
« No life jacket, I’m not the God of Nazareth, but your flood can be misunderstood. Walls telling me they full of pain, resentment. Need someone to live in them just to relieve tension »
Kendrick Lamar Duckworth sur « These Walls », 2015.
Renouveler la résistance politique
Kendrick Lamar, de son nom complet Kendrick Lamar Duckworth, est un pionnier du hip-hop conscient des années 2010. Aux côtés de gros noms comme J. Cole ou Anderson .Paak, Lamar s’est infiltré sur la scène rap armé d’une voix nasillarde et de vers chocs. Déjà, il critique la politique américaine et s’exprime sur la difficulté des rues de Compton. Son cru choque, mais en fascine plus d’un. En plus d’être un parolier impressionnant, sa manière de raconter une histoire est immaculée, sa cadence est incroyable et son débit est parfait. Mais ce qui a toujours motivé Lamar à aller plus loin, c’est la résistance politique forte qu’il démontre dans ses chansons.
Après Overly Dedicated en 2010, Section.80 en 2011 et good kid, m.A.A.d city en 2012, Lamar lance son opus ultime : To Pimp A Butterfly
Plus noire est la mure…
Le génie de Lamar arrive à sa culmination en 2015 lors de la sortie de son album To Pimp A Butterfly, épitôme du rap à connotations politiques. Pour quelqu’un qui ne voudrait qu’un bon album de musique, et bien ils seront servis. Du haut de ses 16 chansons et ses 79 minutes, l’album fut déclaré classique indémodable presque immédiatement après sa sortie. Toutefois, Lamar délivre ici bien plus qu’un simple album rap. Les auditeurs ont droit à un album contestataire omnidirectionnel qui reflète à la fois la responsabilité de Lamar en tant que « bon chrétien », mais porte aussi une réflexion profonde sur le racisme systémique qui sévit violemment aux États-Unis. Il s’exprime aussi sur la montée foudroyante du capitalisme et sur le rôle de la police, qui vise notamment plusieurs jeunes homme noirs. À travers les morceaux qui défilent, Lamar scande à la police d’arrêter de leur tirer dessus. Le rappeur natif de Compton raconte aussi trouver une forme de liberté dans la musique, ou rien ne peut être retourné contre lui, comme le hip-hop est dépourvu de politique, comme il le mentionne dans « Hood Politics ». La pochette de l’album est aussi extrêmement révélatrice sur le message que veut faire passer Lamar; plusieurs individus noirs sont devant le Capitol, billets dans les mains, et ont devant eux un juge, les yeux en « x », présumablement décédé. Lamar en profite aussi pour se questionner sur la véritable définition du pouvoir dans la démocratie américaine. Qui a le pouvoir ? Pourquoi ? Il refuse de se laisser abattre par les normes, et conteste aussi sur la place véridique du leadership dans la société, et de l’éthique identitaire notamment rattachée au conformisme. S’inspirant des pionniers comme N.W.A. ou Public Enemy, Lamar accomplit une exercice de résistance politique impressionnant qui marquera des générations et des générations.