Partie 1 : Réflexion sur le problème de la reconnaissance et nos liens avec les cultures autochtones (Assimilation et effacement)

Texte 1 – Glen Sean Coulthard :

« Nous, Dénés des Territoires du Nord-Ouest, insistons sur notre droit fondamental d’être considérés, par nous-mêmes et par le reste du monde, comme une nation.

Nous luttons pour la reconnaissance de la Nation dénée par le gouvernement canadien et la population canadienne, ainsi que par les gouvernements et les populations du monde.

Bien que nous soyons obligés de nous soumettre à certaines réalités, comme l’existence d’un pays nommé Canada, nous insistons sur notre droit à l’autodétermination et sur la reconnaissance de l’existence de la nation dénée. »

« Jusqu’ici, la plupart des travaux sur le sujet ont porté sur la relation présumée entre la reconnaissance positive (ou affirmative) et l’accommodation institutionnelle des différences culturelles au sein d’une société, d’une part, et sur la liberté et l’autonomie d’individus et de groupes marginalisés au sein d’États diversifiées sur le plan ethnique, d’autre part. Au Canada, certains avancent que cette synthèse entre la théorie et la pratique a forcé l’État à revoir de façon draconienne les principes de ses relations avec les peuples autochtones ; alors qu’avant 1969, les politiques canadiennes relatives aux Indiens prônaient ouvertement l’assimilation, elles sont maintenant ancrées dans le vernaculaire de la reconnaissance mutuelle. »

« En réponse à cette version de l’approche fondée sur la reconnaissance, je soutiens qu’au lieu de conduire à une ère de coexistence pacifique fondée sur un idéal de reconnaissance réciproque et mutuelle, la politique de la reconnaissance telle qu’elle apparaît dans sa forme libérale actuelle reproduit inévitablement les configurations du pouvoir étatique colonialiste, raciste et patriarcal que les demandes des peuples autochtones en matière de reconnaissance essaient pourtant de transcender depuis des décennies. »

« Comme Hegel l’a fait bien avant lui, Taylor avance que les humains ne développent pas leur identité «isolément» ; ils sont plutôt «façonnés» par le «dialogue avec leurs pairs, qu’ils soient d’accord avec la reconnaissance qu’ils obtiennent des autres ou non». Mais parce que nos identités se forment grâce à ces rapports, elles peuvent également être déformées quand ces processus n’aboutissent pas. C’est précisément ce que Taylor veut dire lorsqu’il affirme que les identités sont formées non seulement par la reconnaissance, mais aussi par la «non-reconnaissance ou la reconnaissance erronée des autres. Les individus et les groupes peuvent subir de réels dommages, une véritable dénaturation, lorsque les gens ou la société autour d’eux leur renvoient une image réductrice, péjorative ou méprisante d’eux-mêmes. La non-reconnaissance et la reconnaissance erronée peuvent être la source de préjudice, une forme d’oppression, emprisonnant des individus dans un mode d’existence déformé, dégradé et faux». »

« Même s’il faut admettre que la dimension normative du projet de Taylor représente une amélioration par rapport aux «stratégies antérieures d’exclusion, de génocide et d’assimilation» qui ont été mises en place au Canada, je soutiens plus loin que la logique selon laquelle la reconnaissance est conçue comme quelque chose qui est accordé ou offert à un groupe ou une entité subalterne par un groupe ou une entité dominant, que cette logique donc est vouée à l’échec, car incapable de modifier, encore moins de transcender, l’ampleur du pouvoir qui est en jeu dans les relations coloniales. »

Texte 2 – Marie-Sophie Banville :

« D’autre part, ces démarches s’apparentent à un processus que l’auteure nishnaabeg Leanne Betasamosake
Simpson nomme Biskaabiiyang—retourner vers soi—, ou encore faire fondreune à une les couches de la colonisation déposées en soi pour laisser émerger une identité autochtone contemporaine. »

Texte 3 – COLLECTIF ISHPITENIMATAU TSHIKAUINU ASSI :

« Le régime canadien, discriminatoire et ségrégationniste, a blessé les Premiers Peuples et continue de le faire, au point où l’espoir que certains d’entre nous, de génération en génération, avaient d’arriver un jour à le réformer s’est évanoui. La nature même des institutions coloniales, leurs origines, leur nature et leurs efets nous en ont convaincus: au Canada, le régime constitutionnel destiné aux Premiers Peuples ne peut être réformé. »

« Ces « bons Indiens » existent désormais et dirigent certaines de nos communautés. Ils simulent la ressemblance avec la société dominante, croient en sa présumée supériorité, et perçoivent l’assimilation et la soumission à la culture coloniale, à ses institutions et à ses valeurs comme un progrès, une évolution. Un «bon Indien» est un Indien mort de l’intérieur, vidé de sa langue, de son esprit, de sa philosophie. Un «Indien simulé» est capable de réifier et donc de capitaliser Assi. Il est docile. Nous ne parlons pas avec mépris, mais dans un souci de vérité. Ces gens, nos frères et sœurs, sont aussi les victimes du régime et des structures qui les ont produits. »

« Le régime de la Couronne canadienne destiné aux Premiers Peuples est fondé sur une politique de l’efacement, dont le génocide et les diférents stratagèmes de déterritorialisation physique et culturelle illustrent les visées, soit l’éradication des Premiers Peuples et la prise d’Assi. »

« Si le régime constitutionnel ou l’apartheid canadien nous étrangle, les préjugés profondément enracinés au sein
des cultures canadienne et québécoise nous blessent. Si les conceptions de la terre et de l’humain au fondement des régimes coloniaux, tout comme le type de développement qu’elles engendrent, sont antinomiques avec notre conception de la vie, il demeure que nous avons peu de pouvoir sur ces réalités. Elles nous accablent, nous afament, nous attristent et nous rendent misérables. »

« Le Canada, le Québec, ou le «Nouveau Monde», s’est constitué aux dépens de nos peuples, par leur efacement
et leur marginalisation. Les institutions coloniales nous ont forcés à renoncer à nos propres récits, à notre culture, à abandonner le cœur de nos identités. On nous parle aujourd’hui de réconciliation et on nous demande de parler de nos cultures, de raconter nos histoires. Ces histoires sont enfouies, cachées, et le trésor de nos mémoires culturelles est enseveli sous les mémoires traumatiques et des montagnes de soufrance. Si notre condition actuelle est une production et le fruit de 500 ans de colonialisme, nous avons besoin d’en faire le récit pour comprendre notre condition humaine aujourd’hui. »

« L’autodétermination, ou notre capacité à propulser et à diriger notre propre canot, ne peut être soutenue par l’État qui l’étoufe. Elle ne peut être opérationnalisée que par nous-mêmes. Le problème de l’autodétermination des Premiers Peuples n’est plus lié à sa reconnaissance par les États coloniaux, mais à sa définition par les Premiers Peuples euxmêmes dans leurs langues et en fonction de leurs besoins véritables. »

Texte 4 – Josephine Bacon :

« Le désordre, chez les Premières Nations, a vraiment commencé avec la sédentarisation. Afin de prendre possession de la terre sur laquelle nous vivions en nomades et de l’exploiter, le gouvernement a nelevé les enfants à leurs familles et, ce faisant, a affaibli le nomadisme. La création des réserves et des pensionnats indiens a obligé les parents à se sédentariser. Les chasseurs ne rejoignaient plus leur territoire que jusqu’en décembre, puis ils redescendaient, mais sans leurs femmes et leurs enfants comme ¸a se passait dans le temps. Les mères attendaient sur la côte le retour de leurs enfants. Les multinationales s’installaient insidieusement dans le Nutshimit de moins en moins fréquenté à la suite du traumatisme de la séparation forcée. Quand ils ont construit les pensionnats pour que nous apprenions à lire et à écrire, ils ont tué le nomadisme, ce qui en retour a tué le territoire, parce que la région a vu venir des gens qui cherchaient des limites. Ces gens ont creusé la terre. Ils ont gaspillé et blessé toute cette terre qui était notre survivance. Il faut aller loin, loin, loin pour retrouver un territoire qui nous soigne. Les pensionnats avaient pour but de «tuer l’Indien dans l’enfant», comme c’est encore écrit dans la Loi sur les Indiens.

De l’âge de 5 ans jusqu’à mes 19 ans, au pensionnat indien près de Mani-Utenam, j’ai appris les outils qui me permettent aujourd’hui d’exprimer ce qu’on a voulu faire taire en nous. Tout en voulant m’acculturer, on m’a donné les armes pour défendre ma culture. C’est le paradoxe de la sédentarisation. J’entendais souvent les gens dire : «D’ici 50 ans, il n’y aura plus d’Indiens.» Le temps a passé et pourtant, nous n’avons jamais été aussi présents qu’aujourd’hui dans les sphères culturelle, sociale et politique. »

« Mon engagement est celui d’une force tranquille. J’essaie de voir le bon côté en toute chose, ce qui me fait prendre l’art à contrepied. Tandis que l’on parle beaucoup d’appropriation culturelle, je suis plutôt quelqu’un qui crée des complicités culturelles. Il est impossible de vivre chacun de son côté aujourd’hui. Il ne faut pas non plus aller dans le sens du ghetto dans lequel on a voulu nous enfermer. Si la relation est basée sur l’égalité, l,échange, la curiosité et le respect de l’autre, l’harmonie apparait. Je crois au pouvoir du dialogue et de la co-naissance. Il nous faut créer un nouvel ordre porté par des créations communes. »

Donc, les peuples autochtones sont victimes d’une importante d’oppression et ségrégation raciale. Alors que les institutions politiques inscrivent des règlements pour affirmer leur identité et leur présence, ce n’est découvert qu’à être un mensonge et une forme caché de colonialisme et de domination. Cela détruit leur histoire, leur culture, leur croyances, leurs philosophies. Ils ne veulent que vivre sous le respect et la reconnaissance.


Partie 2 : Effacement et non-respect des cultures autochtones

Texte 1 :

« Quand le Blanc a eu l’idée d’exploiter et de détruire l’ensemble de notre territoire, il est tout simplement venu nous rejoindre. Après être arrivé chez nous, il nous a pris pour nous enseigner sa façon de vivre à lui, il nous a donné toutes les choses de sa culture et il nous a fourni tous les services des Blancs : maisons, école, dispensaire. Si le Blanc nous a enseigné sa culture et s’il nous a donné toutes sortes de choses – comme la petite somme d’argent qu’il remet une fois par mois à chaque famille indienne, les maisons et les différents services qu’il nous fournit – c’est qu’il a voulu faire en sorte que nous, les Indiens, demeurions au même endroit pour ne pas le déranger pendant que lui exploite et détruit notre territoire. Du même coup, le Blanc a voulu tuer notre culture indienne en même temps que notre langue indienne. « 

« Si vous acceptez que je leur donne une éducation de Blancs, ce sera le commencement de la fin de votre culture indienne. C’est ce qui fera que vous abandonnerez graduellement votre culture. « 

« Le Blanc n’a pas parlé de cela à l’Indien. Ce qu’il ne lui a pas dit, c’est qu’il voulait tuer notre culture à notre insu, il voulait tuer notre langue à notre insu et il nous volait notre territoire.  « 

« Mais nous en avons assez d’être, depuis des années, gouvernés par les Blancs. Nous en avons assez d’être depuis des années, malmenés par eux et nous en avons assez de les voir, depuis des années, nous manquer de respect. »

« Si le Blanc avait gardé sa culture pour lui-même, nous aussi nous aurions gardé la nôtre et aujourd’hui il n’y aurait pas tant de conflits entre Blancs et Indiens. »

« Les gens éduqués cherchent à dissocier les Canadiens français des Autochtones en attribuant toutes les vertus aux premiers et tous les vices aux seconds. Les Autochtones sont tantôt infantilisés (on les appelle « les enfants des bois ») et en mal de civilisation, tantôt décrits comme des barbares bloquant le chemin au progrès. Ces images demeureront bien vivantes dans les manuels scolaires jusque dans les années 1960 et 1970. »

« D’autre part, les historiens tendent à évacuer autant que possible les Premiers Peuples de l’histoire nationale. Aussi tard qu’en 1950, Lionel Groulx légitime la conquête de l’Amérique en évoquant un territoire quasi désert à l’arrivée des Européen. »

Les conséquences de l’assimilation. L’effacement des cultures autochtones pour la culture blanche.

Selon le commentaire de Chloé Launcher :

« Comme quoi le rapport dominant-dominé n’a ni frontière, ni époque. Lorsque l’Homme peut utiliser une supériorité sur un rapport de force, il ne se pose pas de question et se permet tout ce qui lui est possible pour arriver à ses fins. Les colons ont envahi l’Amérique et déraciné les peuples autochtones pour leur intérêt propre et sans se soucier de l’empreinte qui en résulterait et cette empreinte, ce sont surtout des victimes. Les Autochtones ont subit et subissent encore, dans une moindre mesure, l’arrivée des colons d’Europe. Privés par la force de leurs modes de vie, évangélisés par une Eglise qu’ils ne connaissent pas et réquisitionnés de leurs terres, encore aujourd’hui pour enrichir «l’étranger». »

Selon le commentaire de Marianne Dépelteau :

« C’est fascinant, mais aussi complètement tordu que l’histoire puisse être modifiée pour donner une meilleure image d’un peuple. Les Blancs ont su dissimuler la réalité et la cacher à ses futures générations. D’après moi, il est impossible de parler de réconciliation quand on ne connaît pas l’histoire réelle et quand on ne laisse pas les peuples autochtones, dominés, raconter leur version et leur réalité. On ne peut pas se réconcilier avec un peuple qu’on ne respecte toujours pas. »

Texte 2 : Jim Harrison

« J’ai récemment demandé à un ami indien dans quelle mesure il se désespérait de nous voir incapables d’apprendre la moindre chose sur son peuple, aussi simple soit-elle. Il m’a répondu qu’il n’était pas désespéré parce que le fait d’accepter la responsabilité des torts commis est une idée religieuse et qu’il n’avait pas remarqué de religion « en activité » dans la culture moderne. Il a ajouté que, sans cet élément de bonne volonté, tous les problèmes devaient être traités d’un point de vue légal, parce que c’était là le seul langage efficace pour le changement social. Quelle tristesse… Aucune justice n’est possible sans avocats. »

« À aucun moment de notre histoire, le fossé entre la perception du public et la réalité n’a été aussi grand. L’histoire des peuples indiens est encore souvent enseignée comme si tous ces gens étaient morts. »

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