On ne peut se dissocier des ignominies que nos ancêtres ont commises dans les traitements qui ont été réservés aux Autochtones durant la colonisation et la suite de l’histoire canadienne. Même si nous ne sommes pas personnellement responsables du traitement qui leur a été réservé, il est de notre devoir, comme nation canadienne, québécoise, et surtout humaine, de reconnaître ce qu’on leur a fait vivre et de faire tout en notre pouvoir pour réparer ce qui est réparable et apaiser leur souffrance. En commençant par leur demander pardon.

En plus de leur voler leurs terres, éléments fondamentaux du mode de vie et de la spiritualité autochtone, nous avons presque éradiqué leur culture, tout d’abord en enlevant des enfants à leur famille afin de les éduquer comme des blancs et de «tuer l’indien en eux». Cela a aussi contribué à effacer leur histoire et coutumes, qui se transmettent majoritairement par la tradition orale des aînés, créant ainsi un vide culturel dans les générations suivantes. Enlever son histoire, sa langue et ses traditions à un peuple est un acte barbare sans nom, qui laisse des traces plus longtemps qu’on ne le pense. Nous avons traité les Autochtones comme des enfants, comme des bêtes sauvages, en clamant haut et fort notre supériorité, tout en prouvant exactement le contraire.
Il est aussi assez ironique que le Québec, qui est lui-même distinct des provinces qui l’entoure et qui lutte pour ne pas se faire ensevelir par le monde anglais, ait osé faire subir le même traitement aux peuples autochtones, sans aucune empathie. Évidemment, tout cela est le principe-même de la colonisation et un nombre infini de peuples a vécu une assimilation massive, comme les Autochtones. Peut-être serait-il temps de revoir notre rapport au territoire et surtout notre rapport au pouvoir? Je ne crois pas que vouloir voir sa culture dominer un territoire soit une raison louable d’effacer un peuple d’une si grande richesse.
La vision qu’on a accordée aux premières nations depuis toujours est réductrice, tant dans les lois racistes et discriminatoires qu’on leur a imposées que dans nos livres d’histoires qui perpétuent une idée infantilisante, méprisante et ignorante. On refuse de reconnaître les découvertes qu’ils ont faites et desquelles on tire les honneurs et bénéfices (comme la découverte du minerai de fer et la découverte de l’Amérique). On refuse aussi de reconnaître l’influence qu’ils ont eue sur nous, ce qu’ils nous ont appris du territoire québécois, de l’hiver, de la nourriture du terroir, des plantes médicinales. Toutes nos découvertes auraient été impossibles sans les Autochtones et nous leur devons de la reconnaissance, au moins pour ça si ce n’est pour tout le reste.
On ne les reconnait pas pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils représentent réellement, mais plutôt pour l’image que l’on s’est créé d’eux: l’image qui nous convenait. C’est de cette façon qu’on a pu leur enlever leur liberté. Il est plus facile de les voir comme des sauvages inférieurs à nous en terme d’éducation, de culture et d’intelligence lorsque notre objectif est de les assimiler sans pitié et de brimer leurs droits fondamentaux. Notre façon de représenter ces peuples a d’énormes répercussions sur leur reconnaissance et contribuent à renforcer le problème d’autodétermination des peuples autochtones. La façon dont les autres nous perçoivent influe sur notre propre façon de nous percevoir, cette non-reconnaissance est donc une forme d’oppression puissante qui efface et dégrade l’histoire des peuples autochtones. En effet, leur culture est basée sur la tradition orale: en séparant des familles et en les convertissant à notre culture, nous avons créé un fossé entre les générations qui ne connaissent plus leur culture. Le fait de refaire briller la culture autochtone, en parlant leurs langues et en rencontrant des gens issus des communautés autochtones permet aux plus jeunes générations de reprendre possession de leurs racines et d’apprendre l’histoire qu’on leur a arrachée.
Pour renouer avec les peuples autochtones et rendre nos relations respectueuses, réciproques et justes, la première étape est de s’ouvrir à l’autre culture. Il nous faut passer par dessus nos jugements et nos représentations erronées des peuples autochtones et tenter de découvrir leur culture en s’y intéressant profondément.
Laisser de côté pour une fois notre culture et nos intérêts est primordial pour échanger, s’intéresser et se réconcilier avec les premières nations en apprenant de leur culture riche et de leur mode de vie respectueux de la nature. Nous avons enterré leur liberté et leur histoires pendant des dizaines d’années, et il est maintenant temps de se taire pour les laisser déterrer, raconter et entendre leur histoire.
Concrètement, les gouvernements d’ici et d’ailleurs se doivent de reconnaître les peuples autochtones comme une nation ayant des droits protégés par la loi, autant par un accès à des soins de santé et des services sociaux sans discrimination que par le droit à l’autodétermination. Les peuples autochtones doivent être libres d’exploiter et de développer leurs territoires et ressources et d’être plus indépendants économiquement. Les autochtones ont aussi le droit à une autonomie culturelle: se voir représentés dans le paysage médiatique, être présents dans la sphère politique, exercer leur spiritualité librement. Une dernière chose primordiale à faire pour nous réconcilier avec les peuples autochtones est de raconter, dans les écoles et les manuels d’histoire, le récit de la création du Canada et du Québec tel qu’il s’est déroulé, sans en transformer les faits à notre avantage ni dépeindre les Autochtones comme des brutes ignorantes. En somme: trouver une façon de cohabiter qui ne nuise pas aux droits et libertés d’un des peuples pour profiter à l’autre. Ça me semble réalisable, non? Globalement, leur redonner ce qu’on leur a pris en volant leur terres, en inondants leur territoire, en les enfermant sur des réserves pour exploiter leurs ressources, en réglementant leur droit de pêche et de chasse traditionnels, en les obligeant à entrer dans notre culture au détriment de la leur, en faisant disparaître les leurs et en envoyant leurs enfants dans des pensionnats.

Les peuples autochtones n’ont jamais voulu nous dominer ou posséder tout le territoire: ils croient au partage de la terre, au respect de la nature, à la reconnaissance de ce que cette terre nous offre. Nous avons amené cette idée de surconsommation, de souffrance, de possession et de pouvoir sur la terre. Pour entrer dans le monde des peuples autochtones, la lecture de poème de leurs auteurs est un parfait moyen de s’y prendre. Poèmes frappants, crève-coeur, qui nous remettent en pleine face nos plus gros vices et la manque de coeur de nos ancêtres, qu’on se doit de réparer aujourd’hui. Les mots sont forts, ces poèmes courts crient presque. Cette écriture reflète leur mode de vie, simple, naturel, sans complications, dans le respect et l’écoute, dans le tourbillon du cycle de la vie, qu’on gagnerait à écouter davantage.
https://www.erudit.org/fr/revues/efg/2016-n25-efg03027/1039497ar/