Sabrina Spellman dans « Les Nouvelles Aventures de Sabrina » et Hermione Granger dans « Harry Potter ».

Dès son plus jeune âge, l’enfant est confronté au personnage de la sorcière. En effet, lorsque je savais à peine parler, mes parents me lisaient déjà des contes de fée où la sorcière est démonisée – je suis certaine que vous avez vous-mêmes vécu cela, ou que vos enfants, sœurs, mère ou cousines l’ont vécu à votre place, car, dans notre société moderne, il s’agit en quelque sorte d’un rite de passage. Pensez-y un instant : connaissez-vous quelqu’un qui n’a jamais visionné de films Disney? Moi non plus! Il s’agit d’une partie importante de la culture populaire, et sans dire que tout le monde apprécie ces films, il va de soit d’en avoir regardé au moins un ou deux. Or, il est juste d’affirmer que tous et chacun sont familiers avec le personnage de la sorcière. Partant de cette idée, je me suis questionnée sur le rôle et la représentation de la sorcière sur nos écrans. Disney la représente d’une certaine manière, certes, mais comment son personnage a-t-il évolué jusqu’au féminisme au fil des années, et comment la perçoit-on dans le divertissement d’aujourd’hui? Afin de répondre à ces questions, j’aborderai l’histoire des sorcières et j’étudierai plus en détail les personnages fictifs de Sabrina Spellman et Hermione Granger.

Les sorcières de l’Antiquité à aujourd’hui

D’abord, il est important de dresser un portrait historique de la sorcière afin de cerner son évolution par rapport au féminisme. Pour ma part, la sorcière occupe une très grande place dans ma vie. Effectivement, je suis une personne assez rêveuse et ce que j’adore plus que tout, c’est la fiction. Je passe donc la plupart de mon temps à visionner des séries et des films, ainsi qu’à lire des livres. Il s’agit d’une manière pour moi de m’échapper dans un monde fantastique et différent du mien. Par conséquent, la sorcière occupe une grande place dans mon imaginaire, et ce, depuis que je suis toute petite (comme je l’ai déjà mentionné plus haut). J’ai toujours été fascinée par l’idée d’avoir des pouvoirs magiques et de pouvoir jeter des sorts, que ce soit par le biais d’une baguette magique ou à l’aide d’incantations et de sacrifices. Je voudrais pouvoir être une sorcière moi-même, et étant une fanatique de Harry Potter, je rêve souvent d’aller à Poudlard. Toutefois, lorsque j’ai appris que l’histoire des sorcières remontait à il y a des siècles, j’étais choquée. Pourtant, mes sorcières préférées ne correspondent pas à l’image que l’on se faisait de la sorcière à l’époque. En effet, je dirais même qu’il existe une vision « traditionnelle » ainsi qu’une vision « moderne » de la sorcière. D’un côté, je la perçois comme une femme spéciale et talentueuse dotée d’un don exceptionnel (la magie). Elle n’est ni méchante, ni gentille : elle est une femme dite normale, et la seule différence qu’elle possède par rapport aux autres est sa capacité magique. Autrement dit, telle que Hermione Granger ou Sabrina Spellman, il s’agit d’une femme ordinaire qui peut faire des choses extraordinaires. D’un autre côté, je la perçois comme elle est représentée dans les films et contes pour enfants, c’est-à-dire l’antagoniste qui est associée au Mal et qui ne possède aucune qualité. Elle est aussi habituellement vieille et laide. Ses potions ne sont formées que d’animaux morts et de sang : elle est écrite pour être détestée de tous.

Magicienne est Circé, tout comme Médée aussi est magicienne. Et pourtant, doublement sœurs, elles n’en sont pas moins deux images opposées de la femme.

Histoire de la sorcellerie de Colette Arnould
Les sorcières du Moyen Âge.

Dès l’Antiquité, on attribue une personnalité dualiste et une capacité innée d’être méchante à la femme. Encore aujourd’hui, les hommes se font un grand plaisir d’attribuer des stéréotypes et préjugés au genre féminin. Il est possible d’expliquer cette réalité par le fait que l’homme a peur de la femme puissante, de la femme qui a un droit de parole et qui est égale à lui dans tous les sens du terme. Effectivement, les hommes accusent les femmes d’être des sorcières lorsqu’elles ne sont pas dociles et de bonnes épouses. Il s’agit donc tout simplement d’un moyen d’oppresser la femme encore plus et de la démoniser : « la chasse aux sorcières fut une guerre contre les femmes : c’était une tentative concertée pour les avilir, les diaboliser et pour détruire leur pouvoir social. En même temps, c’était dans les chambres de torture et sur les bûchers sur lesquels les sorcières périssaient que les idéaux bourgeois de la féminité et de la domesticité furent forgés. » (Silvia Federici) Aujourd’hui, on transforme cette démonisation en pouvoir. La femme est forte et non-soumise, et on le crie haut et fort. Au Moyen Âge plus précisément, on ne se fie uniquement que sur ce que nos sens nous disent. Autrement dit, ce qu’il est possible d’observer avec nos yeux. Par exemple, lorsqu’on voit une femme un peu louche qui ne correspond pas aux critères de la société, on l’étiquette en tant que sorcière, et ce, sans même se poser plus de questions. On se fie uniquement à nos perceptions qui, comme il s’agit du cas de la Terre plate, peuvent être erronées. Les superstitions concernant les sorcières ne sont aucunement et n’ont jamais été fondées ou prouvées. En effet, l’idée même que la femme puisse être autant belle et gentille que laide et méchante est une contradiction, qui elle cause un paradoxe, car ces deux manières de penser ne peuvent exister simultanément. Notamment, aujourd’hui, dire qu’une femme est une sorcière serait considéré comme étant un paradoxe à cause de la vision féministe prédominante de la société. Il s’agissait du contraire à l’époque où l’Inquisition a condamné des hommes, des femmes (80 %) et des enfants au bûcher. On se méfiait de tout, incluant les femmes, car, si elles ne sont pas totalement soumises, elles doivent obligatoirement être de mèche avec le Diable, n’est-ce pas?

Les sorcières dans le divertissement

Dès le XVIIe siècle, les sorcières étaient accusées de conspirer à la destruction des pouvoirs génératifs humains et animaux, de pratiquer des avortements et d’appartenir à une secte infanticide qui tuait les enfants et les offrait au diable. Dans l’imaginaire populaire aussi, la sorcière fut associée à une femme âgée et lubrique, hostile à la vie nouvelle, qui se nourrissait de chair d’enfants ou utilisait leurs corps pour en faire des potions magiques, un stéréotype plus tard popularisé par les livres pour enfants.

Caliban et la sorcière de Silvia Federici

Ensuite, afin de mieux comprendre la transformation de la figure de la sorcière aux yeux de tous, il est important d’analyser des représentations populaires de celle-ci dans le divertissement. Il est à noter qu’il y a eu banalisation de la sorcière, comme s’il n’y avait pas de continuité entre l’utilisation de cette image et les horreurs de l’Inquisition. Elle commence à prendre une toute autre forme à partir des années 1970, justement car la réappropriation de la figure de la sorcière coïncide avec les mouvements féministes. Dans le cas des films Disney, il est possible d’observer la sorcière sous ses deux visages. Dans Blanche-Neige, la Reine est belle jusqu’à ce que l’on apprenne sa réelle identité. En tant que sorcière, elle est vieille, laide et courbée. Cette image correspond à la manière dont les femmes étaient perçues à l’époque. On parlera donc ici d’une représentation traditionnelle de la sorcière, d’une image qui ne fait qu’encourager la vision dégradante de la femme. Toutefois, Elsa, par exemple, est belle, puissante et peut faire de la magie. Elle n’a même pas de prince pour la sauver! Elle fait tout elle-même. Cette version correspond à la représentation moderne de la sorcière. Elle se réapproprie le concept de la sorcière qui visait à démoniser la femme et à la soumettre à l’homme. Il s’agit d’une extension du mouvement féministe. Sur la même ligne d’idées, Sabrina Spellman et Hermione Granger correspondent toutes les deux à la sorcière moderne. En effet, Hermione fait partie des personnages principaux de son œuvre, est une héroïne et se bat contre les forces du mal. Elle est également indépendante et une réelle icône féministe. Sans elle, Ron et Harry n’auraient certainement pas réussi à vaincre Voldemort et seraient peut-être même morts. Elle est le cerveau du groupe – elle est rationnelle, logique et courageuse. Elle est également égale à ses partenaires masculins et n’est pas définie par une relation romantique. Les rôles hétéronormatifs sont inversés : Ron est plutôt la demoiselle en détresse, et elle est le chevalier. Sa magie ne nécessite pas de sacrifice ou d’animaux morts ; à vrai dire, elle n’est pas noire du tout. L’idée de la sorcière qui a persisté pendant des siècles est donc chamboulée. Elle reprend possession du terme « sorcière » et se l’approprie. Auparavant, on se le rappelle, la sorcière était considérée comme possédée et démoniaque. Hermione crée un réel retour du balancier. Elle représente la vision que les femmes ont de la sorcière, à l’inverse de celle du patriarcat. Les femmes peuvent être puissantes sans être méchantes.

Hermione au Yule Ball, Quatrième année.

« « Nous le faisons! » dit Hermione. Elle s’était assise droite, les yeux brillants. « Nous protestons! Et je suis autant chassée que n’importe quel gobelin ou elfe, Griphook! Je suis une Sang-de-Bourbe! »

« Ne t’appelle pas – » marmonna Ron.

« Pourquoi pas? » dit Hermione. « Sang-de-Bourbe, et fière de l’être! » »

– Harry Potter et les Reliques de la mort

Toutefois, certains éléments du personnage de Hermione peuvent aussi être associés à la sorcière traditionnelle, comme quoi cette version existe toujours. Effectivement, elle est née de parents moldus (sans pouvoirs). Elle est donc discriminée dans le monde des sorciers. Elle est également décrite comme étant d’une beauté assez ordinaire et n’est pas populaire du côté des garçons. Elle ne met pas de maquillage et a même du mal à se coiffer tant ses cheveux sont épais. Or, un lien pourrait alors être fait ici entre la modernité de son personnage et la vision traditionnelle de la sorcière. Bien qu’elle soit héroïque, intelligente et féministe, Hermione est également perçue comme quelque chose de mauvais dans la société (après tout, le but premier de Voldemort était de se débarrasser des Sang-de-Bourbes comme elle. Ils étaient violemment tués), comme les sorcières l’étaient à l’époque. Sa beauté ordinaire pourrait aussi être comparée à la laideur des sorcières traditionnelles. Son univers possède aussi l’élément traditionnel du vol sur balai. Il donc possible de remarquer que certains éléments du passé sont tout de même conservés à travers son personnage. Sabrina, elle, est un parfait mélange entre une sorcière traditionnelle et une sorcière moderne. Contrairement à l’idée au préalable disant que la sorcière est laide, Sabrina est belle et populaire auprès des garçons. Elle est immortelle, et ne deviendra par conséquent que vieille et laide après des centaines d’années. Elle est également féministe et n’a pas peur de dire son opinion haut et fort. Les autres ont plus besoin d’elle qu’elle a besoin des autres. Toutefois, comme Hermione, Sabrina n’est pas de sang pur. Elle est donc aussi persécutée et discriminée par sa communauté, ce qui est est une caractéristique de la sorcière traditionnelle. Elle doit montrer à tous qu’elle a sa place. De plus, son univers correspond comme deux gouttes d’eau aux superstitions des sorcières de l’époque. En effet, Sabrina est elle-même la fille de Satan, et elle fait partie d’un couvent qui ressemble en quelque sorte à un culte. Ils se rassemblent dans la forêt et prononcent des incantations en latin. De plus, Sabrina possède un chat noir du nom de Salem. Cet élément correspond donc exactement à l’idée traditionnelle de la sorcière. Dans l’émission, les sorcières sont illustrées comme des personnes manquant de boussole morale et quelque peu égoïstes. Ces traits de leur personnalité correspond également à la manière dont on faisait le portrait des sorcières à l’époque, car elles sont un peu méchantes. Pour Hermione comme pour Sabrina, l’idée que les sorcières se cachent des mortels est présente.

Les Nouvelles Aventures de Sabrina, saison 3.

En conclusion, la société se doit de s’inspirer des figures féministes présentes sur nos écrans afin de se réformer. Le pouvoir qu’inspire Sabrina et Hermione se doit d’être réclamé par toutes les femmes à travers le monde. Il est fascinant que la sorcières se soit transformées en puissances féminines et icônes féministes alors qu’elles étaient détestées au point d’être brûlées auparavant. C’est fou comme la chance a tourné!

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TAYLOR SWIFT – mad woman

« And women like hunting witches too, doing your dirtiest work for you. »

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