Le rap: d’où vient-il, qu’est-il

devenu?

Ainsi, à la fin des années 1980, certains dirigeants de l’industrie musicale se rendent compte qu’ils peuvent miser sur le succès du gangsta rap, qui glorifie violence et masculinité exacerbée. Pour l’industrie musicale, cette musique cible un public blanc, aisé et qui ignore généralement ce que représente la réalité des quartiers.

Dans un monde où il y a une hégémonie, où un groupe est persécuté et marginalisé et où le système politique et judiciaire contrôle la société sans représenter l’opinion du peuple, on en vient à se demander ce qu’il nous reste comme moyen de défense. À mon avis, ce qui demeurera toujours, c’est l’aspect communautaire de la résistance. C’est la force du nombre qui nous garde en vie et qui est notre seul espoir. Quand le monde ne veut pas de nous, par la force des choses, on en vient à se créer notre propre monde à nous, on se regroupe pour assurer notre défense et notre survie.

C’est exactement ce qu’a créé la culture Hip-Hop et ses débuts dans le Bronx. Un mouvement où la voix est une arme et où l’on résiste au pouvoir par l’art. Une porte de sortie à la pauvreté, au chômage, à l’injustice, à l’exclusion et à un désir d’expression. S’opposer haut et fort à ce qu’on n’approuve pas. Un groupe dont le sens est commun, dont les uns se nourrissent des autres et dont le vivre-ensemble est un plus, pas une fatalité.

La Zulu Nation visait à sortir des adolescentes et des adolescents de l’influence des gangs de la drogue et de la violence, en encourageant à la fois la créativité artistique et la rivalité constructive entre les nouveaux et nouvelles artistes.

– La Zulu Nation visait à encourager une révolte pacifiste par le Hip-Hop
7 thing you really should know about Wu-Tang Clan | The Denizen
Will Smith Was a Gangsta Rapper - The Ringer

Puis, c’est le gangsta rap, glorifiant la violence et la masculinité, qui a été le plus popularisé et commercialisé, dénaturant complètement l’essence-même du Hip-Hop, qui visait à transformer cette violence en quelque chose de pacifique et créatif. C’est l’industrie musicale qui a transformé le plus le Hip-Hop pour s’intéresser à ce qui serait le plus vendeur, en influençant le style des rappeurs. On a même exclu les femmes du rap, puisqu’elles ne représentaient pas la violence et la masculinité, alors que beaucoup de femmes rappaient aux débuts du Hip Hop. On comprend que ce qui motive les grands hommes d’affaires, c’est seulement l’aspect monétaire et capitaliste de la société. Peu d’importance est consacrée à l’individu qui la compose, à l’artiste qui écrit la chanson, aux sacrifices qui ont mené à la création de cet art. La construction d’un imaginaire raciste et/ou sexiste est bien plus payante dans l’optique capitaliste qu’un art engagé, profond et seul témoin de décennies de souffrance.

On y trouve des passionnées, des engagées, des enragées, des poétesses et surtout des artistes qui ont l’ambition et l’envie de montrer qu’elles peuvent elles aussi s’imposer dans le monde du rap, dominé par la gente masculine.

-Les pionnières du Hip-Hop
Eminem lyrics: Rapper says album was 'not made for the squeamish' - BBC News

La communauté Afro-américaine n’a jamais eu d’alliés dans sa lutte, la population étant trop influencée par le système politique en place qui perpétue cette oppression en guidant l’imaginaire du peuple vers quelque chose de discriminatoire, de façon consciente ou non. Les oeuvres d’un rappeur blanc ne pourront donc jamais ressembler aux oeuvres d’un rappeur noir, faute d’avoir vécu la lutte, d’avoir subi cette charge émotionnelle, d’avoir ressenti la peur et le refus, faute d’avoir eu un autre moyen de défense que la musique. Leur discours public ne sera jamais le même et les thèmes prédominants dans leur art n’auront pas la même charge, le même impact, le même engagement. La question n’est pas de savoir si les blancs ont le droit ou non de faire du Hip-Hop. Le Hip-Hop est une culture qui se partage, un style musical qui n’a cessé de grandir en popularité depuis sa création et un art dont les blancs veulent aussi faire partie. Selon moi, l’important est de ne pas dénaturer l’essence du Hip-Hop, ni minimiser son importance historique et culturelle pour la population Afro-américaine. Certains rappeurs blancs s’approprient irrespectueusement la culture hip-hop; en donnant à leurs chansons des titres comme «Daddy Kalled Me Ni**a Cause I Likeded to Rhyme.», en promouvant la richesse et le luxe (alors que le Hip-Hop est né d’une situation sociale d’extrême pauvreté difficile), d’autres s’auto-glorifient pour gagner de la reconnaissance, pensant qu’il est facile d’être rappeur (alors qu’à sa création, le Hip-Hop était l’ultime arme de résistance du peuple Afro-américain) ou encore en se donnant faussement un accent afro-américain alors que ce n’est visiblement pas le leur. D’autres s’investissent dans cet art pour ce qu’il est, de brillants jeux de mots, de rythmes ou de sonorités, ou comme Eminem, reconnaissent publiquement qu’ils n’ont rien inventé et que c’est grâce à ceux qui ont forgé le rap qu’il est où il est aujourd’hui. Il est donc possible, et nécessaire, d’être un rappeur blanc dans le monde du Hip-Hop, sans aucune appropriation et dans le respect des créateurs de cette culture.

L’art est le moyen d’expression le plus puissant et complet de tous. On peut crier ce qu’on a sur le coeur, pleurer nos souffrances, se regrouper. L’art est une manifestation de soi et de son vécu. Les idéaux, sentiments, expériences d’un artiste se transmettent et se ressentent tellement fort dans leurs oeuvres, alors leur souffrance causée dans le cas du hip-hop par le racisme se transmet certainement aussi et devient une arme dangereuse, convaincante et rassembleuse. L’art est aussi pacifique qu’il peut être violent. C’est un moyen extrêmement puissant de revendiquer ses droits, de s’insurger, de s’opposer, de dépeindre sa réalité, de laisser des traces, de faire changer l’histoire et de critiquer et transformer une société. L’artiste puise son inspiration dans son vécu, voila pourquoi le rap peut être tellement touchant et tellement parlant: il relate directement la ségrégation, le racisme et les conflits sociaux auxquels ont dû faire face les créateurs du Hip-Hop. L’art permet d’exposer une expérience personnelle à quelque chose de plus grand que soi, un simple événement peut devenir porteur d’un bien plus grand message. C’est aussi le fait d’être si nombreux dans une lutte revendicatrice rassembleuse qui fait qu’une confrontation est possible, qu’il devient impossible de réprimer aussi fort qu’auparavant, et c’est à ce moment qu’on peut gagner un peu de liberté.

Graffiti and street art can be controversial, but can also be a medium for  voices of social change, protest, or expressions of community desire. What,  how, and where are examples of graffiti

Tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime

Hip Hop, culture de résistance https://www.ababord.org/Hip-hop-Culture-de-resistance

30 ans de rap féminin: les pionnières https://www.thebackpackerz.com/dossier-30-ans-de-rap-feminin-les-pionnieres-part-1/

The White-Rapper Taxonomy https://www.theringer.com/music/2020/10/6/21502594/history-of-white-rappers-eminem-vanilla-ice-mac-miller

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