Pour moi le rap n’est pas nécessairement sorcier, mais ce n’est pas mon genre de musique préféré. J’essaye de suivre ce qui se passe dans l’industrie international, mais j’écoute beaucoup plus de rap polonais.

La Pologne étant un pays qui a longtemps été opprimé, a développé plusieurs discours caché critiquant le sytème (communiste) en place. Bien que les chansons qu’on pourrait classifier comme le rap sont apparues seulement à la deuxième moitié des années 90, les artistes de toutes les formes d’art devaient faire preuve d’une grande créativité pour dire ce qu’ils voulaient dire, sans vraiment le dire. En voulant critiquer le système en place les écrivains, peintres et cinéastes étaient obligés à faire recours à la symbolisation, la métaphore ou l’ironie afin de ne pas se faire censurer. Seulement les dominés pouvaient comprendre les métaphores ou symboles utilisés dans les textes cachés des dominés.

Mais pour revenir au hip hop et le rap polonais – de nos jours le rap et la culture du hip hop sont omniprésents. Le rap représente une énorme partie de la culture contemporaine en Pologne. Son influence est visible partout. L’un des premiers musicien précurseur de ce genre en Pologne est Kazimierz Staszewski connu sous le nom de Kazik. Kazik et son groupe Kult (Culte) sont des icônes de la musique anti-systémique critiquant les différentes figures d’autorité en Pologne communiste.

Je vous propose d’écouter une de ses chansons les plus importantes, Jeszcze Polska (Encore la Pologne) qui dépeint un paysage stéréotypique de la Pologne dans ses premières années après la libération. La Pologne a été libérée en 1989, et la chanson est sortie en novembre 1991. Je vous invite de regarder le clip qui dégage un style kitch et brut de la Pologne à cette époque, et à lire la traduction des paroles qui montrent l’état pitoyable du pays.

Le titre réfère à la première strophe du hymne nationale polonais (« La Pologne n’a pas encore péri »). Mais en Polonais, grâce à la syntaxe flexible, on chante Encore la Pologne n’a pas péri.

Look... Look around and see, how much dirt is on the street,
How the people are destroyed, how they are tormented 
In the nights by the houses dirty hookers stand around, 
I'm scared to walk at night, so much violence nowadays 
These women who work days and nights in the factories 
These men who drown their sorrow in cheap wines 
They do not see pretty things, for them pretty things don't exist 
Just look around and see, and don't try to deny 
These parking lots by the hotels filled with begging children 
Their definition of luck is to wash a car with german plates 
Taxi drivers in their cars play cards for money 
They wait their whole life to meet their do-gooder 
These abnormal spectacles are for us something normal 
We are already abnormal, haha haha ha
What have you done with this land, you bunch of motherfuckers? 
A mix-up of catholicism with a post-communist mania 
Those who pray every morning and those who go to the church 
Would readilly kill you just because of the shape of your nose 
Waters from above have rushed to the poisoned lake 
To the lake of hate, to the primeval dragon's lair 
Every single bunch only speaks about money 
Businessmen are getting richer, but the loos are getting dirtier 
The street by the Palace is filled with the peddlers' odour 
They are drinking, spitting, puking, and they're selling in the meantime 
There is dirty rubbish lying on the tarps and newspapers 
And on the tables there's chocolate brought together with beer 
Those women are working even until midnight 
To buy some bread and feed their families 
It's the beginning of the end, haha haha ha
What have you done with this land, you bunch of motherfuckers? 
Where those grey and dirty people go in summer, spring and winter? 
They pass cars with broken glasses 
They do not look at the beggars with begging hands 
These women going back homes after hard work 
Their hair sticked with dirt, their master is waiting home 
Hey, it's your bus coming, and red is its colour 
And you're saying: Yes it was red, now it's only stench and odour 
Why is everybody in the crowd stinking of sweat in the summer? 
They do not wish to think by themselves, they have pre-made phrases ready 
In the streets and apartments a mix of a priest and a guide 
Who did not suffer during communism now is simply a nobody 
What the author intended to say? - asks the Polish teacher 
He wanted to show the inequalities of early capitalism 
It's the rich and the poor, the rich and the poor, the rich and the poor, ha
What have you done with this land, you bunch of motherfuckers? 
Time goes and flows since centuries, you won't stop it by force 
Stupid national pride and century-old complexes 
Dirty faces with moustaches, the aggresive and frustrated 
These tired women, when the night is in its fullest 
They are still standing, doing their kids' laundry 
Old man in a cheap restaurant eats potatos with cucumbers 
He was slaving away for years in the ironworks that was subsidized 
All his hard work was not worth a single shit 
If he'd just lay in bed for his whole life, he'd produce a lesser loss 
In the old part of this city the ill people ask for alms 
When they have gathered enough, they are buying heroin 
In the nights by the houses, cars are being stolen 
I'm scared to walk at night, so much violence nowadays 
It was foretold, it was foretold, it was foretold, ha ha 
Look around and see, how much dirt is on the street, 
How the people are destroyed, how they are tormented 
In the cars by the sidewalk dangerous and grim ones wearing mirrored sunglasses, hands on gas guns 
Here thieves rob everyone alive around 
They ain't afraid of police cause policemen are having a confession
Times are born again, but 50 years too late 
Experiment was carried out, sadly it was failed 
So we're back in the past, catching what's already gone 
Inventing heaven for myself, inventing hell for the others.
Look at the streets, at the river flowing forward 
The girl in the car by the sidewalk was already paid 
Day is ending, night will cover all the filthiness 
Less will be seen, just grinding the faces of the poor 
This land is dying, this can't be stopped 
This land is dying 
This land is dying, this can't be stopped 
This land is dying 
This land is dying, this can't be stopped 
This land is dying, haha haha ha 
This land is dying, this can't be stopped 
This land is dying, bye, bye, bye, bye...

Maintenant, pour faire contraste, je vous présente l’un des plus jeunes rappeurs polonais qui est en train de révolutionner le paradigme et défaire les règles de l’industrie. Michal « Mata » Matczak est un jeune musicien de 21 ans, qui après son premier album Sto dni do matury ( Cents jours jusqu’aux les examens finaux), a amené une nouvelle narration dans l’histoire du rap. L’album était complètement écris pendant ses cours au lycée. Dû au fait que son père est un professeur de loi très connu en Pologne, surtout grâce à son engagement politique, Mata étudiait dans une école privée et prestigieuse dont les finissants vont étudier dans les universités les plus connus au monde.

L’album de Mata parle de son vie d’étudiante, il raconte se qui se passait pendant les cours, entres les cours et surtout après les cours. L’artiste chante les histoires de ses collègues, leurs péripéties et évènements des jeunes adolescents. Ce qui est touchant c’est que Mata et ses collègues viennent de familles très riches, où ils ne devaient se soucier de rien, de familles où tout le monde s’aimait, mais ce ne pas la réalité qu’il décrit.

Étant donné que le rap est né dans la pauvreté, dans l’atmosphère de la lutte et de survie Mata en voulant faire du vrai rap « authentique », il devait être pauvre. Alors, dans le but de rendre sa musique plus authentique, le rappeur a décidé de mener une vie de « pauvre », prendre (et vendre) de la drague, faire partie d’un gang de rue, arriver complètement saoul pour ses cours, faire des affaires discutable moralement tout court. Bien évidement tout ça contre la volonté de ses parents, et sans qu’ils le sachent. Ainsi le discours caché est celui de sa vie dont ses parents n’étaient pas conscients.

La chanson que je vous propose d’écouter représente bien la totalité de l’album. Mata décrit sa vie cachée. Le discours qu’il cachait devant ses parents, devient publique, et il a provoqué toute la Pologne. Car sa vie cachée, est aussi celle de plusieurs adolescents polonais. Il est devenu la voix des jeunes adultes polonais, et il chante sur ce que plusieurs jeunes vivent, mais dont personne n’en parle.

En rattachant tout ça à la théorie vue en cours, je trouve fascinant qu’il existe des discours cachés même entre les gens qui sont proche, qui ne se cachent rien (parents – fils). et à quel point les classes d’élite sont véritablement démoralisées, contrairement à ce qu’elles essayent de montrer.

Le titre Patointeligencja (patho-intelligentsia) est un néologisme construit du préfixe patho, référant au terme « pathologie » qui dans le slang polonais signifie le groupe social se trouvant au plus bas de l’échelle social, des gens démoralisés, sans éducation ni perspectives. Et intelligentsia (ou intelligence), l’élite sociale.)

(il y a une traduction anglaise des paroles)

PS à 1:33 min il chante que son ami s’injectait de la héroïne en écoutant Kazik (« My homie used to listen to punk rock (Kazik) and shoot junk »)

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