SEULE LA TERRE EST ÉTERNELLE: Jim Harrison, écrivain.

Père: agronome, spécialiste des sols, tenait à restaurer les cours d’eau pollués par une agriculture inconséquente, agent agricole du comté d’Osceola. Jeune, Jim Harrison avait un mauvais comportement, en partie explicable par le traumatisme de la perte d’un œil lors d’un accident. À cause de cette blessure au visage, il avait tendance à être désigné comme indien lorsque enfant il jouait au cow-boys et aux Indiens. Il entretenait aussi un grand amour et une curiosité pour la nature sauvage. Il en est progressivement venu à s’identifier aux Indiens.

Nous ne constituons qu’une seule espèce sur un total estimé à cent millions. Bon nombre d’entre nous ont pris plaisir à savourer notre domination sur toutes ces espèces. En fait, nous avons créé certains aspects de la religion pour nous rassurer et nous convaincre que nous avons raison de souiller toutes ces autres espèces à notre guise. Nous avons ainsi jugé acceptable le viol de la terre. Les gens se voilent souvent la face devant les péchés commis par leurs ancêtres au détriment de ces gens. Nous devons accepter le fait que la plupart d’entre nous souhaitons connaître seulement ce qui nous convient.

Je suis apparemment un « Blanc » doté de tous les privilèges qui viennent avec cet état, ainsi que de ces autres privilèges liés à ma réussite financière, ce qui me place assez haut dans le classement planétaire par pourcentage. La nature de nos prédécesseurs indiens était à peine enseignée à l’école, sinon pas du tout. Les informations étaient là, mais il fallait creuser pour les trouver. Le monde paraît très différent selon votre point de vue et la nature de vos préoccupations. La xénophobie est un élément biologique de la bête humaine, laquelle a du mal à surmonter ce handicap. Historiquement, les minorités se sont toujours battues pour attirer notre attention. Nous avons des Noirs, des Juifs, des Chicanos et des Indiens, tous ayant été profondément traumatisés par notre histoire. Il est très difficile pour un peuple d’avoir la moindre perception de l’histoire, quand tant d’éléments de cette histoire ont été bannis hors de sa vue.

Les différences essentielles entre les Indiens et moi tenaient au fait que mon peuple n’avait jamais subi leur sort atroce. Mon peuple n’est jamais passé d’une dizaine de millions de membres jusqu’à environ deux cent mille entre 1500 et 1900.

Depuis que les colonisateurs blancs sont débarqués sur leur territoire, plus de cinq cents tribus autochtones d’Amérique ont été réduites à un seul nom, les Sauvages, les Indiens, les Peaux-rouges… À aucun moment de notre histoire, le fossé entre la perception du public et la réalité n’a été aussi grand. L’histoire des peuples indiens est encore souvent enseignée comme si tous ces gens étaient morts.

J’ai appris des Indiens que nous prouvons seulement notre appartenance à l’endroit où nous vivons sur terre en utilisant notre maison avec soin, sans la détruire. J’ai appris qu’on ne peut pas se sentir chez soi dans son corps, quand on souhaite être ailleurs, et qu’il faut trouver par soi-même le lieu où l’on est déjà dans le monde naturel environnant. J’ai appris que dans mon travail de poète et de romancier il n’existe pas de chemin tracé à l’avance, et que j’écris le mieux en puisant dans mon expérience d’adolescent imitant les autochtones et partant vers une contrée où il n’y a pas de chemin. J’ai appris que je ne peux pas croire vraiment à une religion en niant la science pure ou les conclusions de mes propres observations du monde naturel. J’ai appris que je peux seulement conserver mon sens du caractère sacré de l’existence en reconnaissant mes propres limites et en renonçant à toute vanité. J’ai appris qu’on ne peut pas comprendre une autre culture tant qu’on tient à défendre la sienne coûte que coûte. Comme disaient les Sioux, « courage, seule la Terre est éternelle ». Peu parmi les cents millions d’autres espèces sont douées de parole, si bien que nous devons parler et agir pour les défendre. Que nous ayons trahi les peuples autochtones devrait nous pousser de l’avant, tant pour eux que pour la terre que nous partageons. Si nous ne parvenons pas à comprendre que la réalité de la vie est un agrégat des perceptions et de la nature de toutes les espèces, nous sommes condamnés, ainsi que la terre que déjà nous assassinons.

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