« Voici quelles sont ces choses : les canonistes en effet, plus que les théologiens, traitant de l’empêchement maléfique, disent qu’il y a maléfice non seulement pour que quelqu’un ne puisse accomplir l’acte charnel; mais aussi pour que la femme ne conçoive pas ou, si elle a conçu, pour qu’elle avorte. Et ils ajoutent une troisième et quatrième manière d’agir (des sorcières): quand elles ne réussissent pas l’avortement, elles dévorent l’enfant ou elles en font l’offrande au démon. » (page 196)
« Comment les sorcières savent frapper d’incapacité la puissance génitale. [ … ] nous devons noter ici que pareil empêchement est provoqué de l’intérieur et de l’extérieur. [ … ] De l’extérieur elles peuvent procurer (l’empêchement) tantôt par le moyen d’images ou par la consommation d’herbes, tantôt par d’autres choses extérieures comme des testicules de coqs. Il ne faut pas croire toutefois que par la vertu de ces choses l’homme soit rendu impuissant; mais en vertu de la puissance occulte des illusions diaboliques au travers de ces moyens, les sorcières peuvent ensorceler la puissance génitale au point de rendre l’homme incapable de copulation et la femme de conception. » (page 282)
-Extraits de la réédition de 2021 du livre « Le Marteau des Sorcières »
Lors des procès des sorcières durant l’Inquisition, ce livre fut utilisé afin de trouver les conditions et les motifs pour condamner une femme en sorcière, et donc on peut observer que l’avortement fut une de ces raisons utilisées. Durant ces procès, la femme qui avorte est considérée comme maléfique et étant au service au démon. Toutefois, ces idéologies ne sont pas nouvelles; durant l’histoire de l’humanité, l’avortement a été souvent associé à l’œuvre du démon et de la sorcière qui lui est soumise. En effet, cette association a été, entre autres, effectuée lors du procès d’un moine provenant du monastère de Théotokos Hodigitria à Constantinople en l’an 1370, le papas Iôasaph. Lors de la joute verbale, le moine fut accusé d’avoir eu recours à la sorcellerie car il est allé chercher un produit d’un homme condamné, par la suite, de sorcellerie, que le moine remit à une moniale qu’il avait mise enceinte. Ce produit, évidemment, fut avorter le fœtus que la moniale contenait en elle. Ainsi, c’est l’action de contribuer à un avortement qui fit condamner ce moine de sorcellerie. (Source: https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1982_num_40_1_2132 )
Le lien entre l’avortement et les sorcières en est un très fort, et qui date depuis fort longtemps, mais pourquoi?
D’où provient l’association entre l’avortement et la sorcellerie?
Selon moi, cette association est le résultat d’une haine généralisé envers la femme, particulièrement la femme en possession de pouvoir, perpétuée par les hommes depuis la nuit des siècles, spécifiquement dans la société chrétienne occidentale blanche. À mon avis, tout ceci détient son origine, dans une perspective chrétienne, au plus profond de la question, dans le pouvoir de création de la vie, qui a été attribué aux femmes. En effet, selon cette religion, le pouvoir de procréation est le pouvoir le plus puissant:
« Le pouvoir de création – ou, pourrions-nous dire, de procréation – n’est pas simplement un détail du plan : il lui est essentiel. Sans lui, le plan ne pourrait pas s’exécuter. Son mauvais usage peut compromettre le plan2. » (On parle ici du plan de Dieu.)
- Source : « Why Stay Morally Clean », Ensign, juillet 1972, p. 111. (du site https://www.churchofjesuschrist.org/study/liahona/2005/06/strengthening-the-family-the-sacred-powers-of-procreation?lang=fra )
Ainsi, ceci aurait engendré une rancœur générationnelle transmise d’hommes en hommes, basé sur le sentiment de manque de pouvoir, ce qui aurait généré une volonté de surcompenser cette impuissance. Comme le présente le récit de création catholique, c’est la femme qui est responsable que ce ne soit pas le paradis sur Terre, justifiant sa culpabilisation pour presque tout ce qui est mauvais au travers des siècles (responsabilisation de la femme, comme vu en cours dans la condition théologique des conditions d’émergence de la sorcière). Surtout avec les idéologies chrétiennes, où la femme est plus un accessoire de l’homme qu’un humain à part entière, comme peut l’illustrer la croyance selon laquelle la femme originale, Ève, aille été créée grâce à une côte d’Adam, il est facile de déduire que l’homme se devait de prendre possession de tous les pouvoirs, autant pour ses motivations personnelles que religieuses. Après avoir pris possession des sphères politiques, sociales et religieuses, quels pouvoirs restent-ils à la femme que l’homme ne lui a pas encore dérobé?
Dans une société patriarcale, les seuls pouvoirs qui restent dans les mains de la femme sont son pouvoir sur ses interactions avec les hommes et celui sur son propre corps. Dans leur quête de pouvoir, les hommes ont du trouver comment prendre possession de ceux-ci, alors comment s’y ont-ils pris?
Dans sa crainte de perte de pouvoir, l’homme a commencé à démoniser, donc à associer à l’œuvre de Satan, une femme qui avait des pouvoirs de séduction trop « puissants », car ainsi elle pourrait contrôler un homme grâce à ses charmes. De plus, il y a eu une démonisation du pouvoir que possède la femme sur son propre corps, car l’homme ne le contrôlait pas entièrement. Évidement, démoniser ceci n’était pas assez pour dérober ce pouvoir et le transmettre aux hommes, alors ces derniers ont dictés comment une femme se devait d’agir envers son corps et ce qu’elle ne pouvait pas faire avec celui-ci. Ces conditions obligent la femme à soumettre son corps au pouvoir de l’homme, donnant ainsi le pouvoir de procréation aux hommes, ce qu’ils ont assuré en bannissant l’avortement. Ces idéologies ont été perpétuées par l’Église chrétienne, faisant en sorte que les femmes qui contrevenait à ces règles étaient perçues comme allant à l’encontre de la foi, à l’encontre de Dieu, et donc allant vers son opposé; Satan. Ainsi, les femmes qui avortaient étaient perçues comme travaillant pour Satan, et donc œuvrant comme des sorcières. Pour garder le pouvoir, il faut réduire la femme à un concept et non plus un humain : le concept de la sorcière. Désormais plus humaine, il était encore plus facile pour les hommes d’imposer leur pouvoir sur elles.
= Tout revient à la recherche de pouvoir de l’homme, qui a engendré la création et la démonisation de la sorcière et, donc, de la femme.
La sorcellerie et l’avortement de nos jours

Dans les années 1900, les avortements sont redevenus une action pouvait être persécutée par la collectivité aux États-Unis, environ 300 ans après les Procès des Sorcières de Salem, dans un contexte d’immigration importante qui faisait peur aux nationalistes blancs craintifs de perdre leur statut de majorité dans leur pays. Principalement en raison d’un « manque » de citoyens blancs, les décideurs religieux et politiques ont lourdement réglementé et légiféré les décisions d’une femme sur son corps (afin de forcer la procréation blanche):
“But by the 1940s in the United States, as the economy experienced a wartime boom, the use of any medium — other than the rhythm method or abstinence — to curtail fertility was prohibited in many states for being immoral. Physicians became the new “witches,” hunted out and prosecuted for aiding and abetting the crime.”
- Source: https://www.washingtonpost.com/outlook/2021/08/19/texass-restrictive-new-abortion-law-eerily-echoes-witch-hunts-centuries-ago/
Actuellement, il se passe au Texas des prises de décisions qui ressemblent apeurement à celles mises en place lors des procès de Salem, qui condamnent abondement l’avortement en démonisant les femmes qui tentent d’avoir recours à cette procédure. L’État du Texas compte implémenter une nouvelle loi qui serait encore plus persécutrice des avortements que celle ayant passée en Alabama, qui était déjà extrêmement conservatrice. Avec cette loi, une femme n’aurait plus le droit d’avoir accès à un avortement après que le feotus aille atteint 6 semaines de gestation, une période de temps crucialement trop courte, considérant que la majorité des femmes ne sauraient même pas qu’elles sont enceintes à ce stade. Conséquemment, ceci interdirait par implication quasiment tous les types d’avortements. Encore pire, la loi prévoit l’utilisation du public pour persécuter les femmes, en offrant un prix monétaire à toute personne qui dénonce une femme qui aurait possiblement eu recours à une telle procédure médicale, recréant les horreurs des accusations ayant eu lieu lors des Procès des Sorcières de Salem :
“Possibly the worst part of the entire law is the recruitment of civilians. Citizens of Texas are encouraged to report women attempting to carry out an abortion (and their “accomplices” — friends, family, doctors, or anyone who knew and supported them, “aided and abetted” their crime). In fact, citizens will be awarded $10 000 for reporting the “(attempted) murder” . Even if the accused turns out to be innocent (which can be concluded only after a lengthy trial or invasive gynecological procedures which confirm whether an abortion has been had), the person that reported the woman will not stand any punishment and their legal fees will be covered by the state, but the accused will have to cover their own legal fees. On top of that, they will receive no compensation for the trauma of being wrongfully sued and subjected to public slander.”
Source: https://gen.medium.com/the-texas-witch-trials-dc8d51057725
Autres sources intéressantes:
https://www.rehumanizeintl.org/post/texas-s-new-abortion-law-a-whole-life-analysis