs. Pour certains, cette s’expliquait par la peur, puisque la plupart des hommes accusés l’étaient en tant que proches de « sorcières ». D’autres profitèrent du climat de suspicion généralisée « pour se débarrasser d’épouses ou d’amantes encombrantes, ou pour empêcher la vengeance de celles qu’ils avaient séduites ou violées », relate Silvia Federici, pour qui « ces années de terreur et de propagande semèrent les graines d’une aliénation psychologique profonde des hommes envers les femmes »

 Paradoxe contradictoire de Circée et Médée : La femme forte est une sorcière, et ne croyez pas celle qui pleure, puisque ce n’est que manipulation. « Les démonologues recommandent de ne pas se laisser émouvoir par les larmes, attribuées à une ruse diabolique et forcément feintes. Les chasseurs de sorcières se montrent à la fois obsédés et terrifiés par la sexualité fémini8ne. Les interrogateurs demandent inlassablement aux accusées « comment était le pénis du Diable ». Le Marteau des sorcières affirme qu’elles ont le pouvoir de faire disparaître les sexes masculins et qu’elles en conservent des collections entières dans des boîtes ou dans des nids d’oiseau où ils frétillent désespérément (on n’en a cependant jamais retrouvé). Par sa forme phallique, le balai qu’elles chevauchent, en plus d’être un symbole ménager détourné, témoigne de leur liberté sexuelle. Le sabbat est vu comme le lieu d’une sexualité débridée, hors de contrôle. Les tortionnaires jouissent de la domination absolue qu’ils exercent sur les prisonnières; ils peuvent donner libre cours à leur voyeurisme et leur sadisme sexuel. « 

1663 : hérésie et crime de sorcellerie.

Dans le contexte des civilisations grecques et romaines Circé et Médée étaient des magiciennes, pas des sorcières. C’est dans le contexte de la religion chrétienne que la figure de la sorcière se définit telle que se la représenteront les inquisiteurs et la démonologie. C’est tout le rapport entre le jeu des représentations et la transformation des institutions qui se dessinent ici. Un sujet vaste pouvant faire l’objet de superbes enquêtes concernant le passage du paganisme antique à l’émergence de la religion chrétienne.

Monat Chollet : « Nous pourrions parler ici de condition à caractère culturel. En anéantissant parfois des familles entières, en faisant régner la terreur, en réprimant sans pitié certains comportements et certaines pratiques désormais considérés comme intolérables, les chasses aux sorcières ont contribué à façonner le monde qui est le nôtre. Si elles n’avaient pas eu lieu, nous vivrions probablement dans des sociétés très différentes. Elles nous en disent beaucoup sur les choix qui ont été faits, sur les voies qui ont été privilégiées et celles qui ont été condamnées. « 

Comment le paradoxe contradictoire de Circée et Médée a aidé à former la représentation de la sorcière et de la femme que nous avons aujourd’hui?

Question du viol : C’est la faute de la femme si elle était habillée trop sexy ou en état d’ébriété, mais on culpabilise la femme si elle refuse la séduction. Parallèle avec le dogme du péchéé originel : On blâme Ève pour avoir offert la pomme à Adam (elle représente la tentation), même s’il avait le libre-arbitre et la liberté de la refuser.

Les critères et standards poussent les femmes à tenter d’atteindre une image inatteignable : n’être rien mais tout à la fois, pas trop mince, pas trop grosse, pas salope mais pas prude, la femme est prise dans sa boîte, emprisonnée dans son moule et ainsi contrôlée par l’homme.

Les représentations de Médée et Circée, deux personnages opposés et complémentaires, sont devenus la représentation des sorcières. Comme, a eux deux, elles englobent des caractéristiques opposées, l’iimage de la sorcière peut donc correspondre à n’importe quelle femme, jeune ou vieille, belle ou laide, (faussement) innocente ou maléfique, aucune femme n’y échappe.

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