Réflexions basée sur les cours (problème de représentation, construction de l’image, pouvoir de l’imaginaire collectif, mythologie…).

J’ai une relation très étroite avec la figure de la sorcière, puisque c’est elle qui a bercé mon enfance et mon adolescence. Dans le cadre du cours, j’ai commencé à réfléchir sur quelle serait la raison pourquoi j’ai une relation si positive avec la sorcière: dans ma famille et au yeux des amis proche de mes parents, la sorcière a toujours été considérée comme synonyme de la femme forte, celle qui vit sa vie sans se soucier du regard masculin. La sorcière était celle qui écoutais ses besoins et y répondais avec sagesse, tout en vivant en harmonie avec la nature et sa magie féminine intérieure. C’était la seule figure féminine qui était célébrée à tout les âges, de la jeune adolescente à la vieille femme. Je pense que c’est grâce à toute cette vision positive de mon entourage si je vois la sorcière comme un modèle aujourd’hui. Toutes ces femmes fortes qui m’entouraient (ma mère et ses amies) et qui se définissaient comme sorcières m’ont donné envie de devenir comme elles.

Lorsque je voyais des sorcières méchantes dans les films pour enfants, je n’associait ainsi pas leur méchanceté à la sorcellerie, mais plutôt à des traits de personnalités, comme un avocat, un comptable ou un boulanger peuvent être autant gentil que méchant.

C’est seulement au début de mon adolescence, vers 15 ans, que j’ai compris que le terme sorcière était mal associé dans l’imaginaire collectif. Effectivement, je lisais La Wicca: Guide de pratique individuelle par Scott Cunningham, lorsque je suis tombée sur ce passage:

«Même si certains adeptes utilisent  »wiccan » et  »sorcier » de façon presque interchangeable, je préfère le terme plus ancien et moins connoté de  »wiccan », que j’utilise presque exclusivement.» p.XIII

J’ai trouvé étrange cette note, qui parlait de connotation et cette phrase m’avait marqué sans que je réalise pourquoi. J’avais toujours vu la sorcière comme une Icône du féminisme, alors je ne comprenais pas pourquoi le mot serait mal connoté. J’avais de la difficulté à imaginer une vision de la sorcière différente de celle que j’avais, puisque mon entourage partageais également cette vision.

Symbole de la Wicca

Je m’était toute ma vie présentée comme sorcière alors je continuais de le faire. En secondaire 4, j’ai dû faire une présentation orale sur une religion de mon choix et, bien évidemment j’ai choisi la Wicca (le nom moderne de la religion des sorcières, qui existe, je l’avais appris il y a un an, pour se dissocier de la connotation de «sorcière»). Pour ma présentation, j’avais décidé de faire un petit rituel en classe (un transfert d’énergie dans une pierre) et je n’aurais jamais pu prévoir la réaction de la classe à ça. En effet, ma classe était majoritairement constituée de personnes croyantes, chrétiens ou musulmans et mon rituel les a rendus mal à l’aise et effrayés. La plupart ne m’ont pas adressé la parole pour le reste de l’année scolaire après ça et on me disait sorcière, mais dans leur bouche, ça ne sonnait absolument pas comme un compliment. J’étais un peu estomaquée du résultat de ma présentation, puisque j’avais toujours vu la sorcellerie comme quelque chose de positif et j’apprenait que, dans l’imaginaire collectif, ce ne l’étais vraiment pas. C’est plus tard, lorsque j’ai confronté une des personnes qui me traitait de sorcière négativement, que j’ai compris que la raison pourquoi ils m’évitaient était parce qu’ils pensaient que j’étais une personne méchante qui cherchait à faire du mal aux autres. Cela rends encore plus dramatique l’association de la femme à la sorcière dans l’inconscient collectif. Ainsi, comme discuté dans le cours, on voit en la sorcière celle qui a choisi librement de faire le mal, ce qui la rends d’autant plus coupable.

Interview avec des sorcières modernes:

J’ai demandé à trois sorcières de ma connaissance qui viennent toutes de milieux différents de répondre à quelques question sur leur expérience en tant que sorcières modernes. Dania a 54 ans et a grandit en Espagne pour immigrer au Québec à la fin de son adolescence. Josée à également 54 ans, mais elle a grandit dans une famille très religieuse au Québec. Ariane a 19 ans et elle a grandit dans une famille athée au Québec.

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Q : Te définies-tu plus en tant que Sorcière ou Wiccane? Pourquoi?

Ariane : « Je me définis plus en tant que sorcière simplement parce que dans notre covan c’est comme ça que on s’appelle, c’est avec cette, appellation là que j’ai grand et il y a quand même de la fierté dans ce mot-là. Un peu comme prendre un mot discriminatoire et se l’approprier, dans le sens ou il y a quand même fierté à penser à toutes les femmes qui se sont fait bruler justement pour ça et de pouvoir continuer à s’appeler comme ça »  

Dania : Je me considère surtout comme une sorcière moderne. De façon intuitive je pratique la magie même avant de savoir que cela existait. Je suis toutefois une sorcière dont ses croyances sont reliées à la pratique Wiccane (intégration de la nature dans mes rituels, contact avec le règne animal, appartenance à un «coven ».

Josée : « je me définis plus en tant que sorcière que Wiccane, peut-être parce que sorcière me permet une individualité qui je veux créer moi-même, et j’aime plus l’image de la sorcière justement peut-être aussi a cause de tout ce qui s’est passé dans l’histoire et de comment on a traité les femmes de sorcière, ce qui fait en sorte que pour moi ce mot là a plus de signification. Donc pour moi c’est peut-être que le mot sorcière vient plus me chercher dans mon imaginaire, dans ma conception du monde imaginaire que le mot Wiccane, d’ailleurs je ne connaissais pas vraiment la Wicca avant de connaitre la sorcière. Moi j’ai aussi été élevée dans la religion catholique et j’aimais beaucoup les rituels et puis j’en ai d’ailleurs inventé quand j’étais dans des groupes, mais ce que j’aime c’est reprendre l’idée des rituels et en faire vraiment quelque chose qui a du sens pour moi dans ma vie aujourd’hui. »

Q : Est-ce que pour toi, être sorcière est une façon de militer contre la discrimination envers les femmes? (Féminisme)


Ariane : « j’ai l’impression qu’intrinsèquement oui, même si ce n’est peut-être pas la raison de base qui fait que j’ai été attirée envers ça. J’ai l’impression que se considérer sorcière est quand même une façon de reprendre un pouvoir qui a été perdu, même si à la base c’est plus une forme d’expression personnelle. Je n’ai pas l’impression de faire un geste pour le féminisme, mais pour moi c’est juste que c’est très connoté au pouvoir des femmes. Donc oui dans un certain sens, parce que c’est une religion qui a beaucoup d’idéaux et de figures féminines et je me reconnais plus là-dedans que dans les autres religions »

Dania : « Non, pas directement, pour moi être sorcière c’est un état et une condition avec laquelle on vient au monde et qui se développe au cours de notre vie par un éveil spirituel et c’est trop précieux pour utiliser ce rôle pour militer ou montrer mes positions féministes. À mon avis, rien ne devrait être milité au nom de notre spiritualité. La sorcière pratique la magie et cette pratique n’est pas réservé qu’aux femmes. Toutefois, c’est à travers la sorcière en moi que s’exprime toute ma féminité et la force féminine qui donne tout son pouvoir à la femme que je suis. Le fait d’être sorcière forme partie de mon identité et est une affirmation en soi. Il est certain, qu’indirectement, le fait d’assumer la femme sorcière constitue un geste d’affirmation de la femme en moi. Cet état peut sans aucun doute m’aider à prendre ma place féminine dans la société et dénoncer les comportements discriminants envers les femmes (mais pas de façon directe). »

Josée : « Alors, être sorcière c’est une façon de m’affirmer en tant que femme. Et c’est sur que c’est donc une façon de lutter contre la discrimination qui est présente dans la majorité des religions, ayant été quand même très fervente chrétienne, moi-même quand j’étais très jeune. J’avais moi-même développée ma propre conception du rôle des femmes dans une vision assez pacifique, assez inclusive du bout de l’église catholique chrétienne qui a permis ça, c’est-à-dire dans les années, 70-80. En même temps, en allant à Rome, j’ai fait un voyage qui m’a vraiment frappé, le rôle des femmes était complétement, dans l’église mis de côté, vraiment, on était dans une sous hiérarchie et ça m’a fait décrocher de l’institution chrétienne à ce moment-là. Donc quand j’ai vu ça, j’avais déjà pris de mes distances avec l’institution et quand je suis allée aux études, j’ai eu toute une remise en question de ma foi et là je me suis mise à douter de plus en plus. Je me suis un peu plus retirée et pendant plusieurs années j’ai été un peu en attente, jusqu’à ce que cette idée de la sorcière revienne et en parlant avec des amies, en parlant avec mes filles, on a développé une vision de la sorcière qui rendait la spiritualité plus inclusive. Je trouve ça fascinant parce qu’aujourd’hui plusieurs femmes semblent beaucoup s’identifier à ça donc probablement qu’on s’est réappropriée une partie de la spiritualité qui avait été perdue au fil du temps et pour moi c’est une lutte contre la discrimination de toutes les femmes de toutes les époques. Des histoires de sorcières j’en ai lu et de toute l’inquisition et de tout le drame de cette période-là, qui m’a toujours profondément indignée. Porter le mot sorcière avec l’aspect le fun d’aujourd’hui et même l’aspect festif de type halloween, c’est comme un hommage pour toutes ses femmes là qui sont disparue pour des fausses causes de justice. »

Q : Qu’est-ce qui t’attire chez les sorcières?

Ariane : « Pour moi c’est vraiment le fait de se rassembler entre femmes et sentir le pouvoir des femmes, les énergies, c’est une forme expression. Ce n’est pas une religion qui est extrêmement encadrée, tu peux créer tes propres rituels, une liberté que les religions comme la religion catholique n’ont pas. »

Dania : « Depuis mon enfance, je suis fascinée par la sorcière. Ce qui m’attire dans ce personnage est surtout son pouvoir, sa façon de « contrôler » (de gérer sa propre vie) par la magie. Le côté mystérieux et à la fois extraverti de la sorcière me fascine. Deux aspects qui peuvent sembler opposés mais qui s’intègrent en un tout chez elle. Le regard de la sorcière n’est pas vide de sens, on peut détecter dans ses yeux sa force et son assurance. La sorcière n’a pas d’âge: jeune, elle peut être séduisante et énigmatique, à l’âge adulte, elle peut symboliser le pouvoir et l’affirmation et à la vieillesse, la sagesse et le mystère. Elle peut alors partager ses apprentissages et léguer son grimoire. Bref, la sorcière est belle dans toutes les étapes de sa vie. Elle est aussi très intelligente et est capable d’analyser toutes les situations avec calme et détermination. Elle est proactive et persévérante: quand elle veut quelque chose, elle arrive à ses fins. Dernièrement, le mode de vie de la sorcière m’inspire beaucoup. Proche de la nature et des animaux, elle intègre ces éléments dans son quotidien. La sorcière guérisseuse m’attire aussi. Cette femme, si elle pratique la magie blanche et suit les lois de la nature et de la manifestation, fait du bien aux autres et les aide à se réaliser. »

Josée : « J’aime beaucoup l’esthétique et l’imaginaire de la sorcière, surtout la sorcière blanche, donc le coté guérir, le coté guérisseur de la sorcière qui fut beaucoup associé au côté de l’apothicaire dans le fond. C’est la femme qui guérissait qu’on accusait de sorcière. La dimension aussi de la forêt, de la nature, le fait peut-être que je suis chanceuse je viens d’un pays du nord et pour moi il y a beaucoup d’espace de représentation pour les sorcières dans le nord avec l’automne avec l’hiver avec les cabanes dans le bois, bref, ça m’attire sur beaucoup de plan. Une autre chose qui m’attire c’est la communauté des sorcières je trouve ça très beau. Pour avoir été a Salem je trouve ça vraiment inspirant et en plus, on dirait qu’il y a un espace pour que chacun conçoive un peu sa façon de voir la sorcière. »

Q : Est-ce que tu crois que le mot « sorcière » devrait avoir une connotation positive? Pourquoi?

Ariane : « Je crois absolument que le mot sorcière devrait avoir une connotation positive. Les femmes qui ont été accusées d’être sorcière était des femmes simplement qui ne vivaient ou ne se reconnaissait pas dans le mode de société où elles vivaient. Pour moi ces femmes qui était probablement les plus intellectuelles, qui décidaient de ne pas avoir d’enfant ou de vivre seules, de choisir un peu leur propre vie, et qui ont été démonisées pour ça et pointées comme la cause des malheurs de la société, ben ça représente un peu ce que ont a aujourd’hui avec les phénomènes des « incels » et des « Alpha male ». On pointe encore la sources des problèmes comme étant les victimes du système. Pour moi c’était seulement des gens qui ont choisi de vivre en étant eux même et donc c’est pour ça que ça devrait avoir une connotation positive, comme le fait de s’assumer dans sa marginalité. »

Dania : « À lire mes réponses, tu dois te douter que je vais dire OUI 😉 La sorcière est souvent présentée aux enfants comme une créature méchante et maléfique: des personnages souvent assoiffés de pouvoir et prêts à détruire son prochain pour arriver à ses fins. Cette image de la sorcière machiavélique devrait à mon avis être nuancée davantage pour montrer aussi aux plus jeunes « la sorcière bien-aimée ». Je crois que particulièrement pour les jeunes filles, le personnage de la sorcière pourrait servir de modèle féminin positif et inspirant. Quand la sorcière est présentée de façon nuancée, on peut comprendre la souffrance qui se cache derrière elle et qui l’amène à poser des gestes mal intentionnés. Le fait de rendre la sorcière attachante malgré tout (comme dans Hocus Pocus 🙂 peut contribuer à laisser une meilleure image de celle-ci. »

Josée : « Pour moi la sorcière est extrêmement positive maintenant, vu que je l’ai beaucoup investi. De toute façon cette idée de la sorcière méchante c’est pour moi un beau clin d’œil à toute cette division que on a fait entre la femme bonne et méchante, donc la méchante sorcière parce que c’était elle que on rejetait et aussi celle dont on avait peur parce qu’elle avait un pouvoir de séduction, le pouvoir de la vie en fait, une libido dans le sens large, dans le sens d’avoir le pouvoir de la vie. J’ai eu peur des sorcières quand j’était petite, c’est vrai, mais comme quand on grandit on aurait peur de n’importe quelle personne que on pourrait considérée méchante, donc la sorcière ne m’a pas trop traumatisée et c’est quelque chose avec lequel j’ai fait la paix depuis très longtemps. La sorcière est pour moi est très positive, donc quand on voit que c’est négatif aux yeux des gens, ça me fait toujours sourire parce que je me dis : ben non, pas plus la sorcière que le méchant sorcier. »

Définition d’appropriation: Action de s’approprier une chose, d’en faire sa propriété. Les choses sans maître sont susceptibles, par nature, d’appropriation.© 2022 Dictionnaires Le Robert – Le Petit Robert de la langue française

Extrait de texte qui parle de l’importance de la réappropriation féministe:

Le premier texte de Florence Kaczorowki (pp. 9-21) intitulé « Mobilisations (anti)féministes autour de l’affiche “We can do it !” (1942) » s’intéresse au rôle des femmes dans l’effort de guerre. L’auteure rappelle que « l’affiche créée en 1942 tomba quelque peu dans l’oubli jusqu’à ce que le mouvement féministe se réapproprie son iconographie et son slogan dans les années 1980, suivies par de nombreux autres mouvements sociaux et politiques » (p. 9). Cette contribution montre l’importance des réutilisations, lesquelles sont nombreuses. Il se termine par la dernière d’entre elles, relative aux mouvements féministes actuels : « Cette réappropriation de Rosie a aiguillé les consciences de jeunes féministes qui se sont largement mobilisé-e-s sur Internet et qui se réclament de l’héritage y compris iconographique, du mouvement » (p. 17). L’auteure termine son sujet par les affiches créées à l’occasion du début de la campagne présidentielle américaine de 2016.

Source: SALGUES Bruno, « ‪Bénédicte Rochet, Ludo Bettens, Florence Gillet, Christine Machiels, Anne Roekens, dirs, Quand l’image (dé)mobilise. Iconographie et mouvements sociaux au xx siècle‪. Namur, Presses universitaires de Namur, 2015, 256 pages », Questions de communication, 2017/1 (n° 31), p. 478-480. DOI : 10.4000/questionsdecommunication.11260. URL : https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2017-1-page-478.htm

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