En 1867, on estime que la population autochtone comprenait entre 100 000 et 125 000 individus sur le territoire Canadien, en plus de 10 000 Métis au Manitoba et 2000 Inuits dans l’Arctique. Dès le début du XXème siècle, la population autochtone a connu un déclin important, expliqué en grande partie par les maladies, la famine et les guerres issues de la colonisation et des pratiques européennes.
La colonisation entraîne des bouleversements majeurs dans le mode de vie des peuples autochtones : ils passent du nomadisme à la sédentarité, d’une éducation familiale traditionnelle aux pensionnats, et le système gouvernemental autonome régissant les communauté autochtones est annihilé au profit d’une organisation politique conforme aux attentes des colonisateurs.
La colonisation de l’Amérique du Nord par les Européens a impliqué un génocide des population amérindiennes, causé en grande partie par le bouleversement de leurs modes de vie et de leurs traditions. L’encyclopédie Canadienne énonce clairement la volonté du système colonial à éradiquer la culture des Premières Nations et à promouvoir l’assimilation de leurs membres dans la société euro-canadienne.
L’organisation des Nations Unies (ONU), définit le génocide comme suit:
« Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a. Meutre de membres du groupe;
b. Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c. Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d. Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e. Tranfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Organisation des Nations Unies, 9 décembre 1948
Comment ce processus génocidaire a été en partie appliqué par les colons Européens dans les relations avec les peuples autochtones?
Gregory H. Stanton décrit un processus génocidaire en dix étapes, afin d’analyser et de comprendre ce phénomène. Ces étapes ne sont pas linéaires, elles peuvent coexister. Les relations entre les colons Européens et les peuples autochtones , ainsi que les institutions et le cadre législatif mis en place par les Européens s’intègrent dans certaines des étapes menant à un génocide.
La classification
La classification consiste à opposer deux catégorie de personnes, à créer une distinction entre « Nous » et « Eux ». Cette classification est réalisée par le groupe qui se situe en position d’autorité, et elle est établie selon l’origine ethnique, la race, la religion ou la nationalité.
En ce qui concerne les peuples autochtones au Québec, ils ont été qualifiés par les colons Européens de « sauvages », ils ont été considérés comme des animaux, et non comme des êtres humains.
« Toute ma vie je ne les ai aperçus que de loin, sans m’approcher, sans qu’ils ne s’approchent de moi non plus, deux mondes parallèles. »
Richard, Desjardins, Le peuple Invisible (2007)
La discrimination
Le phénomène de discrimination survient lorsqu’un groupe dominant utilise la loi, les coutumes et le pouvoir politique afin de nier les droits d’autres groupes.
La loi sur les Indiens, adoptée en 1876, prive les personnes issues des peuples autochtones de certains de leurs droits et confirme leur incapacité légale. Cette loi leur confère un statut juridique équivalent à celui d’un enfant mineur, ils sont soumis au contrôle du gouvernement, qui a l’autorité de décider pour eux. La loi sur les Indiens interdit aux membres et aux communautés des Premières Nations d’exprimer leur identité par des activités liées à leur culture ou à la gouvernance. Cette loi remplace les structures traditionnelles de gouvernance établies au sein des peuples des Premières Nations et régies par les principes de l’hérédité par un système électoral. Les chefs héréditaires ne sont pas reconnus par la loi sur les Indiens. Les femmes sont également discriminées par cette loi puisqu’elles sont tenues à l’écart de la sphère politique.
Ainsi, le statut d’Indien n’est pas compatible avec celui de citoyen Canadien et la loi sur les Indiens de 1876 créé une discrimination certaine à l’encontre des membres des peuples autochtones.
La déshumanisation
La déshumanisation consiste en l’affirmation, par le moyen de la propagande, de la valeur moindre du groupe victime par rapport au groupe majoritaire.
Dans les années 1950, malgré une réussite de la conquête du territoire autochtone, et de l’appropriation de leurs ressources, l’assimilation des membre des peuples autochtones dans la société euro-canadienne n’est pas suffisante. Des pensionnats sont créés, dans le but de procéder à une déprogrammation psychique des enfants Indiens, afin de permettre l’assimilation totale des peuples autochtones. Les enfants sont enlevés à leurs parents, placés dans des pensionnats. Ils sont dépouillés de leurs effets personnels et de leurs vêtements traditionnels. Leurs cheveux sont coupés, leur nom est changé, et un numéro leur est attribué.
« Derrière mon pupitre, on m’a appris le silence. »
Jean Sioui, Mon couteau croche
La persécution
La persécution repose sur l’identification et l’isolation, en raison de leur ethnicité, ou de leur identité religieuse, d’un groupe particulier. Les membres du groupe sont discriminés, ils vont parfois être obligés de porter des symboles les identifiant, et leurs biens et leurs propriétés sont souvent expropriées. L’arrivée des colons et l’exploitation des forêts, ont refoulés de plus en plus les Indiens à l’intérieur de leur territoire.
En 1800, les derniers Algonquins quittaient le village de Deux Montagnes en face de Montréal pour se retirer vers le nord. Les colons n’avaient plus besoin de l’indien, ils avaient besoin de leur territoire. En 1850, les autorités fédérales décident de sortir les Indiens du bois, et de les concentrer. L’Indian Territory se transforme alors en camp de réfugiés, c’est la naissance des réserves indiennes. Au fil des années, les territoires autochtones sont dépecés, ils sont cédés au gouvernement. Les concessions des territoires faites posent question, elles ne respectent pas le principe de diligence, qui consiste à ce que la transaction soit faite dans l’intérêt du peuple.
« Nous sommes des prisonniers dans des communautés. On n’a plus rien, on vit dans un trou qu’ils appellent une réserve, on n’a plus accès à nos terres traditionnelles, on n’a plus notre langage, on n’a plus nos histoires, on est comme un fantôme sur la terre. »
Le déni
Le déni est la négation, par les auteurs d’un génocide, d’avoir commis des crimes. Les preuves des crimes sont dissimulées, et le blâme est souvent rejeté sur les victimes.
Ce déni est observable dans le texte de la Comission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, dans lequel les propos concernant les violences et crimes effectués à l’encontre des populations autochtones sont atténués, et où l’on place en victime les habitants francophones du Québec, issus de la colonisation.
« La vérité est parfois dure à entendre, c’est pour ça qu’ils la cachent depuis 150 ans. »
Samian, Génocide
Conclusion
Pour conclure, les pratiques des colons Européens envers les populations autochtones relèvent du processus génocidaire. Elles s’apparente aux étapes de classification, de discrimination, de déshumanisation, et de persécution, telles que décrite par Gregory H. Stanton dans son analyse des génocides. Pour le rappeur autochtone Samian, le génocide de son peuple et de ses ancêtres est incontestable.
"L'interdiction de parler nos langues c'est un génocide, tuer l'Indien à l'intérieur de l'être humain, c'est un génocide, voler et vendre des enfants, c'est un génocide, les femmes autochtones disparues et assassinées, c'est un génocide. La constitution canadienne est un génocide." Samian, extrait du titre Génocide, 2020
Le génocide des peuples autochtones est cependant particulier, il est insidieux et s’est effectué de manière discrète. C’est la culture autochtone plus que la population qui est mis en danger par les pratiques des colons Européens, certains parlent alors d’un génocide culturel. Il est important de mentionner que ce génocide culturel à des conséquences dramatiques au sein des communautés autochtones, et entraîne une criminalité, une dépendance et des tendances suicidaires exacerbées. L’assimilation de la population autochtone dans la société euro-canadienne a pour conséquence l’extermination d’un peuple, de sa culture, de ses croyances et de ses traditions.
« On parle de l’holocauste, du Rwanda, des millions de morts au congo, en Amérique du Nord, c’est un génocide au compte goutte. »
Samian, Génocide
On peut se demander s’il est encore possible aujourd’hui de concilier le passé colonial du Canada et la préservation des peuples autochtones, sans pour autant nier leur culture, leurs traditions et leurs croyances.
Médiagraphie
Aylsworth, L., Trovato, F. (2012). Démographie des autochtones. L’encyclopédie Canadienne. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/demographie-des-autochtones
Desjardins, R., Monderie, R. (Réalisateurs). (2007). Le peuple invisible. https://www.onf.ca/film/peuple_invisible/
Les 10 étapes d’un génocide. Montréal Holocaust Museum. https://genocide.mhmc.ca/fr/genocide-etapes
Samian. (2020). Génocide. https://youtu.be/cYSTngC96H8
Samian. (2014). Blanc de mémoire. https://youtu.be/yf3_4NPG5jo
Tirel, A. (2018). Être un artiste autochtone ou représenter l’invisible. TicArtToc. https://www.erudit.org/fr/revues/ticarttoc/2018-n10-ticarttoc03667/88176ac.pdf