Notes de cours
Texte de Mona Cholet
<<ÉLIMINER LES TÊTES FÉMININES QUI DÉPASSENT: La sorcellerie était un crime de femmes. Faibles de corps et d’esprit, animées par un insatiable désir de luxe, elles sont censées faire des proies faciles pour le Diable. Dans les procès, elles ont représenté en moyenne 80 % des accusés et 85 % des condamnés. Ces femmes n’ont pas eu droit de témoigner pour se défendre, ont été brûlées par milliers et plusieurs de leurs lignées entières ont été éliminées. Dans leur grande majorité, les victimes appartenaient aux classes populaires et se retrouvaient aux mains d’institutions entièrement masculines : interrogateurs, prêtres ou pasteurs, tortionnaires, gardiens, juges, bourreaux. Les hommes de leur famille prenaient rarement leur défense, quand ils ne se joignaient pas aux accusateurs. Certaines accusées étaient à la fois des magiciennes et des guérisseuses. Elles avaient toujours été des membres respectés de la communauté, jusqu’à ce qu’on assimile leurs activités à des agissements diaboliques. Plus largement, toute tête féminine qui dépassait pouvait susciter des vocations de chasseur de sorcières tel que le fait d’avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre. Dans une logique familière aux femmes, chaque comportement et son contraire pouvaient se retourner contre vous. Avoir un corps de femme pouvait suffire à faire de vous une suspecte. N’importe quelle tache, cicatrice ou irrégularité pouvait faire office de preuve de la marque du Diable. Aussi, les chasseurs de sorcières se montrent à la fois obsédés et terrifiés par la sexualité féminine (forme phallique du balai qu’elles chevauchent, liberté sexuelle). Le sabbat est vu comme le lieu d’une sexualité débridée, hors de contrôle. Les tortionnaires et les gardiens jouissent de la domination absolue qu’ils exercent sur les prisonnières; ils peuvent donner libre cours à leur voyeurisme et à leur sadisme sexuel (viols).>>
Elles illustrent d’abord l’entêtement des sociétés à désigner régulièrement un bouc émissaire à leurs malheurs, et à s’enfermer dans une spirale d’irrationalité, inaccessibles à toute argumentation sensée, jusqu’à ce que l’accumulation des discours de haine et une hostilité devenue obsessionnelle justifient le passage à la violence physique, perçue comme une légitime défense du corps social.
<<Elles avaient toujours été des membres respectés de la communauté, jusqu’à ce qu’on assimile leurs activités à des agissements diaboliques. >>
Qu’importe s’il s’agissait de femmes parfaitement inoffensives : leurs concitoyens étaient persuadés qu’elles détenaient un pouvoir de nuire sans limite
Comment avoir le pouvoir?
1- Déterminer qui détient le pouvoir: Les membres respectés de la communautés, les personnes détenant des connaissances (guérisseuses),
2- Détruire ce pouvoir: Faire croire au peuple que ce pouvoir est mauvais : il vient du diable
Texte de Silvia Federici
<<La chasse aux sorcières fut une guerre contre les femmes : c’était une tentative concertée pour les avilir, les diaboliser et pour détruire leur pouvoir social.>>
<<Transformation de l’activité sexuelle des femmes en un travail, un service pour les hommes, et en procréation (plaisir sexuel de la femme: connotation démoniaque). Stéréotype de la sorcière, de la femme vielle et laide ayant perdu sa fertilité et son droit à une vie sexuelle. Sexualité féminine et féminité=bestialité (association des animaux avec la femme et le diable).>>
<<La sorcière était vue comme la femme rebelle qui répondait, se défendait, jurait et ne pleurait pas sous la torture.>>
vrai texte
Indépendamment de l’âge (mais pas de la classe), il y a, dans les procès des sorcières, une identification constante entre sexualité féminine et bestialité. Cela était suggéré par la copulation avec le dieu-bouc (l’une des représentation du diable), l’infâme baiser sub cauda et l’accusation que les sorcières possédaient une variété d’animaux, ‘’diabotins’’ ou ‘’familiers’’, qui les aidaient dans leurs crimes et avec qui elles entretenaient un rapport particulièrement intime. Il s’agissait de chats, de chiens, de lièvres, de grenouilles, dont elles prenaient soin et qu’elles allaitaient censément à l’aide de tétons spéciaux.
Le fait que la sorcière soit une femme était aussi souligné par les démonologues, qui se réjouissaient que Dieu ait épargné l’homme d’un tel fléau. Comme Sigrid Brauner l’a noté les arguments utilisés pour justifier ce phénomène changèrent. Tandis que les auteurs du Malleus Maleficarum expliquaient que les femmes étaient plus portées à la sorcellerie à cause de leur «luxure insatiable», Martin Luther et les écrivains humanistes faisaient valoir la faiblesse morale et intellectuelle des femmes à l’origine de cette perversion. Mais tous désignaient les femmes comme êtres maléfiques.
Texte: Les putains du Diable (Armelle Le Bras-Choppard)
<<Mais l’État aussi joue un rôle important dans le procès de ces femmes, afin d’affirmer sa souveraineté et de diminuer leur pouvoir. La population, et surtout les hommes, craint la place grandissante des femmes dans l’espace social tout au long du Moyen Âge (émancipation complète du sexe faible et sa prise de pouvoir).>>
Puis, les hommes se mettent à étudier les sciences plus profondément pour ainsi devenir « maître et possesseur de la nature ». Ils vont ainsi établir qu’un homme est un être humain; alors qu’une femme n’est pas un homme; donc une femme n’appartient pas à l’humanité, donc ressort de cette nature à maîtriser. Ces assertions misogynes, mêlées aux croyances des démonologues, renforcent l’idée que toute femme doit être mise à mort ou entièrement dominée.
De la croyance que la femme est tentatrice et se caractérise par sa lubricité, les hommes viennent à la conclusion qu’une femme au pouvoir est donc peu différente d’une sorcière: elle est semblable à celles qui, ayant reçu des pouvoirs du Diable, les exercent toujours pour faire le Mal.
La grande hantise des hommes reste la liberté des femmes : il ne s’agit plus de brûler une bonne part de celles-ci comme au temps des sorcières, mais la loi, dès lors que l’État est en mesure, au nom de sa souveraineté, de la promulguer et de la faire appliquer, est un moyen qui permet de brider l’autonomie de toutes les femmes.
Rédaction
<<De la croyance que la femme est tentatrice et se caractérise par sa lubricité, les hommes viennent à la conclusion qu’une femme au pouvoir est donc peu différente d’une sorcière: elle est semblable à celles qui, ayant reçu des pouvoirs du Diable, les exercent toujours pour faire le Mal.>>
Armelle Le Bras- Chopard
Comment avoir le pouvoir? Cette question purement humaine que chacun ou presque s’est déjà posé, selon le contexte, consciemment ou inconsciemment, cette question qui est à la base de tant de guerre et de malheurs sur la terre, cette question qui est aussi à la base de l’inquisition.
Comment avoir le pouvoir? Il faut prendre la place de celui qui l’a déjà. En effet, les femmes étaient depuis longtemps des personnes importantes, elles créaient la vie et avaient de grandes connaissances. Elles avaient du pouvoir et tentaient de faire progresser la science, ce qui mettait en danger l’Église. Il fallait donc qu’elle prenne leur place. Pour ce faire, quoi de mieux que de leur enlever toute intégrité? En créant une image horrible des femmes, une image diabolique, elles perdaient toute crédibilité, toute confiance du peuple et donc tout pouvoir. Et c’est à ce moment que l’on vient à se demander comment, à quel point, l’imagination a-t-elle donné du pouvoir à l’inquisition? Comment l’Église a-t-elle utilisé l’imagination du peuple pour prendre le pouvoir? Il y a peu de choses aussi puissantes que la peur et c’est en grande parti à cause de son utilisation massive et sournoise par le clergé que l’inquisition a pu voir le jour.
L’image du diable
C’est au XIe siècle qu’apparait l’image du Diable que l’on connait. Vicieux, séducteur, tentateur, bien vite on l’associera à la femme à qui ont attribue déjà ces caractéristiques et que l’on associe aussi au péché originel.
La déshumanisation de la femme
<<Puis, les hommes se mettent à étudier les sciences plus profondément pour ainsi devenir « maître et possesseur de la nature ». Ils vont ainsi établir qu’un homme est un être humain; alors qu’une femme n’est pas un homme; donc une femme n’appartient pas à l’humanité, donc ressort de cette nature à maîtriser. Ces assertions misogynes, mêlées aux croyances des démonologues, renforcent l’idée que toute femme doit être mise à mort ou entièrement dominée.>>
– Armelle Le Bras- Chopard
Comment faire du mal à quelqu’un ou quelque chose qui nous ressemble? Même les gens ayant peu de morale trouverait la tache difficile. Pour pouvoir la torturer et lui faire endurer tout ce qu’on lui a fait endurer il fallait se dissocier de la femme. Il ne fallait plus qu’elle soie de nos semblable, il ne fallait plus qu’elle soit humaine.
On l’associera au Diable et à toute sorte d’animaux afin de lui enlever son caractère humain pour la transformer en monstre. On utilisera les croyances du peuple et leur peur pour faire de la femme un outil du Diable duquel on doit tous être terrifié.
Avec les « sciences » les hommes vont donc déterminer qu’elle est plutôt une chose qu’un être humain. Une chose inférieure à l’homme, mauvaise qui plus est. Ainsi, non seulement il ne s’agit plus de torturer et tuer de gens de sa propre race, mais de faire le ménage, de contrôler ces bestioles sanguinaires.
Plus tard, on dira: <<un homme est un être humain; une femme n’est pas un homme; donc une femme n’appartient pas à l’humanité, du moins pas tout à fait, donc ressort de cette nature à maîtriser>>. On ne demandera plus de bruler les sorcières, mais de contrôler toute femme ainsi que son pouvoir du Diable (trop puissant pour être simplement jeter!) afin que l’État puisse légalement leur enlever tout pouvoir social.
Et qui aurait pu défendre les femmes? Dans une société entièrement masculine ou tout ceux qui vous accusent et condamnent sont des hommes, qui vous défendrait? Les femmes? Non seulement elle n’ont pas le pouvoir d’y changer quoi que ce soit, mais de peur de subir le même sort, très peu oserait essayer. Les hommes? Oh, mais lorsqu’il s’agit de s’opposer, un homme aussi peut être accusé de sorcellerie, ou de complicité. Une seule sortie possible, la mort et/ou la torture. Devant un destin si peu attrayant il est compréhensible que peu aient tenté leur chance.
L’État
Toute femmes est une sorcière
À présent que chacun est terrifié par la sorcière, comment déterminer quelle femme est une sorcière et quelle femme ne l’est pas? Bien des facteurs entre en jeux pour prouver qu’il faut se méfier de chaque femme, mais l’un des plus frappants est la mythologie.
Dans la mythologie grecque, il y a le mythe de Circé et Médée. Toutes deux sont de puissantes magiciennes. Circé est vue comme une femme magnifique, la fille du soleil, elle manie les drogues divines et permet aux gens de s’amuser. Médée, quant à elle est l’étrangère qui apporte la magie, elle est dangereuse, sanguinaire et prête à tout pour atteindre ses objectifs, même au meurtre et à l’infanticide. Entre ces deux opposés, on peut trouver une place à chaque femme.
L’image de la sorcière réunit les caractéristiques des deux femmes mythologiques. La sorcière peut être la femme fatale comme Circé et être sanguinaire comme Médée, elle peut être l’étrangère qui vous fera tomber en amour pour vous ensorceler, elle peut être laide ou d’une beauté extraordinaire, vous pourriez la connaitre de puis toujours ou depuis quelques heures, chaque femme peut être une sorcière. comme Mona Cholet l’explique :<<Dans une logique familière aux femmes de toutes les époques, chaque comportement et son contraire pouvaient se retourner contre vous>>.
Ainsi, on a utilisé l’imagination de l’homme pour lui faire croire qu’il doit se méfier de chaque femme, sans exception, ce qui empêche les femmes d’accéder au pouvoir de peu importe qui elle est, peu importe ses idéologies.
Enfin, l’Église et l’État ont utilisé l’imagination du peuple pour faire peur aux hommes afin d’enlever tout pouvoir aux femmes. Je dirais que le commun qui a été détruit serai l’humanité des femmes, leur sentiment d’appartenance à la race à laquelle elles appartiennent qu’on leur a enlevé avec la déshumanisation, la démonisation de leur image. Afin de le réinventer, il faut obtenir cette égalité entre les sexes. Ce n’est pas un combat nouveau, pas du tout, et beaucoup savent que pour l’atteindre il faudrait repartir à zéro dans plusieurs domaines (si ce n’est pas tous!), car l’infériorité des femmes et un concept ancré depuis si longtemps dans notre société que ses conséquences apparaissent souvent de façon extrême cachées tout en étant les fondements de nos institutions.
médiagraphie
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