<<On ne naît pas femme, on le devient>> – Simone de Beauvoir

D’un point de vue biologique, seule la femme possède la capacité de maintenir en son utérus pendant près d’un an un autre être vivant. Pourtant, cette caractéristique lui est souvent attribué comme étant son unique rôle social. Au coeur d’une société patriarcale, la femme serait réduite à sa vocation en tant que simple et vulgaire réceptacle. Sa valeur est rabaissée à son <<instinct maternel>> et à sa capacité à enfanter. D’après un mythe ancien, considérant leur incapacité à porter des enfants identiques à eux-mêmes, mais également de l’autre sexe, les hommes auraient élaboré des systèmes de pensées dévalorisant la femme afin de contrer cette supposée <<injustice biologique>>. Ainsi, l’unique fonction de la femme au sein de la société serait de veiller à ce que l’humanité peuple à profusion la Terre, tandis que le rôle de l’homme consisterait à garder cette humanité docile aux lois et aux règles établies par ceux-ci. Évidemment, cette hypothèse est beaucoup trop simpliste afin de justifier le désir omnipotent de l’homme d’assujettir la femme, mais elle comporte tout de même un caractère plutôt intéressant. L’oppression que vivent les femmes ne date point d’hier. Il est alors plutôt difficile d’établir avec certitude ce qui aurait causé l’évolution d’une hiérarchisation entre les sexes, mais il existe une théorie pertinente permettant potentiellement de comprendre l’origine de ce phénomène. Comment cette hiérarchisation est-elle apparue?

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Jadis, lorsque l’humanité vivait uniquement de chasse et de cueillette, femmes et hommes possédaient un rôle indispensable à la survie de leur communauté. Les sociétés humaines primitives se rapprochaient le plus d’un exemple d’égalité entre les sexes. Avec l’apparition de l’agriculture, l’humanité devint progressivement sédentaire et débuta à combler ses besoins alimentaires grâce aux cultures des céréales. C’est ainsi que la propriété privée vu le jour: chaque famille cultivait le fruit de ses efforts, s’appropriait les récoltes et conservait le tout. En récoltant des richesses, inévitablement, le concept d’inégalité apparut. Les possessions de chacun ne correspondaient pas à celles du voisin. C’est ainsi que le concept d’hiérarchisation pu s’installer au coeur des sociétés humaines. Afin de protéger leurs ressources, certains humains (essentiellement des hommes) développèrent le rôle de <<protecteur du territoire>>, ou plus communément appelé <<le guerrier>>. L’essor d’un esprit de domination coïncide avec la naissance du patriarcat. Les femmes, originellement cueilleuses, se sont consacrées majoritairement à la culture de la terre pendant les débuts de la sédentarisation. Ainsi, puisqu’elles devaient <<en arracher>> sur les champs tout en continuant d’enfanter afin de veiller au développement de l’humanité, celles-ci auraient naturellement été exclues des décisions politiques reliées à la protection de la communauté ainsi que de l’administration des villages. Avec l’accroissement du pouvoir masculin, les femmes ont donc été dans l’obligation de rester confinées à la terre et de procréer.

Jusqu’à la chute de l’Empire romain, les femmes restèrent assujetties aux hommes. C’est seulement à partir du Moyen Âge que l’on observa une tendance de certaines femmes d’accéder à un niveau de pouvoir se rapprochant de celui des hommes. Même si la croyance populaire dépeint le Moyen Âge comme une période sombre, inégalitaire et misérable, étonnamment, c’est au coeur de cette période que l’être humain féminin acquit un semblant de puissance. Pendant plusieurs décennies, la religion fut omniprésente. Devant Dieu, tous les sexes étaient perçus comme équivalents l’un à l’autre. À cette époque, l’autorité se partageait entre le pouvoir de l’État régi par des êtres humains et le pouvoir de l’Église régi par Dieu. De manière progressive, l’État va se dissocier de la religion et l’autorité sera entièrement basée sur le principe de la rationalité. Pendant la Renaissance, les êtres humains vont alors obéir à des lois inventées et écrites par eux-mêmes. C’est à cette époque que la grande chasse à <<l’irationnalité>> débuta. Selon Mona Cholet << (Les femmes) illustrent d’abord l’entêtement des sociétés à désigner régulièrement un bouc émissaire à leurs malheurs, et à s’enfermer dans une spirale d’irrationalité, inaccessibles à toute argumentation sensée, jusqu’à ce que l’accumulation des discours de haine et une hostilité devenue obsessionnelle justifient le passage à la violence physique, perçue comme une légitime défense du corps social.>> (Mona Chollet, extrait de Sorcières, la puissance invaincue des femmes) Au moindre geste <<anormal>>, elles étaient réduites à de simples et vulgaires sorcières voulant supposément remettre en question l’ordre établi. Ainsi, la femme était persécutée simplement pour le fait d’en être une. C’est ainsi que la lutte entre l’autorité religieuse et politique se métamorphosa en une lutte entre les sexes.

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En tant que féministe engagée, depuis les tous débuts de mon élan activiste, je me suis toujours questionnée par rapport à l’origine de la hiérarchisation entre les hommes et les femmes. Afin de répondre à mes questions, j’accumulai les ouvrages et les visionnages de documentaires portant sur le sujet du féminisme ainsi que ses multiples branches (notamment l’écoféminisme). Lors de mes recherches, j’ai toujours été guidée par une soif de savoir et une curiosité exaspérante de comprendre d’où venait cette injustice. Pour moi, être femme ne rime aucunement avec infériorité, soumission et obéissance. Lorsque j’appris que l’origine de la hiérarchisation entre les sexes datait probablement du Néolithique, je fus submergée par un sentiment de colère et de dégoût. Il est inconcevable pour moi de croire que ces injustices d’ordre sexuel persistent depuis des millénaires et que même s’il y a eu du progrès en matière d’égalité entre les sexes, partout sur la planète, la femme demeure assujettie à l’homme. Je me considère extrêmement chanceuse de vivre dans une société se rapprochant tranquillement d’un exemple d’équité, mais le combat est loin d’être terminé et sera probablement toujours présent tant que l’humanité dominera la Terre. Afin d’établir une égalité permanente au sein de l’humanité, je ne pense pas nécessairement qu’il faudrait abolir la notion de propriété privée. Il serait trop compliqué d’anéantir un concept datant des tous débuts de l’humanité. Cependant, en se questionnant sur nos origines, il serait possible de reformer notre vision des rôles genrés et de notre place dans ce monde et d’ainsi progressivement atteindre une certaine égalité.

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Malgré le travail acharné des historiens et des archéologues afin de comprendre notre passé et l’origine de la hiérarchisation entre les sexes, il est plutôt difficile de confirmer avec certitude que l’invention du patriarcat aurait coïncidée avec l’essor de l’agriculture et de la sédentarité. Il existe des multitudes d’hypothèses pouvant toutes apporter un aspect intéressant afin d’enrichir notre questionnement et notre curiosité par rapport à ce phénomène. Afin d’instaurer une perspective globale favorisant le commun et le bien-être de tous, il est dans notre devoir d’encourager l’épanouissement de nos sociétés afin que celles-ci deviennent davantage égalitaires et collaboratrices. En considérant le futur incertain que nous réserve l’avenir en lien avec les changements climatiques, il est plus que jamais le temps de se serrer les coudes et d’avancer ensemble, main dans la main, afin de bâtir un monde meilleur. La lutte entre les sexes doit se métamorphoser en une lutte commune contre les obstacles empêchant l’humanité de prospérer, et nous pouvons le faire que si nous éradiquons notre soif de puissance individuelle.

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