Introduction et méthode de l’enquête

En discutant du Hip-hop en classe, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à un mouvement culturel qui se rapproche sur plusieurs points du sujet d’étude : la ballroom scene. J’ai décidé de faire mon enquête sur ce sujet et de l’explorer plus en profondeur.  Afin d’éviter de m’éloigner du sujet vu en classe, mon enquête va se concentrer sur les similitudes et les différences qu’on peut observer dans la ballroom scene en rapport avec le Hip-hop. Cela permettra aussi de faire une mise en contexte qui sera utile pour bien saisir le contenu de ma rédaction. Pour celle-ci, je vais utiliser certaines idées vues en classe sur le hip hop et je vais les appliquer sur la ballroom scene.

À noter que certains termes, tel que « ballroom scene » ne se traduisent pas bien en français. Je vais donc les utiliser en anglais.

Arts new-yorkais

Tout d’abord, il est intéressant de mentionner que les deux mouvements se sont principalement développés dans la ville de New-York. Ils sont donc nés dans un contexte social similaire. Le Hip-hop a ses racines dans le Bronx dans le début des années 1970 tandis que la culture queer des bals a vu son apogée dans les années 1980 dans le quartier d’Harlem. Ces deux emplacements de New-York partagent un point commun qui est important pour la suite de cette enquête: leur population est en majorité noire.

En 1990, le documentaire Paris Is Burning a connu un certain succès et a mis en lumière la culture du ballroom de New-York. Il apparait comme une source très utile pour cette enquête puisqu’il présente plusieurs facettes de cette communauté dont je vais traiter dans le reste de cette enquête.

Résistance afro-américaine et communauté

Le Hip-hop et du ballroom sont tout les deux une manifestation artistique de la résistance afro-américaine. Rejetés par la société dominée par les Blancs, un esprit de communauté émerge à travers ces différents types d’arts. Dans le Hip-hop, les paroles politiquement engagées de raps dénoncent la violence et le sentiment d’abandon que les communautés noires subissent et ressentent. Du côté du ballroom, la résistance est aussi très présente. En effet, à l’origine, c’est après avoir subi de la discrimination dans les compétitions de drag queens majoritairement blanches que la communauté noire a créé ses propres bals à Harlem dans le but d’enfin célébrer la culture afro-américaine de manière juste et libre. Malheureusement, tout comme dans le Hip-hop, les décentes policières étaient fréquentes et plusieurs Noirs ont fini en prison injustement suite à leurs rassemblements. Ceci apporte un besoin d’autoprotection dans les communautés puisqu’ils ne peuvent que compter sur eux-mêmes pour rester en sécurité.

Par exemple, dans la ballroom scene, cette autoprotection se manifeste par le concept de « Houses » . En effet, les adolescents queers rejetés par leur famille déménageaient souvent à New-York et se faisait accueillir dans des « Houses ». Ils étaient donc logés, nourris et encouragés à poursuivre leur éducation, tout en participant aux bals. La « mère » ou le « père » des Houses est la personnes qui agit comme figure parentale. On compte parmi les Houses les plus connues les Xtravanganza, les Ninja, les LaBeija et les Dupree.

De plus, j’ai observé une similitude dans l’esprit de communauté qu’on voit dans les rap battles du Hip-hop et les « reads » dans la culture queer. Le « reading » est une forme de batailles d’insultes entre deux ou plusieurs personnes. Elles peuvent parler de leur vêtements, leur apparence, leur personnalité, etc. Le but est de trouver une manière intelligente de le dire qui va faire rire ou encore réagir les personnes qui sont autour. Tout comme dans les rap battles, c’est entourés de leur communauté que par approbation du groupe, le gagnant est choisi. Malgré que ça peut sembler de la méchanceté, c’est une partie importante des cultures qui sont uniques et apporte un sentiment de communauté.

Après avoir perdu une compétition, le read enflammé de Crystal Labeija envers une de ses compétitrices reste encore aujourd’hui iconique et cité dans la communauté LGBTQ+.

Les luttes pour les droits des personnes noires présentes dans le Hip-hop et dans la culture des bals sont un point commun essentiel, mais il ne faut pas oublié l’aspect de résistance politique qui est seulement présent dans la ballroom scene: celui des enjeux queer. En effet, au rejet de la dominance blanche s’ajoute le rejet de la société hétérosexuelle et cisgenre. Cette intersectionnalité dans la discrimination est importante notamment puisqu’à l’époque, et encore aujourd’hui, les femmes trans noires subissent un nombre démesurés de discrimination et sont trop souvent victime de meurtre. Le sentiment de communauté est ainsi amplifié par cette intersectionnalité, mais aussi par l’épidémie de VIH et de Sida qui a apporté un stigmatisation négative en l’endroit des personnes queer.

Black people have a hard time getting anywhere and those that do are usually straight. In a ballroom you can be anything you want.

– Dorian Corey, Paris is Burning

Esprit de compétition

Malgré le sentiment fort de communauté, il reste que le Hip-hop et la Ballroom scene portent en eux un fort esprit de compétition. Du côté du hip-hop, les rappeurs veulent accéder à un certain statu de célébrité à travers leur art. Il y a donc une certaine contradiction, car il est parfois difficile de trouver l’équilibre entre la communauté et le désir d’être meilleurs que les compétiteurs. Il y a aussi une certaine injustice parce que ce sont souvent les rappeurs blancs qui accèdent à davantage d’opportunités. Au Québec, on a qu’à penser aux rappeurs blancs Loud et Fouki qui ont beaucoup plus de couverture médiatique que leur collègue noirs. Il y a un certain côté à cela qui est hypocrite puisque le Québec veut montrer qu’il est ouvert à des styles de musique différents, mais ne met presque pas en lumière les artistes qui parlent d’enjeux qui était au cœur de l’origine du Hip-hop dans le Bronx.

Du côté du ballroom, les différentes Houses compétitionnent à partir de catégories et tentent d’en remporter le plus possible. Il y a donc une compétition féroce et seulement quelques Houses accèdent au statut de « légende » ou « d’iconique ». Cette notoriété à l’intérieur de la communauté est primordiale parce qu’à l’époque, il était impossible pour les personnes queer racisées de connaitre une « vraie » célébrité dans le monde des dominants.

Passer au mainstream

Avec l’évolution des droits des personnes noires et queer, le Hip-hop et le ballroom ont su s’intégrer au mainstream, mais est-ce de manière authentique? Le rap est maintenant partout autour de nous, mais il reste que socialement, les blancs sont toujours au pouvoir. Il est certain que les dominés savent qu’il y a une certaine limite qu’ils ne peuvent pas franchir afin d’être acceptés par la population générale. Cela apporte une certaine tension entre le discours public et le discours caché, présent seulement à l’intérieur de la communauté. Il est difficile de trouver un compromis qui va satisfaire les désirs de chaque individu. En effet, les rappeurs ne veulent pas de défaire de leur nouvelle influence sur la mainstream, mais ils veulent tout de même conserver une certaine intégrité. On peut observer les mêmes impasses du côté de la ballroom scene. Aujourd’hui, on la connait surtout par le biais des des drag queens qui connaissent un succès fou. Elles se doivent de rester fidèles à leur orignies, mais les différentes opportunités qui se présentent à elles sont difficiles à refuser. Aujourd’hui, un des seuls moyens d’accéder à la célébrité est de participer à la téléréalité RuPaul’s Drag Race. Cela est un problème parce que les drag queens sont dans l’obligation de donner leur image à une production de télévision pour atteindre un succès dans la mainstream. La ballroom scene est peu souvent référencée et les drag queens se doivent d’être « politically correct » face au grand public, ce qui n’est pas nécessairement authentique.

RuPaul avant et après la gloire

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