Les films d’animation ont laissé une énorme marque sur la jeunesse de la génération Z. Les studios Pixar, Disney et Dreamworks nous ont fournis nos premières leçons de vie sous forme de magnifiques long-métrages enregistrés sur des disques DVD. Ce fut leur mission depuis leur apparition lors des années 1930. Est-il donc trop tard pour remettre en question certaines des valeurs qu’ils nous ont transmises?

L’article suivant aborde la figure de la sorcière et son mauvais augure au sein des contes de fée populaires tel que Raiponce, Blanche Neige, Hansel et Gretel, etc. Ce personnage « vilain » symbolise une peur de la femme et de sa vengeance pour les confinements qui lui ont été imposés au courant de l’histoire; la survalorisation de son apparence, le tabou lié à sa vie sexuelle privée, son rôle prédéterminé en tant que femme de foyer, etc. En réalité, les traits de caractère « vilains » chez la sorcière ne sont rien de plus que des aptitudes permettant aux femmes d’affronter les épreuves de la vie.

Quels sont les traits de la sorcière?

D’abords, nous pouvons clairement distinguer le mal et le bien dans n’importe quel film d’animation. Le but est d’enseigner aux jeunes enfants que les personnages malfaisants n’en sortent jamais vainqueurs, et qu’ils devraient toujours se laisser mener par leur bonne conscience morale. Le problème apparaît lorsque le thème du mal est visé vers la femme, c’est souvent le cas. C’est d’ailleurs ainsi que naît cette fameuse figure de sorcière.

Celle-ci souhaite apporter le malheur aux âmes innocentes d’enfants et surtout aux jeunes femmes vierges, dont elles représentent le contraire, par leur âge, leur infertilité, et leur invulnérabilité. C’est pour cette raison qu’elle joue le rôle du méchant némésis dans les contes de fée – celle qui sera éventuellement vaincue par un brave prince à la recherche d’une délicate princesse.

Raiponce, est une histoire populaire allemande qui fut l’inspiration d’un film Disney mis à l’affiche en 2010. L’événement déclencheur de l’histoire est l’enlèvement d’une fille de royauté par une vieille sorcière qui souhaite profiter des effets magiques de ses longs cheveux blonds. En emprisonnant la princesse dans une tour, son rêve de rester jeune pour toute l’éternité se réalise. Ici, une grande importance est accordée à l’âge et à l’apparence de la femme. La sorcière fait preuve de jalousie envers une jeune femme capable de plaire à n’importe quel homme qui la croise, et lui vole cette « qualité » tant glorifié. On enseigne donc aux jeunes filles à adopter le rôle de l’élégante princesse, plutôt que de démontrer la joie de vivre en tant que femme âgée sur qui elles pourraient prendre exemple dans le long terme. Après tout, on ne reste pas jeune pour bien longtemps!

Hansel et Gretel raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur abandonnés en forêt par leur père. Ensemble, ils tentent de survivre dans les bois, mais tombent dans le piège d’une sorcière mangeuse d’enfants. Celle-ci vie seule dans une cabane; elle n’est ni épouse, ni mère. Ainsi, elle ne répond pas aux critères d’une femme de famille et elle avance à contre-courant de l’ordre social. Ainsi, la sorcière représente une mauvaise corrélation entre la femme et son indépendance. Et oui, Si une femme refuse d’avoir des enfants, ça veut bien dire qu’elle les mange.   

Ce personnage revient dans plusieurs récits : La belle et la bête, Blanche neige, La belle au bois dormant, et autres. On la distingue principalement par ses compétences en sorcellerie et son pouvoir surréel – souvent mal vus puisqu’elle représente une menace envers la force brute de l’homme. Il s’agit pourtant d’une femme digne de respect; elle est sage, autodidacte et vie de ses propres moyens. Mais les auteurs de son histoire n’encouragent pas les femmes à être indépendantes et braves comme les princes, ils lui écrivent donc une défaite tragique pour décourager l’autonomie chez les femmes.

Qu’arrivera-t-il quand les stéréotypes de la femme présentés dans les films d’animation percent les murs du monde fantastique, et commencent à influencer nos décisions de la vie réelle?

Simone de Beauvoir (1908-1986) est une philosophe qui appuie le féminisme, l’égalitarisme et l’éducation des jeunes filles. Elle explique que les femmes sont élevées pour penser qu’elles sont le genre serviable et qu’elles ne sont pas le sujet de leurs vies. Elle s’oppose à cette condition féminine moderne en refusant de se marier et d’avoir des enfants, en participant aux manifestations qui réclament le droit à l’avortement, et en défendant les droit civiles : tous et toutes sont égaux, peu importe leur race ou leur sexe.

Luce Irigaray rajoute que le rapport entre l’homme et la femme est symétrique; tout ce qui se trouve chez l’homme a son équivalent chez la femme. Elle explique que les hommes justifient le statut d’infériorité de la femme en s’éloignant de tout ce qui est féminin. Ainsi, étant donné que la femme est le contraire de l’homme dans un environnement patriarcale, elle est discriminée. Luce s’incline plus sur l’aspect complémentaire dans la relation entre l’homme et la femme dans ses écrits. Sa philosophie repose sur une approche différentialiste, elle propose donc que certains rôles sociaux de la femme demeurent mais qu’ils soient plus célébrés.  

Selon moi, la chasse aux sorcières fut le moule de la condition féminine. Même si ce féminicide prit fin dans les derniers siècles, son influence continue de se porter au travers des films d’animation et enseigne un code de conduite discriminatoire aux jeunes. Les arts et médias reflètent les valeurs d’un peuple et, de nos jours, ils encouragent les deux sexes à demeurer contraires. D’un point de vue d’une différentialiste comme Luce Irigaray, ce n’est pas quelque chose à renoncer. Mais notre environnement, qui administre le portrait de la femme, ne le fait pas adéquatement. Les films pour enfants, par exemple, ne sont pas conçus pour encourager les jeunes filles à atteindre leurs pleins potentiels en tant qu’individues autonomes. On en voit la preuve quotidiennement dans l’hypermasculinisation chez les hommes et les problèmes d’image corporelle chez les femmes.

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