LA SIGNIFICATION DES FAITS CHANGE AVEC LE POINT DE VUE ADOPTÉ: La difficulté de lire l’actualité sociale, politique, éthique et culturelle vient du fait que nos sentiments et nos comportements sont déterminés par une tradition prise pour acquis, comme naturelle. La signification des faits change donc avec le point de vue adopté. Nos jugements sur la réalité sociale sont indissociables du désir qui motive nos façons d’interpréter et d’évaluer les faits.
« Distinction entre le privé et le public »: Les actes humains ont des conséquences sur les autres. La perception de ces conséquences mène à un effort pour contrôler l’action de sorte que certaines conséquences soient assurées et d’autres, évitées. Les conséquences sont alors de deux sortes; celles affectant les personnes directement engagées dans une transaction, et celles affectant les personnes non concernées (distinction privé/public). Quand des conséquences indirectes sont reconnues et qu’il y a un effort pour les réglementer, quelque chose ressemblant un État commence à exister. Quand les conséquences d’une action sont confinées aux personnes directement engagées, la transaction est privée.
Cette distinction n’est pas équivalente à la distinction entre l’individuel et le social puisque de nombreux actes privés sont sociaux; leurs conséquences contribuent au bien-être de la communauté ou affectent son statut. Toute transaction menée de manière délibéré est d’une qualité sociale, elle est une forme du comportement en association et ses conséquences peuvent influencer des associations ultérieures.
Pour comprendre la nature et les fonctions de l’État, il faut comprendre ces distinctions. Le mot «privé» est défini par opposition avec «fonctionnaire», une personne privée étant une personne dépourvue de position publique. Le public est ceux qui sont tellement affectés par les conséquences de transactions qu’il est jugé nécessaire de veiller à ces conséquences. Les fonctionnaires sont ceux qui surveillent et prennent soin des intérêts ainsi affectés.
LES CAUSES DE L’APATHIE POLITIQUE SELON DEWEY:
L’apathie politique trouve sa source 1) dans le décalage entre les pratiques actuelles et la politique traditionnelle, 2) le fait que l’ampleur des activités sociales nous rend sceptique à l’égard de l’action politique et 3) que notre désengagement est relatif à la nécessité de recourir aux experts que ce soit en économie, en éducation, en santé ou face au développement technologique. Le public est donc trop diffus et nous n’arrivons pas à nous recomposer en un tout intégré. Il y aurait trop de publics, certains capables de réactions intenses, d’autres aux réactions plus confuses et au final apathiques.
« L’aptitude à évaluer »: L’apathie politique, qui est un produit du décalage entre les pratiques actuelles et la structure politique traditionnelle, provient de l’inaptitude des gens à s’identifier avec des questions à l’ordre du jour précises, difficiles à trouver et à localiser. La confusion venant de l’ampleur et des ramifications des activités sociales rend les hommes sceptiques à l’égard de l’efficacité de l’action politique. Les hommes sont pris dans un flot de forces trop vastes pour qu’ils les comprennent. La pensée est immobilisée et l’action, paralysée. Les ramifications des questions portées à la connaissance du public sont si grandes et si embrouillées, les problèmes techniques impliqués sont si spécialisés, les détails sont si nombreux et si changeants que le public ne peut s’identifier lui-même. C’est qu’il y a trop de public, un public trop diffus, trop éparpillé et trop embrouillé dans sa composition. Et il y a de trop nombreux publics, car les actions conjointes qui sont suivies de conséquences indirectes, graves et persistantes, sont innombrables; et chacune d’elles croise les autres et engendre son propre groupe de personnes particulièrement affectées, tandis que presque rien ne maintient ensemble ces différents publics dans un tout intégré.
Apathie: Indifférence de quelqu’un poussée jusqu’à l’insensibilité complète ; nonchalance, inertie. Lenteur à agir ou à réagir, passivité…
Hégémonie: Dominance ou supériorité d’un empire ou d’un état.
Résistance politique: Résistance à un représentant de la loi ou de l’état.
- Formulez une première question montrant que votre enquête sur le thème du Hip Hop est d’intérêt public. Quelles inégalités ou enjeux sociaux sont à la source du désir de résistance et de changement véhiculé par la culture du Hip Hop?
ÉMERGENCE DU HIP HOP ET MONTRÉALITÉ: L’émergence du Hip Hop dans le South Bronx: résistance politique en lien avec les pouvoirs, tensions structurant ce phénomène culturel devenu mondial. L’une de ces tensions est celle du rapport entre le libéralisme et le communautarisme. Cette tension est si forte qu’elle participe de l’essence de la culture Hip Hop.
- Qu’est-ce que la Montréalité selon vous? La montréalité c’est une représentation identitaire; elle est l’idée partagée d’une sorte de personnalité de Montréal. Cette image est véhiculée par divers acteurs urbains et par différents médias, et elle est reconnaissable par ses habitants et est investie dans le paysage de Montréal. C’est une identité urbaine qui rassemblent les habitants, leur donne un sens d’appartenance à leur environnement, à leur communauté.
- Quelle est la fonction du Corner? Fonction sociale, de rassemblement. Communiquer des réalités partagées, des inégalités auxquelles ils font face. C’est l’endroit où tout se passe, les combats, la vente de drogue, la rencontre de nouveaux membres…
- Sait-on que les rappeurs qui font de la prison ne peuvent pas utiliser le Rap comme moyen de réintégration sociale et communautaire ni même comme travail? Après avoir passé des années en prison, plusieurs street rappeurs se voient interdits de pratiquer librement leur art. Les autorités carcérales considèrent leurs textes comme une glorification du mode de vie délinquant. Elles croient que cette pratique fait l’apologie d’un style de vie criminel. Mais les artistes estiment plutôt que cette mesure brime leur liberté d’expression et les empêche de s’accomplir professionnellement.« C’est une forme de castration chimique parce que c’est ma passion. M’enlever mon art, c’est l’équivalent de me déshumaniser. Surtout qu’en ce moment, mes écrits sont positifs. C’est sûr qu’il y a des tracks dures, parce que c’est la vie que j’ai vécue. Mais en aucun cas le fait que je chante n’est un danger pour la société. Je n’incite pas à la violence. » James Célestin, alias Frékent. Personnellement, je trouve cela complètement non justifié. Le rap ne prône pas le crime, au contraire, il parle et dénonce les inégalités des communautés qui font partie de cette culture. Ce n’est pas un crime de s’exprimer et de vouloir transmettre son récit et son message d’espoir au public.
- Cela dit, vouloir faire du Rap comme on pratique un travail, n’est-ce pas une contradiction? Il faut lire ce que Connaisseur Ticaso a à dire à ce sujet. Je trouve personnellement qu’être rappeur devrait être considéré comme n’importe quel autre métier. « Je travaillais pour le paycheck, c’est tout. Travailler tous les jours juste pour gagner de l’argent, c’est différent que de travailler dans un job que t’aimes vraiment. Tout d’un coup, être payé pour faire du rap, ça devenait pas mal plus attirant ». « Ce que je raconte [dans mes textes], c’est mon histoire, résume Ticaso. Et ceux qui disent que c’est de la glorification d’un style de vie, c’est qu’ils ne viennent pas du milieu, et je me fous de leur opinion. Entre nous, on se comprend, et on ne se laisse pas abattre : ce qui nous arrive de bon, on le célèbre — mon ami sort enfin de prison, je suis content ; on est fiers qu’il ait survécu à ça, mais ce n’est pas glorifier le crime ! «
LE LIBÉRALISME ET SA CRITIQUE DU COMMUNAUTARISME:
Caractéristiques du libéralisme:
- Le libéralisme affirme la primauté des droits de la personne sur le Droit de la Nation ou de l’État.
- Il implique des réglementations ayant pour objectif de protéger les libertés individuelles.
- L’État et le droit ont pour fonction d’assurer l’indépendance des personne devant l’emporter sur la majorité.
- La réussite de la vie de l’individu relève du domaine privé.
- C’est la neutralité de l’espace public.
Le point de vue du libéralisme suggère que le communautarisme risque de faire éclater l’État en communautés séparées sans règles communes.
Deux problèmes fondamentaux ont donné naissance à la pensée libérale. Le premier étant de fixer des limites morales au pouvoir des gouvernements. Les penseurs libéraux ont soutenu que l’on doit interdire un certain nombre de choses aux gouvernements. Le problème n’est pas seulement qu’il y ait des règles de conduite que doivent respecter les gouvernants s’ils souhaitent rester au pouvoir. Il existe également un bien commun que le gouvernement devra reconnaître et promouvoir. Le second problème vient du fait que les êtres raisonnables tendent à diverger quant à la définition de la vie bonne. Le fait d’être raisonnable, c’est-à-dire de penser et de converser de bonne foi et en faisant appel aux capacités générales de la raison, a cessé d’être considéré comme une garantie d’unanimité.
Pour résoudre ces deux problèmes, les libéralistes ont cherché à circonscrire le rôle de l’État au moyen d’une conception morale minimale. Il faut concevoir des principes politiques qui expriment une certaine idée du bien commun. Ce doit être une conception à laquelle puissent adhérer le plus d’individus possible. (conception morale « minimale »: sert de base commune)
Notion de neutralité : les principes politiques doivent être « neutres» à l’égard des notions controversées du bien. Problèmes: Ce terme peut suggérer à tort que le libéralisme n’est pas une conception morale, qu’il est « neutre à l’égard de la morale». En réalité, il cherche plutôt une neutralité à l’égard des différentes conceptions controversées de la vie bonne. L’État libéral doit toujours agir en fonction d’une morale élémentaire ou commune, qui est plus susceptible de faire l’objet d’un accord raisonnable. La notion de neutralité peut elle-même avoir plusieurs sens. L’interprétation repose sur l’idée qu’il existe un dénominateur commun de la valeur : on peut alors considérer les différentes conceptions de la vie bonne comme autant de manières de rechercher une valeur commune. La manière « neutre» de régler les conflits entre ces conceptions consisterait à adopter la ligne de conduite qui produira globalement la plus grande quantité de valeur commune.
LE COMMUNAUTARISME ET SA CRITIQUE DU LIBÉRALISME:
Caractéristiques du communautarisme:
- Le communautarisme implique l’idée que ce sont les communautés qui permettent aux individus d’exister et de donner du sens à leur vie.
- Il considère le vivre ensemble comme une interaction dynamique par laquelle chacun a des choses à apporter aux autres.
- Le cadre juridique offert par l’État devrait garantir le vivre ensemble.
- Le communautarisme demande qu’on prenne en compte l’altérité sans imposer le conformisme.
Le problème de la critique communautarienne est qu’elle oppose au libéralisme deux arguments différents, et profondément contradictoires. Le premier s’attaque à la pratique libérale, le second vise la théorie libérale, mais ils ne peuvent être vrais en même temps.
Le premier argument affirme que la théorie politique libérale reflète fidèlement la pratique sociale libérale. Nous, libéraux, sommes libres de choisir, et nous avons le droit de choisir ; mais aucun critère, si ce n’est notre interprétation personnelle de nos propres désirs et intérêts, ne nous aide à guider nos choix. Nos choix manquent de ce fait de cohérence et de logique. Nous arrivons à peine à nous rappeler ce que nous avons fait la veille ; nous ne pouvons dire avec certitude ce que nous ferons demain. Nous ne pouvons pas correctement rendre compte de nous-mêmes. Vue sous l’angle de cette première critique communautarienne, la société libérale est la fragmentation mise en pratique; et la communauté est son contraire absolu, la patrie de la cohérence, des liens interpersonnels, et de la capacité narrative.
La seconde critique communautarienne du libéralisme soutient que la théorie libérale mésinterprète radicalement la vie réelle. Le monde n’est et ne saurait être ainsi. Ces hommes et ces femmes libérés de tout lien social, littéralement désengagés, seuls et uniques inventeurs de leur propre vie, dénués de critère ou de modèle commun qui les guident dans cette invention, ce sont des figures mythiques. En substance, la deuxième critique affirme que la structure profonde de la société libérale elle-même est en fait communautaire. La théorie libérale déforme cette réalité. Dans la mesure où nous adhérons à cette théorie, nous sommes dépossédés de tout accès aisé à notre propre expérience d’appartenance communautaire.
Les deux arguments critiques sont contradictoires entre eux: ils ne peuvent être vrais en même temps. Le séparatisme libéral doit soit représenter soit déformer les conditions de la vie de tous les jours.
L’OPPOSITION ENTRE LE LIBÉRALISME ET LE COMMUNAUTARISME MARQUE-T-ELLE UNE IMPASSE?:
Comment organiser la résistance politique nécessaire à la transformation des institutions, au changement des mentalités et des valeurs? Comment agir lorsque la répression est trop violente? L’art peut-il aider? Qu’est-ce qu’il y a dans l’art qui permet de contester le pouvoir? Que signifie l’émergence d’une manière de vivre et de créer aussi importante que le Hip Hop?