Est-ce que le phénomène de la chasse aux sorcières ne serait pas une tentative de réaffirmation du rang social de l’homme ?

Selon les textes de Mona Chollet, les femmes étaient souvent dites : ‘’sorcière’’ pour l’intérêt des hommes. On les dénonce tout simplement parce que cela est plus facile pour s’en prendre à ses ennemis, pour se débarrasser d’elles et éviter les problèmes qui pourraient nous tomber dessus. Par exemple, Jeanne d’Arc, bien qu’elle ait sauvé la France en prenant la tête des troupes, fut vendue aux Anglais et accusée d’hérésie. Malgré l’aide qu’elle avait apportée au prince Charles V pour qu’il puisse devenir le roi, il l’a livra aux ennemis. Pourquoi ? Pour son intérêt politique.

Jeanne d’Arc fut accusée d’hérésie, car elle disait parler directement à Dieu. Elle obéissait à la tradition religieuse qui croit qu’une personne exceptionnelle, quel que soit son rang dans la société, peut recevoir un appel divin. Elle ‘’prouva’’ en sauvant la France cet appel divin, mais elle fut tout de même accusée et tuée. Qu’en est-il du pape qui est l’intermédiaire direct de Dieu sur terre ?

Contexte historique – Condition d’émergence de la chasse aux sorcières

Condition anthropologique

C’est la puissance de l’imagination : croire en l’existence de ce qui n’existe pas.

Les images mentales

  • Répondent à différentes influences
  • Sont personnelles
  • Impliquent un certain investissement affectif / symbolique

Mais pourquoi la femme s’est-elle transformée en sorcière ?

Il y a plusieurs réponses : elles sont des proies faciles pour le Diable, elles sont démunies face au système, elles ont des comportements de trop ou de pas assez (ex : aller trop ou pas assez à la messe), elles ont des corps de femme, elles ont des ‘’défauts’’ (ex : grain de beauté, tâches de naissance, etc), elles ne veulent pas d’enfants, elles servent les hommes, elles contredisent les hommes, elles soignent et aident les gens, etc.

Finalement, peu importe ce que la femme est, elle est obligatoirement sorcière.

L’Église a aussi joué dans l’équation de la transformation de la femme en sorcière : « Dans le cas de la femme sorcière, son hérésie se situe dans sa connaissance de la nature. La sorcière est une guérisseuse, une sage-femme. Toute cette connaissance est pour l’Église liée aux anciennes coutumes du monde païen, un monde que l’autorité ecclésiastique croyait révolu. Cette femme animiste remet en cause ses fondements et ses principes. C’est pour cela que la sorcière apparaît dans la société comme une tueuse d’enfants, une entremetteuse préparant philtres et autres potions, comme celle qui déchaîne les éléments et les épidémies dévastatrices. La sorcière est la personne qui répand le mal sur le monde, tout comme Pandore ou Ève avant elle. Pour les hommes d’Église détenteurs de l’autorité, il est important que les Hommes retrouvent le chemin de la foi. Il faut déraciner les superstitions païennes. »5

Qu’en est-il aujourd’hui ?

« Dans le même temps, et ceci explique sans doute en partie cela, un homme capable de dire publiquement que, quand on est une « star » on peut tout faire avec les femmes, notamment « les attraper par la chatte », est élu président des États-Unis ; un nombre hallucinant de femmes continuent de mourir chaque année sous les coups de leur conjoint ; un parlementaire s’adresse à une secrétaire d’État en l’appelant « ma poule » en séance de questions au gouvernement ; le maire d’une grande ville se demande à la télévision si la Ministre de l’égalité hommes-femmes n’aurait pas pu aller au Journal du Hard de Canal + si l’émission existait encore…. Dans le même temps encore, les femmes continuent d’assumer l’essentiel du travail de care sur lequel repose la reproduction de la société et de ses membres, qu’il soit ou non rémunéré ; elles demeurent majoritaires dans les emplois à temps partiel subis ; elles continuent de gagner moins que les hommes à poste et compétence égale ; et, contrairement à ce que martèlent les membres du gouvernement d’Édouard Philippe, elles seront – mécaniquement – les premières victimes de la réforme des retraites en discussion au Parlement.

6Donc oui, il se passe des choses qui donnent sens au réinvestissement du concept de patriarcat, en tant qu’il désigne, dans une acception large, une formation sociale dans laquelle les hommes détiennent le pouvoir, et le masculin est systématiquement avantagé au détriment du féminin [10][10]Delphy, Ch., « Théories du patriarcat », in Hirata, H.,…. Que le contexte social et politique dans lequel nous nous trouvons légitime le réemploi de ce terme et le rende peut-être urgent d’un point de vue politique ne nous dit rien, ni de sa pertinence pour analyser et transformer la situation présente, ni de la manière de le comprendre, étant entendu qu’il n’y a jamais eu d’accord sur sa signification dans le champ féministe. »3

Condition mythologique

Comme le cite Mona Chollet lors du premier cours : « ces années de terreur et de propagande semèrent les graines d’une aliénation psychologique profonde des hommes envers les femmes ». Selon moi, le fait de rassembler les figures de Circé et de Medée dans la même et seule figure, celle de la sorcière, vient de la crainte des hommes que les femmes pensent, aient du pouvoir et qu’elles soient indépendantes. Ils veulent rester supérieurs et ils veulent avoir des droits sur celles-ci. Toute femme qui fera obstacle aux hommes ou qui pensera différemment d’eux sera nécessairement une sorcière.

Tu es condamnable peu importe ce que tu fais – la sorcière peut être n’importe qui

Condition métaphysique

L’angoisse métaphysique peut provoquer : colère, folie et violence légitimée par les émotions

Ces comportements font en sorte que le sujet projette la cause de son angoisse sur l’autre (ex : The Shinning)

L’angoisse est si forte que les sorcières sont donc les bouc émissaires pour tous les problèmes que la société vit.

La hantise de la lubricité des femmes

Et si brûler les femmes sur le bûcher n’était pas pour se débarrasser des sorcières, mais plutôt pour se débarrasser de son propre sentiment de culpabilité ?

Lors d’un extrait tirée du traité de démonologie de Pierre de Lancre, il est écrit : « pour adorer un Diable en forme de bouc hideux, et le baiser encore et caresser ès plus sales parties ». Parler ou même penser de cette manière est complètement défendu par l’Église. S’il pense d’une telle façon, c’est parce qu’il l’espère pour sa propre sexualité. De ce fait, la femme qui brûle pour son péché ne brûle pas que pour celui-ci. Elle permet à l’homme qui l’a dénoncé de ne plus se sentir coupable.

La domestication de la Nature – Maitre et persécuteur

Avant Descartes et Galillée, l’Homme est au centre de tout.

Ensuite, le rationnel est au centre de tout (toute chose pensante). Tout ce qui n’est pas rationnel est donc Nature.

Mais qu’arrive-t-il lorsque la femme est associée à la Nature ?

J’imagine que, si l’Homme associe la femme à son rôle de reproduction et de femme ménagère, tout comme le fait Descartes avec les animaux, les femmes sont tout simplement des machines. De plus, si la femme est associée à la nature, et donc que l’Homme est le maitre, la femme est soumise au rôle de persécuteur.

La société que l’on croyait rationnel a participé à l’assujettissement des femmes.

Les hommes et les femmes sont des choses pensantes et rationnelles, pourtant, l’opinion générale a toujours prétendu que les femmes étaient mentalement et physiquement subordonnées aux hommes. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’homme est supérieur à sa femme dans la hiérarchie de la famille.

« À partir des années 1970, le concept de patriarcat, revisité dans ses fondements théoriques, est notamment utilisé par la deuxième vague féministe pour désigner un système social d’oppression des femmes par les hommes, « système où le masculin incarne à la fois le supérieur et l’universel »2. »8

« À l’époque, les femmes étaient généralement soumises aux caprices de leur mari et/ou de leur père. L’opinion générale prétendait qu’elles étaient à la fois physiquement et mentalement inférieures aux hommes, et qu’il fallait en conséquence « veiller sur elles ». Cette opinion trouvait ses justifications d’une part dans une conception religieuse hiérarchique des rapports homme/femme au sein de la famille, et d’autre part dans des théories sociales basées sur le biologisme (ou déterminisme biologique). Dans ce xixe siècle industriel, l’archétype décrivant la femme idéale comme une mère, épouse et ménagère était particulièrement puissant. Des penseurs influents comme John Ruskin défendaient la thèse d’une différence naturelle entre l’homme et la femme, réservant la sphère publique au premier et la sphère domestique à la seconde2. »7

Une histoire mal racontée

« En contrepoint, Rowlands note cependant que cette antipathie de nombreux historiens académiques envers les analyses féministes, en particulier celles des féministes radicales, « peut cependant être contre-productive, car elle les dissuade de travailler à partir des éclairages utiles que le féminisme jette sur le caractère genré des accusations de sorcellerie, en particulier en relation avec l’analyse du patriarcat ». Elle déplore que l’historienne féministe Christina Larner, auteur d’une « étude révolutionnaire sur la chasse aux sorcières en Écosse », ne soit citée que de façon sélective par ses confrères : sa formule « La sorcellerie n’était pas spécifique au sexe mais elle était liée au sexe » est souvent reprise, alors que l’est beaucoup moins son observation subséquente « Les femmes qui étaient accusées étaient celles qui remettaient en cause la vision patriarcale de la femme idéale » ».6

Bibliographie

Articles de journal

  1. DURAND, A. (7 mars 2017). Les inégalités femmes-hommes en 12 chiffres et 6 graphiques. Le Monde. Repéré le 13 octobre 2022 à https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/07/les-inegalites-hommes-femmes-en-12-chiffres-et-6-graphiques_5090765_4355770.html
  2. LAROUSSE, V. (26 janvier 2021). La sorcière, de créature maléfique à icône féministe. Le Monde. Repéré le 13 octobre 2022 à https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/26/la-sorciere-de-la-creature-malefique-a-l-icone-feministe_6067705_3232.html

Livre

3. Garrau, M. (2022). Multitudes. Repéré à https://www.cairn.info/revue-multitudes.htm?contenu=apropos

Sites internet

4. Auteur inconnu. (7 décembre 2018). Le féminisme des sorcières (Chroniques critiques). Repéré le 13 octobre 2022 à http://www.zones-subversives.com/2018/11/le-feminisme-des-sorcieres.html

5. Candotti, N. (21 décembre 2020). Sorcellerie et sorcière : quand l’Église se révolte contre la femme. Repéré le 13 octobre 2022 à https://eua.hypotheses.org/4186

6. Chasse aux sorcières. (23 septembre 2022). Dans Wikipédia. Repéré le 13 octobre 2022 à https://fr.wikipedia.org/wiki/Chasse_aux_sorci%C3%A8res#Reproches_de_la_soci%C3%A9t%C3%A9_aux_sorci%C3%A8res_et_sorciers

7. De l’assujettissement des femmes. (28 novembre 2021). Dans Wikipédia. Repéré le 13 octobre 2022 à https://fr.wikipedia.org/wiki/De_l%27assujettissement_des_femmes

8. Patriarcat. (5 octobre 2022). Dans Wikipédia. Repéré le 13 octobre 2022 à https://fr.wikipedia.org/wiki/Patriarcat_(sociologie)

9. Thaeib S. L. (6 novembre 2011). Les sorcières au Moyen-Âge (Art et culture). Repéré le 13 octobre 2022 à http://rablog.unblog.fr/2011/11/06/les-sorcieres-au-moyen-age/comment-page-1/

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