
Connu et reconnu, chanté, écouté ou dansé, le hip hop n’a rien à envier aux nombreux autres styles musicaux autour du monde. Cet art est apprécié autant par les jeunes que les moins jeunes, les garçons et les filles, les riches ou les pauvres, peut importe la couleur de peau et la religion. Bien ancré dans notre société, le hip hop peut sembler un genre musical un peu banal. Cependant, le hip hop est tout sauf banal, car très récent, il a une histoire riche et triste à la fois. Né dans les années 1970 aux États-Unis, le mouvement prend racine à Brooklyn, où le peuple afro-américain vit dans la misère et l’injustice totale. Victimes de l’hégémonie du pouvoir des hommes blancs, les afro-américains sont alors dans une impasse. Une confrontation ouverte avec le pouvoir en place aurait amené une répression trop forte, les jeunes du ‘’Bronx’’ cherchent alors à faire passer leur message autrement. Ainsi né donc trois formes d’art distincts, mais commun dans leur objectif ; le hip hop, les raps battles et les graffitis.
Aujourd’hui, ces arts sont distribués à un public de masse, et traitent de sujets plus diversifiés. Ouvert à tous, le hip hop moderne est parfois rendu un élément de divertissement aux mains de gens cherchant une gain personnel (prestige/richesse) au détriment du message original. Mais alors, y a-t-il une forme d’appropriation culturelle dans cette nouvelle vision du hip hop ? Ou est-ce plutôt un réinvestissement de la valeur originale du mouvement dans le contexte contemporain ? Bien que le sujet débauche sur de très nombreuses réponses, plusieurs éléments forment un tout cohérent en faveur de la revalorisation du hip hop original.
Tout D’abords, il faut comprendre les ingrédients clés du mouvement des années 70, pour voir s’ils sont encore présents dans le hip hop moderne. Parmi ceux-ci, commençons par le désir de justice social et la promotion des droits civiques des dominés noirs aux États-Unis. Cet élément est vraiment le noyau central du mouvement artistique crée à l’époque. Aujourd’hui, le hip hop est aussi pratiqué par ‘’les hommes blancs colonisateurs’’, ce qui peut sembler être contradictoire. Certaines personnes perçoivent cela comme une appropriation culturelle oppressive dépouillant de sens la vérité même du hip hop. D’une part, le mouvement des droits civiques des minorités n’est pas régressé avec la culture moderne, il a plutôt évolué et s’est mondialisé. Le mouvement du hip hop des années 70 et sa popularité mondiale sont à la base même du mouvement actuel Black Lives Matter. D’ailleurs, le BLM n’est pas uniquement un mouvement des noirs contre le racisme, c’est plutôt un combat de toutes les minorités envers l’oppresseur. Ceci est aujourd’hui possible grâce au passage du texte caché à la confrontation publique qu’a permis la culture du hip hop. Encore aujourd’hui, de nombreux rappeurs, qu’ils soient afro-américains ou pas, parlent de la discrimination dans leur textes, parfois bien dissimilé et parfois sans aucun filtre.
« Un dominé dissimule le texte caché de la vue des détenteurs du pouvoir en grande partie parce qu’il a peur des représailles. Si, toutefois, il est possible de diffuser le texte caché tout en cachant les identités de ceux qui le transmettent, la peur est largement dissipée. »
La domination et les arts de la résistance, James C.Scott
Pour appuyer ce point, on peut analyser le cas du célèbre Banksy, qui se rattache beaucoup plus au hip hop qu’on peut le croire. En effet, Banksy utilise l’une des formes d’art de la culture du hip hop, les graffitis, pour faire passer des messages politiques et sociaux. Cet artiste anonyme venant d’une société colonialiste, utilise un langage originaire du Bronx pour exprimer un message caché, bien que souvent très explicite. Personne ne penserait a dire que Banksy fait de l’appropriation culturelle, mais plutôt qu’il fait la promotion de cette culture. D’une autre part, un élément important de l’évolution du hip hop est aussi son universalité. En devenant populaire et universel, la culture du hip hop a perdu son rapport au vécu de l’individu. Ce phénomène peut être traité de façon positive et négativement. Dans le cadre du hip hop, cela a surtout pour effet de rendre les propos des textes, souvent très personnel aux artistes, accessible à un plus grand publique et rassembleur. De ce fait, il y a beaucoup plus d’auditeurs qui se sentent rattachés au message. Le hip hop moderne accomplit à la perfection cet élément, car peut-importe la couleur de peau, la provenance, ou la classe sociale, les gens trouvent leur lien avec la musique. À titre d’exemple, Mary Hasley a repris la musique ‘’Work It’’ de Miss Elliott, tellement bien que l’artiste elle-même l’a déclaré comme une sœur. Cette dame blanche faisait tranquillement sa prestation à son camping avant que la vidéo devienne virale. L’universalité est claire dans la situation présente, car la dame blanche trouve une appartenance dans cette chanson, même si elle ne représente pas le public cible originale. Malgré leur nombreuses différences, les deux personnes se rejoignent dans les paroles de la chanson. Finalement, je trouve que le hip hop moderne ne subit pas une appropriation culturelle, mais s’est plutôt développé d’une façon qui le valorise internationalement.

Le hip hop moderne est aussi axé sur une autre lutte civique importante, le féminisme. Au-delà du problème du racisme systémique qui n’est pas encore réglé dans les sociétés actuelles, la domination masculine est un enjeu qui est de plus en plus représenté dans le Hip Hop moderne. Le rapport des dominés contre les dominants change dans cet art, mais la façon de passer le message caché reste le même. Entamé à l’époque avec quelque pionnières tel que Miss Elliot, le hip hop féminin est beaucoup plus populaire aujourd’hui. Contrairement à ce que l’on peut penser, les femmes ont toujours été présentes dans le hip hop, depuis les années 70. Le genre hip hop est souvent qualifié de misogyne par les néophytes, à cause de la figuration tel un objet de la femme, dans beaucoup de clips de rap. Tout d’abord, le hip hop étant appuyé sur 5 piliers, il ne faut pas généraliser le rap masculin a l’ensemble du genre musical. La gent féminine est d’ailleurs plus mise de l’avant dans d’autres piliers tel que le break dance ou les graffitis. Malheureusement, ces autres piliers n’ont pas la même visibilité médiatique que le rap masculin et sont donc parfois mis de côté par les néophytes. Ensuite, par rapport au rap précisément, il est vrai que le milieu n’est pas encore égalitaire au niveau des genres, comme la majorité des domaines de la société. Cependant, le hip hop a vu une explosion de la place féminine et de leur popularité dans les dernières années. Les rappeuses sont des femmes fortes et libérées, qui traitent des sujets tabous d’une manière directe et forte. Dans les dernières années, des femmes telles que Nicki Minaj, Cardi B, Mégan T. Stallion, Mulatto et plein d’autres ont conquis le cœur des gens de la nouvelle génération. En plus d’être populaires à cause de leur musique, ces femmes souvent parti de la misère, sont des modèles féministes d’émancipation pour les jeunes filles, démontrant qu’elles peuvent accomplir les mêmes choses que les hommes. Je pense donc que du coté de l’enjeu féministe, le hip hop actuel est une revalorisation du mouvement à caractère politique des années 70. Les rappeuses de notre époque sont dans la continuité des idées des pionnières.
En bref, je crois que la culture actuelle du hip hop possède encore le pouvoir de celui créé à l’origine. Bien qu’il se soit transformé au cours des années, il est plus que jamais un outils de résistance ayant une portée internationale. Les sujets s’étant diversifiés, chaque oppressé autour du monde peut se sentir rattaché à cette culture. La place de la femme grandissante dans le milieu valorise l’enjeu féministe, en plus des droits civiques. L’année 2020 est d’ailleurs citée par plusieurs sites musicaux comme ‘’l’année de la domination du rap féminin’’ grâce au travail de nombreuses artistes. Le hip hop contemporain est donc une mise en valeur de la culture des années 70, chaque artiste influençant le mouvement à sa façon.
