
Questionnement :
Peut-on être féministe et écouter du Rap? (on reproche un discours misogyne ou une image hypersexualisée de la femme) Quel est la limite entre hypersexualisation et libération des corps? Parler de féminisme et de misogynie est parfois une critique trop rapide du RAP et je ne veux pas me laisser aller dans une critique trop facile. J’éprouve un profond malaise devant l’hypersexualisions dans le Hip Hop, mais je ne veux surtout pas rentrer dans le « slut shaming ». Contradiction : mouvement de libération du racisme, mais renforce les clichés et stéréotypes sur les femmes. Est-ce qu’on peut vraiment faire cette reproche au Hip Hop? C’est très difficile de s’attaquer à tous les problèmes en même temps et il faut faire attention de ne pas enlever de la crédibilité au Hip Hop (ils ont un grand impact dans la lutte au racisme qu’il ne faut pas minimiser).

Notes / Sources
Stephanie VALET, «Peut-on écouter du rap et être féministe? », La presse (4 septembre 2018),
https://www.lapresse.ca/arts/musique/201809/04/01-5195131-peut-on-ecouter-du-rap-et-etre-feministe.php (Page consultée le 10 novembre 2021). : Entrevue avec la rappeuse québécoise Donzelle
- « On reproche souvent au rap de véhiculer un discours misogyne et une image hypersexualisée de la femme. Est-il possible d’en écouter tout en ayant des convictions féministes? » : c’est exactement la question qui a commencé mon questionnement (voir section Questionnement)
- « Je suis dans une position où tout le travail fait par les femmes avant moi me permet d’écouter ce que je veux sans qu’on me dise quoi faire. […] Si tu penses aux intérêts des femmes, au fait d’être en plein contrôle de ton corps et de ta sexualité, tu peux jouer la game de l’hypersexualisation comme le font Nicki Minaj ou Cupcakke. » : Quel est la limite entre hypersexualisation et libération des corps ? Qu’est ce qui est vraiment le plus important pour l’intérêt des femmes (historiquement, maintenant)?
- « Cette question se pose dans plein de domaines. Est-ce que tu peux avoir une auto et avoir une position environnementaliste? » : Nous sommes dans une époque pleine de contradiction et cela dans tous les domaines, mais est ce que la contraction est vraiment si grande qu’entre celle des autos et de l’environnement. Est ce que c’est un aveux du journalisme que le Hip Hop nuit directement à la cause féministe?
- « C’est quand je sens le ton d’agressivité ou la violence liée à la sexualité que se trouve ma limite et que j’arrête la toune. Drogue, sexe, vulgarité, je suis OK avec tout ça. Mais la sexualité non consentante… Concernant les actes répréhensibles d’artistes dans la vraie vie, je trouve ça plus compliqué. » : Donzelle est mitigé sur la « cancel culture ». Je suis d’accord avec sa limite (la sexualité non consentante c’est clairement trop), mais je me demande s’il ne faut pas mettre de barrière avant. Le sujet est extrêmement délicat car il ne faut pas rentrer dans le slut shaming qui ne ferait que reculer la cause des femmes.
Jérémie MCEWEN, « Cardi B est-elle féministe? », La presse, (14 mai 2019), https://www.lapresse.ca/arts/musique/2019-05-14/cardi-b-est-elle-feministe (Page consultée le 10 novembre 2021) :
« La réappropriation du corps, qui prend parfois la forme d’une hypersexualisation, par des femmes agentes et non soumises, peut être vue comme féministe, c’est souvent défendu, dans toutes sortes de contextes. » : L’auteur défend clairement la réappropriation du corps qui peut être vu par certain comme une forme d’hypersexualisation
Keivan DJAVADEH, « Trouble dans le gangsta-rap : quand des rappeuses s’approprient une esthétique masculine », Genre, sexualité & société [En ligne], 13 | Printemps 2015, mis en ligne le 01 juin 2015, consulté le 15 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/gss/3577 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gss.3577 :
- « Les paroles du rap vantaient désormais l’argent facile, la violence conjugale et l’objectification sexuelle des femmes, requalifiées en bitches et réduites dans les chansons et vidéoclips à un corps ou, plus souvent encore, à une partie seulement de leur anatomie. C’est pourtant ce genre sexiste et ultra-masculin que certaines rappeuses ont décidé d’investir et de performer, à l’image de H.W.A. (pour « Hoes Wit Attitude »), de B.W.P. (pour « Bytches With Problems »), de Bo$$ ou de Lil Kim, la plus connue de toutes les rappeuses gangsta. Se différenciant des rappeuses précédentes qui faisaient la plupart du temps valoir leur singularité et leur féminité par rapport à leurs collègues masculins, les rappeuses qui constituent le corpus musical de cet article entreprennent de battre les rappeurs à leur propre jeu, celui de la masculinité. Ce faisant, elles troublent l’ordre de genre en même temps qu’elles contestent l’hégémonie masculine dans le gangsta-rap. » : C’est une réapparition du style
- « La femme noire ne pourra jamais admirer l’homme noir tant qu’on ne se sera pas relevés » : A cause de l’esclave puis du racisme aux États-Unis, les hommes n’ont jamais pu montrer leur masculinité. Ils devaient donc passer par la misogynie du Rap pour se relever ?
- « Certes, il y a incontestablement une certaine misogynie dans les performances de ces rappeuses, qui emploient le terme bitch à la fois pour se qualifier avec fierté mais aussi pour disqualifier d’autres femmes, ce qui peut sembler faire écho aux discours sexistes du gangsta-rap masculin. Cependant, et contrairement à ce qu’on observe dans le gangsta-rap masculin, cette misogynie n’est pas dirigée contre l’ensemble des femmes mais bien plus contre le modèle dominant de la féminité, que Connell nomme la « féminité accentuée » [emphasized femininity]. La féminité accentuée se définit par son acceptation du patriarcat et par le fait qu’elle se donne pour but de satisfaire les intérêts et les désirs des hommes. La misogynie apparente de B.W.P. doit donc être comprise davantage comme une critique de cette féminité accentuée, avec ses injonctions à la pudeur, à la douceur, à la domesticité et au soin, et plus largement avec ses implications en termes de blanchité et de classe que comme une critique de toute expression de féminité. » : misogynie justifier ?
Sans auteur. « Hip-hop et féminisme: compatibles ? », 3 mars 2018, dans Décadré, un autre regard sur l’actualité, https://decadree.com/2018/03/03/hip-hop-et-feminisme-compatibles/ (Page consultée le 14 novembre 2021).
- « La misogynie a longtemps été une brique formant la base du machisme présent dans le hip-hop. Elle existe sous toutes ses formes, depuis l’objectivation des femmes en tant qu’êtres purement sexuels et non douées de sentiments jusqu’à l’exaltation flagrante d’un sentiment d’hostilité envers le sexe féminin. » : Présence importante du machisme depuis longtemps
- « Aujourd’hui, les rappeurs utilisent des mots qui rabaissent les femmes parce qu’ils suivent les traces des légendes du hip-hop qui les ont précédés » : est ce que c’est vraiment une bonne justification ?
- « C’est un genre de musique qui peut être considéré comme un véhicule culturel pour l’expression de soi et la réflexion sociale de la communauté urbaine. Les préjugés envers les femmes dans les paroles sont donc directement liés à la façon dont les femmes sont traitées dans la vraie vie. » : se réflète dans la vie (c’est vraiment ce que pense les rappeurs?) — Malgré la popularité du Hip Hop, les artistes ne semblent pas se soucier de la dégradation des femmes (le public non plus donc?)
- « Pourtant, les femmes continuent de participer activement à cette culture qui semble vouloir les exclure. »
- « Le fondement du féminisme venu du hip-hop – dans l’utilisation de la culture populaire comme méthode pour atteindre et rendre les femmes autonomes- est exactement ce dont le mouvement féministe a besoin. Il a été créé comme un espace pour les femmes de la génération hip-hop qui ne pouvaient pas s’intégrer dans le mouvement existant. Ce but est toujours d’actualité aujourd’hui alors que le féminisme se développe, mais continue parfois d’exclure les questions des femmes noires par exemple. Le féminisme du hip-hop se veut comme un espace inclusif pour toutes les femmes qui veulent s’autonomiser, apprendre à critiquer et finalement, à améliorer la société qui les entoure. » : une autre façon de voir le féminisme? une facon plus inclusive ?
- « La misogynie fera partie du hip-hop tant que la misogynie fera partie de la société, et ce car le hip-hop continue d’être un reflet de la société dans laquelle il évolue. Aimer le hip-hop en tant que féministe est une bataille constante, mais on a l’impression d’être du côté des gagnants. En tant que consommateurs, choisir de soutenir les artistes qui évoluent dans une direction plus positive est la meilleure façon de faire avancer les choses. » : C’est tellement défaitiste… Je comprend l’argument que le Hip Hop reflète la société, mais j’ai l’impression qu’on est passé d’une dénonciation du problème (dans le cas du racisme) à participer pleinement au problème (dans le cas du féminisme).
Un exemple de chanson obscènes, sexistes et dégradantes pour les femmes : Shot for me, Drake
I can see it in your eyes, you’re angry
Regret got shit on what you’re feeling now (mansplaining)
Mad ’cause he ain’t like me
Oh you mad ’cause nobody ever did it like me
All the care I would take, all the love that we made
Now you’re trying to find somebody to replace what I gave to you
It’s a shame you didn’t keep it, Alisha, Catya
I know that you gon’ hear this
I’m the man
Yeah I said it
Bitch I’m the man
Don’t you forget it (narcisisme)
The way you walk, that’s me
The way you talk, that’s me
The way you’ve got your hair up, did you forget that’s me?
And the voice in the speaker right now, that’s me, that’s me
And the voice in your ear, that’s me (dégradation et avilissement des femmes)
Can’t you see that I made it? Yeah I made it
First I made you who you are, then I made it
And you’re wasted with your ladies
Yeah I’m the reason why you always getting faded (soumission par l’humiliation des femmes)
Take a shot for me (hooooooo-ooooooh)
Take a shot for me (hooooooo-ooooooh)
Take a shot for me (aha-aha-aha-aha-aha-aha)
A shot for me (aha-aha-aha-aha-aha-aha)a shot for meOkay look, I’m honest
Girl I can’t lie, I miss you
You and the music were the only things that I commit to
I never cheated, for the record, back when I was with you
But you believe in everything but me girl, I don’t get you
She says I know you changed, I never see you
‘Cause you’re always busy doing thingsI really wish she had a different way of viewing things
I think the city that we’re from just kinda ruined things
It’s such a small place, not much to do but talk and listen
The men are jealous and the women all in competition
And now your friends telling you stories that you often misinterpret
And taint all your images of « Mr. Perfect »
I could tell that you been crying all night, drinking all summer
Praying for your happiness, hope that you recover, ah
This is one I know you hated when you heard it
And it’s worse because you know that I deserve itTake a shot for me (hooooooo-ooooooh)
Take a shot for me (hooooooo-ooooooh)
Take a shot for me (aha-aha-aha-aha-aha-aha)
A shot for me (aha-aha-aha-aha-aha-aha)
A shot for meYeah
May your neighbors respect you
Trouble neglect you, angels protect you
And heaven accept you
Autre exemple : Love the way you lie, Eminem (plus de 2 milliards de vue en ligne) : « If she ever tries to fuckin’ leave again, I’m just gonna tie her to the bed and set this house on fire »
Source : Sylvie GENEST. « La musique rap est toujours aussi misogyne. Est-ce possible de la changer ? » , 19 avril 2021, dans The conversation, https://theconversation.com/la-musique-rap-est-toujours-aussi-misogyne-est-ce-possible-de-la-changer-157014 (Page consultée le 15 novembre 2021).
Médiagraphie
Keivan DJAVADEH, « Trouble dans le gangsta-rap : quand des rappeuses s’approprient une esthétique masculine », Genre, sexualité & société [En ligne], 13 | Printemps 2015, mis en ligne le 01 juin 2015, consulté le 15 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/gss/3577 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gss.3577
Sylvie GENEST. « La musique rap est toujours aussi misogyne. Est-ce possible de la changer ? » , 19 avril 2021, dans The conversation, https://theconversation.com/la-musique-rap-est-toujours-aussi-misogyne-est-ce-possible-de-la-changer-157014 (Page
Jérémie MCEWEN, « Cardi B est-elle féministe? », La presse, (14 mai 2019), https://www.lapresse.ca/arts/musique/2019-05-14/cardi-b-est-elle-feministe (Page consultée le 10 novembre 2021)
Sans auteur. « Hip-hop et féminisme: compatibles ? », 3 mars 2018, dans Décadré, un autre regard sur l’actualité, https://decadree.com/2018/03/03/hip-hop-et-feminisme-compatibles/ (Page consultée le 14 novembre 2021)
Stephanie VALET, «Peut-on écouter du rap et être féministe? », La presse (4 septembre 2018),
https://www.lapresse.ca/arts/musique/201809/04/01-5195131-peut-on-ecouter-du-rap-et-etre-feministe.php (Page consultée le 10 novembre 2021). : Entrevue avec la rappeuse québécoise Donzelle