La culture révoltée américaine, les clips violents, le vocabulaire salace, les armes, la violence, les injustices et la misère, il y en a ici. La culture hip hop est beaucoup plus popularisé aux États-Unis qu’au Canada, cette musique a tout l’air de faire partie de la culture américaine. La culture québécoise, de ce que j’en connais, n’offre pas vraiment de place pour avoir un espace de diffusion pour ce genre musical . Par le fait même, le  Québec n’a pas une bonne opinion de la communauté qui constitue ce style de musique. La société met de côté les gens qui font du bruit

La marginalité est effrayante pour les gens au pouvoir car c’est une population qui n’aime  pas  suivre les règles.

Les femmes qui pratiquaient la médecine naturelle à l’époque de la chasse aux  sorcières  ne rentraient pas dans les cases que les hommes de pouvoirs avaient instauré à l’époque. La médecine scientifique était la première et la seule que cette société acceptait. Autrefois, tout comme aujourd’hui, la priorité était rivée sur les gens fortunés et les gens de petite vie devaient se débrouiller entre eux. Ces femmes apprenaient  la médecine à partir des plantes et récitaient  des prières pour aider les gens malades et les femmes en couche à passer à travers leurs souffrances. À l’époque de la chasse au sorcière, ces femmes ont été un sujet d’étude. Elles avaient un pouvoir hors norme et une indépendance qui était devenue un instrument   de terreur. Les persécutions, les tortures portées à ces femmes, ces injustices qui restent encore aujourd’hui ont dessiné, selon moi, les débuts de la marginalisation et continuent de renfermer les originaux dans des cages.

Les sorcières de Montréal Nord

 Au Québec, plus précisément à Montréal, la majorité des immigrants se ramassent dans un coin. Ce coin-là, ici, c’est Montréal Nord, c’est Saint-Michel. Pour leurs enfants, c’est la rue qui règne. C’est comme si la ville fait exprès  d’ignorer cette communauté, ils sont alors obligés de se débrouiller entre eux. On en a d’ailleurs eu un bon exemple: l’an dernier, alors que ce secteur faisait les manchettes en tant que l’épicentre canadien de la pandémie, tout laissait prévoir que le Covid-19 allait s’engouffrer dans la vulnérabilité de ce secteur, mais les ressources de prévention étaient bien plus fortement déployées dans des quartiers comme le Plateau Mont-Royal. Cela dit, le lien que je fais entre les sorcières lors de l’inquisition et les communautés d’immigrants et de premières générations est simple. À cette époque on parlait de persécution, de discrimination, de dévalorisation des savoirs de ces femmes et elles étaient vues comme une menace. Les jeunes de Montréal Nord tentent de s’exprimer, ils tentent de faire connaître aux yeux aveugles de la société l’injustice qui flotte au-dessus de leur tête. Cependant, ils sont associés à la violence, à la criminalité et au trafic.  De leur côté les sorcières étaient vues comme des monstres, elles étaient mises de côté et elles étaient craintes, tout comme ces jeunes aujourd’hui. 

Ils se sont construit une image et des codes de sous culture, mais c’est la conséquence directe de la société dans laquelle nous vivons. Dans leur musique, ils parlent de leur réalité, une réalité qu’on leur a servie sur un plateau d’argent plutôt rouillé. Ils ont le choix de ne pas être dans ces situations, mais c’est plus facile pour eux de prendre ce chemin-là, car c’est pratiquement tout ce qu’ils connaissent. C’est ce qu’ils voient tous les jours depuis qu’ils sont petits, des gens tatoués, des armes, des transactions douteuses, ils ont grandi avec la peur qu’un membre de leur famille puisse se faire tirer dessus. Lorsqu’ils deviennent assez vieux pour prendre la relève de ce genre de projets, ils prennent le risque. Ce risque vaut la chandelle, la récompense au bout est très alléchante. Ils peuvent aider leurs parents avec l’argent qu’ils rapportent. Ils peuvent avoir la voiture de luxe de leur rêve et tout ce dont ils ont manqué étant jeune, avec une offre pareille on comprend les raisons pour dire oui.

Ici une terre d’accueil? Si tu rapporte la « baballe » !

Lorsqu’on commence  à penser à adopter un chien à la SPCA, on peut regarder l’animal en lui demandant comment est-ce qu’il pourra coûter le moins cher tout au long de sa vie. Nous sommes au cœur d’une culture du prix le moins cher.  On regarde l’état de sa santé et s’il est trop malade, qu’il a un handicap ou un léger problème de comportement, la SPCA va l’éliminer, car il ne sera pas adopté. Nous sommes en plein dans une optique de sélection utilitaire. J’ai l’impression qu’on gère les humains de la même manière, surtout les immigrants. Ils doivent servir à quelque chose, ils ne doivent pas nous coûter plus cher que ce qu’ils nous rapportent. Mieux vaut être un chien déjà bien dressé, car nous avons la bonne façon de vivre ici, donc si tu n’es pas comme  la société occidentale le veut, elle va s’arranger pour que tu le devient assez vite.

Fais pas ça, pas cela non plus, si tu fais quelque chose comme ça tu risque…

Ça te coûteras tant…

Nous avons grandi dans un système de justice punitive, dans la peur du risque. La police qui prétend nous protéger, a plus de facilité à nous donner des amendes que de faire des procédures pour nous défendre. Par exemple, il est quasiment impossible de se faire croire et écouter lorsque l’on rapporte une agression sexuelle . Plutôt que d’aider un sans-abri en pleine crise psychotique, ils adoptent des attitudes agressives et  violentes. Nous donner des amendes parce que nous défendons notre point un peu trop fort, ça par contre c’est simple. Ils nous font peur quand nous ne sommes pas d’accord avec leur violence et que nous voulons être entendus lors des manifestations. Les polices vont même tenter d’empêcher les shows de rap de se produire. Ils vont bloquer les portes. Cette musique est de plus en plus écoutée, par des étudiants, des gens de bureaux, des intervenants dans les centres. Les textes où ils crient l’injustice qu’ils subissent, commencent à faire sens dans la tête des gens. Aux portes de ces concerts, les policiers, y sont , pour contrôler le moindre débordement. Nous savons tous que les conséquences sont plus grandes pour les jeunes de couleurs que pour les jeunes blancs. Comme s’ils étaient plus dangereux. Les réalités sont différentes, la justice aussi.

Le rap n’est pas pour tous le premier choix, mais il est à la fois le choix le moins dangereux et le plus stimulant!

Très jeune, ils commencent les formules payantes. Ils se retrouvent fichés à dix ans par la police et ils sont observés de près le reste de leur vie. Dans la rue, ils ont la possibilité de faire beaucoup d’argent, rapidement. Les conséquences sont grandes, mais ça vaut la chandelle. Tu travaille, tu as ta petite vie, tu fais un délit, tu as des conséquences et tu ne peux pas te retourner de bord. Dans la rue les conséquences sont plus souvent inférieures à ce qui t’attend en sortant, c’est long mais en sortant il y a des gens et il y a toujours de l’argent.

Quand tu es confronté à des épreuves qui mettent en jeu; drogue, armes et dangers, tu n’as pas le choix de grandir vite.

C’est un problème de société

En conclusion, tout ce que ces jeunes vivent est énorme. Nous vivons au travers d’un système gouverné par la peur et la menace. La police les suit., Ils sont impliqués dans des fusillades. Ils sont persécutés, marginalisés et ils sont perçus comme  dangereux et  menaçants. Dans ce sens , l’occasion de se mélanger au reste de la société n’est pas une option possible. La différence des classes est très flamboyante dans notre société et pas grand chose se produit pour que ça change. L’oppression qu’ils subissent par la police de  l’image de voyous que les médias cultivent les concernant, nourrissent l’opinion négative qu’ils ont. Les conséquences de ces gestes ne les aident pas à améliorer leur sort. Ils restent là où on les a rangés, dans un coin, comme on a fait avec les Premières Nations, avec les réserves.

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