An Antane Kapesh Je suis une maudite sauvagesse
L’ARRIVÉE DU BLANC DANS NOTRE TERRITOIRE Quand le Blanc a voulu exploiter et détruire notre territoire, il n’a demandé de permission à personne, il n’a pas demandé aux Indiens s’ils étaient d’accord. Quand le Blanc a voulu exploiter et détruire notre territoire, il n’a fait signer aux Indiens aucun document disant qu’ils acceptaient qu’il exploite et qu’il détruise tout notre territoire afin que lui seul y gagne sa vie indéfiniment. Quand le blanc a voulu que les Indiens vivent comme des Blancs, il ne leur a pas demandé leur avis et il ne leur a rien fait signer disant qu’ils acceptaient de renoncer à leur culture pour le reste de leurs jours.
Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès
EFFACER LA PRÉSENCE AUTOCHTONE Si le Canada naissant menace les cultures autochtones, à plusieurs égards, les habitants francophones de la province de Québec vivent eux aussi difficilement la seconde moitié du 19e siècle. La situation est à ce point critique, que les élus et les membres du clergé craignent pour la survie du fait français et des valeurs qu’il véhicule. S’ensuit une volonté jusque-là inégalée d’occuper le territoire. Pour les peuples autochtones, le choc est brutal. Au fur et à mesure que s’affirme la volonté politique d’assurer la survie de la culture canadienne-française par la colonisation, c’est l’existence même de ces nations que l’on tend à effacer, d’abord des livres d’histoire, puis du territoire.
Quand le Blanc a eu l’idée d’exploiter et de détruire l’ensemble de notre territoire, il est tout simplement venu nous rejoindre. Après être arrivé chez nous, il nous a pris pour nous enseigner sa façon de vivre à lui, il nous a donné toutes les choses de sa culture et il nous a fourni tous les services des Blancs : maisons, école, dispensaire. Si le Blanc nous a enseigné sa culture et s’il nous a donné toutes sortes de choses – comme la petite somme d’argent qu’il remet une fois par mois à chaque famille indienne, les maisons et les différents services qu’il nous fournit – c’est qu’il a voulu faire en sorte que nous, les Indiens, demeurions au même endroit pour ne pas le déranger pendant que lui exploite et détruit notre territoire. Du même coup, le Blanc a voulu tuer notre culture indienne en même temps que notre langue indienne. Après être arrivé sur nos terres, en nous prenant pour nous enseigner son mode de vie à lui, le Blanc a pris du même coup nos enfants pour leur donner une éducation de Blancs, uniquement pour les gâcher et uniquement pour leur faire perdre leur culture et leur langue indiennes, comme il a fait à tous les Indiens d’Amérique.LE QUÉBEC COLONISATEUR
Devenus minoritaires à la suite de l’Acte d’Union de 1840, à la fin du 19e siècle, les francophones subissent une certaine marginalisation économique. Le manque de terres arables et les débouchés économiques qui s’amoindrissent dans les campagnes entraînent le départ de centaines de milliers de Canadiens français vers les villes ou la Nouvelle-Angleterre, déjà fortement industrialisée. En raison de cet exode urbain et des mutations sociales qu’il engendre, certains membres de l’élite craignent pour la survie de la « race canadienne-française », associée à un mode de vie agraire traditionnel. C’est dans le double objectif d’arrêter la « grande saignée » démographique vers les États-Unis et d’assurer la pérennité d’une culture française et catholique que le clergé demande au gouvernement de soutenir la colonisation. À partir de la deuxième moitié du 19e siècle, le retour à la terre ainsi prôné est perçu comme un ancrage pour la culture, la langue, la religion et les traditions canadiennes-françaises.
Quand il a voulu s’emparer ainsi de nous, le Blanc n’a pas convoqué une seule assemblée pour bien faire comprendre aux Indiens comment il songeait à les tromper. Nous n’avons jamais entendu le Blanc nous dire et nous n’avons jamais reçu de lettre dans laquelle il nous dit : Moi je suis Blanc et vous, vous êtes Indiens. Les terres où vous êtes, il est vrai qu’elles vous appartiennent à vous, les Indiens; je sais, ce ne sont pas mes terres à moi. Mais je vais vous dire quelque chose, je vais vous demander quelque chose, je vais vous faire une demande.  Le discours de survivance élaboré par les intellectuels de l’époque n’exclut pas complètement les Autochtones. Leur présence est utilisée pour justifier « la propriété territoriale et le développement envisagé de la nation canadienne-française ». Les gens éduqués cherchent à dissocier les Canadiens français des Autochtones en attribuant toutes les vertus aux premiers et tous les vices aux seconds. Les Autochtones sont tantôt infantilisés (on les appelle « les enfants des bois ») et en mal de civilisation, tantôt décrits comme des barbares bloquant le chemin au progrès. Ces images demeureront bien vivantes dans les manuels scolaires jusque dans les années 1960 et 1970. « Les missionnaires, même s’ils n’avaient peut-être pas compris que leur objectif d’évangélisation était de supprimer, de traiter les Inuits comme des enfants. Il s’agit donc d’un effet de… vous savez, l’une des premières choses consiste à nous traiter, comme si nous n’avions aucune connaissance. » Lisa Qiluqqi Koperqualuk, peuple inuit
Le Blanc ne nous a jamais dit : Vous les Indiens, êtes-vous d’accord que j’aille vous rejoindre dans votre territoire? Êtes-vous d’accord que j’exploite votre territoire? Êtes-vous d’accord que je détruise votre territoire? Êtes-vous d’accord que je construise des barrages sur vos rivières et que je pollue vos rivières et vos lacs? Avant que vous n’acceptiez ce que je vous demande, réfléchissez bien et essayez de bien comprendre. Il pourrait arriver que vous regrettiez dans l’avenir de m’avoir permis d’aller vous trouver chez vous, car si vous êtes d’accord que j’aille dans votre territoire, j’irai pour y ouvrir une mine. Une fois la mine ouverte, je devrai ensuite exploiter et ruiner toute l’étendue de votre pays. Et je barrerai toutes vos rivières et je salirai tous vos lacs. Qu’en pensez-vous? Aimeriez-vous boire de l’eau polluée?D’autre part, les historiens tendent à évacuer autant que possible les Premiers Peuples de l’histoire nationale. Aussi tard qu’en 1950, Lionel Groulx légitime la conquête de l’Amérique en évoquant un territoire quasi désert à l’arrivée des Européens : « [a]u Canada, on avait affaire à un pays aux espaces immenses, mais presque vides, peuplé de rares tribus indigènes, celles-ci capables tout au plus d’une insignifiante collaboration économique ». Tel est donc le regard projeté sur le passé au moment où l’on songe à occuper, développer et agrandir le territoire du Québec.  
Le Blanc n’a jamais parlé de cela aux Indiens. J’exploiterai votre territoire et je le détruirai. Aujourd’hui, vous voyez, il est encore très propre et, vous le savez, toutes les sortes d’animaux que vous avez, les animaux indiens, sont encore propres. Tous sont encore bon à manger. Plus tard, je gaspillerai et je salirai vos animaux, toutes les espèces d’animaux indiens. À l’avenir, votre territoire ne sera pas aussi propre que maintenant et vos animaux ne seront pas aussi propres que maintenant. Qu’en pensez-vous? Après que j’aurai gaspillé et sali vos animaux, est-ce que vous, les Indiens, aimerez les manger même s’ils ne sont pas propres? Par exemple, c’est dans des égouts que vous prendrez toutes les sortes de poissons que vous avez, si à l’avenir vous voulez les tuer pour votre nourriture.À la fin du siècle, les frontières mêmes du Québec changent, reflétant la volonté d’occuper et d’exploiter une région de plus en plus vaste. Le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue, jusqu’à la rivière Rupert, est intégré à la province de Québec en 1898, puis la partie nord, jusqu’aux rives des baies d’Hudson et d’Ungava, en 1912. En 1927, les limites territoriales du Québec – duquel on a amputé le Labrador au profit de Terre-Neuve – ressemblent désormais à celles que nous connaissons aujourd’hui. Les effets de la colonisation se font sentir aussi bien dans les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent, dont l’espace vital se rétrécit sans cesse, que dans celles du Moyen-Nord québécois, qui sont affectées par le développement considérable de l’industrie forestière.  
Jamais le Blanc n’a expliqué cela de cette façon aux Indiens. Pour ce qui est du chantier que j’ouvrirai sur vos terres, il n’y a que moi, qui suis Blanc, qui y gagnerai ma vie tant que je vivrai parce que le travail salarié fait partie de ma culture à moi, Blanc. Réfléchissez bien au travail salarié que je vais introduire dans votre territoire. Vous les Indiens, attention que je vous trompe et attention de vous tromper vous-mêmes. Le travail salarié qu’il y aura dans votre territoire, ce ne sera pas pour vous rendre heureux, gagner votre vie. Il pourrait peut-être arriver que sur le chantier le Blanc n’ait pas besoin de l’Indien, de celui qui n’a pas sa carte de compétence par exemple. Et vous, les Indiens, comment gagnerez-vous votre vie à l’avenir, pensez-vous?À partir du début du 20e siècle, le gouvernement joue un rôle actif dans le processus de colonisation, envisagé désormais comme une véritable stratégie de développement. Ce sera particulièrement vrai en Abitibi, comme en témoignent les plans Gordon et Vautrin mis en place en 1932 et en 1934 par les gouvernements successifs de Louis-Alexandre Taschereau et d’Adélard Godbout. Ce sont toutefois les religieux, soutenus par un épiscopat influent, qui auront le rôle central dans le développement des « nouvelles » régions à partir de 1840. Du recrutement dans les villages au sud de la province à l’appui logistique et moral nécessaire à l’établissement des colons au nord, ils ont été d’ardents défenseurs de l’entreprise coloniale, comme en témoignent leurs incessantes réclamations auprès du gouvernement.
Si vous me permettez d’exploiter votre territoire, je n’accepterai pas que vous me dérangiez après m’avoir donné vos terres pour mon usage. Vos animaux indiens – je le sais et vous, les Indiens, le savez aussi – toutes les sortes d’animaux vous appartiennent encore aujourd’hui. Mais si vous acceptez que j’exploite votre territoire, si on implante le travail salarié sur vos terres, je vous interdirai de tuer vos animaux. Je ne vous permettrai pas de vivre des animaux indiens. Quand le travail salarié sera implanté dans votre territoire, voici comment il servira au Blanc : il ira travailler chez vous quelques années seulement et quand il aura accumulé son argent, il retournera dans son pays. C’est de cette unique façon que nous utiliserons le travail salarié si vous acceptez que votre territoire soit détruit. Nous, les Blancs, serons nombreux à nous enrichir à même votre territoire et vous, les Indiens, serez toujours pauvres. Il se pourrait peut-être que vous vous rendiez compte que tout cela vous apporte encore plus de misères qu’aujourd’hui, alors que vous vivez encore selon votre propre culture et que vous avez votre façon à vous de gagner votre vie.Les missionnaires n’ont d’ailleurs pas attendu les grands mouvements de colonisation pour investir les régions plus isolées du Québec et aller à la rencontre des Autochtones. Avant les années 1830, ces incursions sont toutefois restées sporadiques, si bien qu’au milieu du 19e siècle, on ne trouve encore que peu d’adeptes du christianisme chez les peuples autochtones du Moyen-Nord québécois. Les choses vont toutefois changer rapidement avec l’envoi de prêtres en territoires anishnabe, atikamekw nehirowisiw, eeyou (cri) et innu, où ils séjournent désormais quelques mois par année durant la période estivale. Dans les campements d’été des différentes communautés, leurs efforts visent surtout à remplacer les pratiques et les croyances ancestrales, perçues comme diaboliques par les disciples du christianisme. Outre les services de nature religieuse, les missionnaires assurent également aux Autochtones un certain soutien matériel et offrent des soins médicaux. La persistance des rituels autochtones à l’extérieur de la période estivale indique cependant que tous ne se sont pas convertis avec la même ferveur ou que celle-ci n’implique pas nécessairement un renoncement aux croyances traditionnelles.  
Le Blanc n’a jamais parlé aux Indiens dans ces termes. Après que j’aurai instauré le travail salarié sur vos terres, vous ne devrez pas me déranger et je vous interdirai vos animaux. Voici tout ce que je pourrai faire pour vous, les Indiens : à chaque famille une fois pas mois, je donnerai un peu d’argent, je vous donnerai des maisons et je vous enseignerai ma culture. C’est ce que je ferai pour que vous, les Indiens, deveniez sédentaires. Qu’en pensez-vous? Aimerez-vous demeurer constamment au même endroit toute votre vie, pensez-vous ne jamais connaître l’ennui?  L’entreprise « civilisatrice » orchestrée par les missionnaires s’élève d’un cran avec l’ouverture des pensionnats indiens. S’inscrivant dans une logique de rivalité confessionnelle, les deux premiers établissements du Québec ouvrent leurs portes sur la même île à l’est de la baie James, à Fort George (aujourd’hui Chisasibi). Après que des missionnaires anglicans y aient élu domicile en 1891, des Oblats viennent les y rejoindre en 1922, inquiets de voir les Eeyou (Cris) se convertir au protestantisme plutôt qu’au catholicisme. Les Oblats sont les premiers à construire un pensionnat en 1931. L’année suivante, ils sont imités par les anglicans. La course interconfessionnelle à la conversion des Autochtones, qui a notamment mené à la multiplication des pensionnats dans l’Ouest canadien, ne se produira pas tout de suite au Québec. Il faudra encore une vingtaine d’années avant de voir la majorité d’entre eux ouvrir. Leurs effets sur les peuples autochtones n’en seront pas moins importants, comme il en sera fait mention plus loin dans ce chapitre.
L’argent et les maisons que je vous donnerai, de même que toutes les autres choses que je vous distribuerai sous la forme de mes services de Blancs, ma culture que je vous enseignerai, pensez-y bien. Attention que je vous trompe et attention de vous tromper vous-mêmes. C’est par l’argent et les maisons que je vous donnerai et toutes les autres choses que je vous distribuerai que vous vendrez votre territoire et votre culture. Aujourd’hui encore, je vous donne tout ce que vous me demandez mais plus tard, quand vous aurez fini de vendre votre culture et votre territoire, n’allez pas penser que je vous donnerai des choses comme je le fais à présent. Et vous, les Indiens, vous fonctionnerez comme fonctionnent les Blancs; que vous en soyez capables ou non, vous aussi, c’est comme cela que vous devrez fonctionner. Même si vous êtes Indiens, vous aussi vous débourserez de l’argent pour tout, comme les Blancs. Et si vous pensez vivre de vos animaux indiens, vous aussi vous paierez, comme les Blancs.UN TERRITOIRE EXPLOITÉ ET RÉGLEMENTÉ L’ouverture de nouveaux territoires à la colonisation pave aussi la voie à l’exploitation des ressources naturelles par l’entreprise privée, parfois même sur des terres réservées. À titre d’exemple, en 1914, le gouvernement accorde des droits de coupe à la compagnie Laurentides Co. sur la réserve de Wemotaci. L’exploitation forestière y débute en 1920 et bien que la compagnie ait promis une coupe sélective, elle n’honore pas cet engagement. Les travailleurs de la compagnie s’adonnent également au piégeage sur les terres de la réserve.  
Le Blanc ne nous a jamais parlé de cela de cette façon et ne nous en a rien expliqué. Après son arrivée ici, dans notre territoire, il nous a pris pour nous enseigner sa façon de vivre à lui et il a pris nos enfants pour leur donner une éducation de Blancs sans nous parler de rien et sans nous expliquer quoi que ce soit. Quand le Blanc a pris nos enfants pour les éduquer à sa manière, il ne nous a pas dit ceci : Vous, les Indiens, êtes-vous d’accord que je donne à vos enfants une éducation de Blancs dans l’unique but de détruire leur culture et leur langue? Réfléchissez bien à ce que je vais vous dire. Attention que je vous trompe et attention de vous tromper-vous-mêmes, car il pourrait arriver que dans l’avenir vous ayez des regrets à cause de vos enfants. Si vous acceptez que je leur donne une éducation de Blancs, ce sera le commencement de la fin de votre culture indienne. C’est ce qui fera que vous abandonnerez graduellement votre culture. Par exemple, bientôt on ne saura plus par vos noms de famille que vous êtes Indiens. Blancs et Indiens, nous porterons les mêmes noms. Quand vous chercherez vos noms indiens partout dans les livres, vous ne vous y trouverez jamais vous-mêmes. Viendra un temps où vous ne vous reconnaitrez plus entre vous. Peut-être que vos enfants auxquels je vais faire perdre leur culture indienne se mettront à sa recherche plus tard, mais ils ne la retrouveront jamais. Jamais ils ne retrouveront cette langue indienne qu’ils auront perdue.  Combinée à l’arrivée des colons, la présence de l’industrie forestière exerce donc une pression considérable sur le mode de vie semi-nomade des Autochtones. Le braconnage parfois massif pratiqué par les nouveaux arrivants réduit l’accès des Autochtones aux ressources essentielles à leur survie. La construction d’infrastructures telles que le chemin de fer modifie aussi considérablement le paysage des régions traversées. Selon le père Guinard, un missionnaire oblat en Haute-Mauricie au début du 20e siècle : « La construction du chemin de fer détruisit à peu près toute la forêt dans la région. Tout fut brûlé sur de grandes distances de chaque côté du chemin. Les terrassiers […] faisaient des feux çà et là pour cuire leur nourriture ou pour chasser les mouches. Ils ne surveillaient pas ces feux qui finissaient par courir dans la forêt. » Pour lui, « la perte fut considérable pour la province de Québec et pour les Indiens ». Au tournant du 20e siècle, le passage d’une industrie centrée sur le bois d’œuvre à la production de pâtes et papiers a également des impacts importants sur les modes de vie autochtones en raison des coupes forestières beaucoup plus importantes pratiquées. En plus de détruire les écosystèmes desquels dépend la survie des Autochtones, les coupes massives des compagnies forestières entraînent l’encombrement des rivières par la drave. Les billots de bois acheminés par flottage jusqu’aux usines compliquent les déplacements sur les voies d’eau, principales routes utilisées par les Autochtones. Cette pratique perdurera jusqu’en 1995 sur la rivière Saint-Maurice.
Le Blanc n’a pas parlé de cela à l’Indien. Ce qu’il ne lui a pas dit, c’est qu’il voulait tuer notre culture à notre insu, il voulait tuer notre langue à notre insu et il nous volait notre territoire.  Plus tard au 20e siècle, l’exploitation de gisements miniers aura également un impact, comme en témoignent la sédentarisation, puis le déplacement de la bande anishnabe de Long Point (Winneway) au Témiscamingue. La première loi concernant les mines adoptée en 1880 ancre d’ailleurs le régime minier du Québec dans le principe de « liberté de prospection minière » (free mining). Ce principe suppose une intervention minimale de l’État et donne préséance aux intérêts miniers sur tous les autres, y compris ceux des Autochtones.
De nos jours, c’est lui qui fait la loi dans notre territoire et à nous les Indiens, il fait suivre ses règlements, comme à des Blancs. Nous remercions le Blanc de ses lois et règlements mais ils ne nous sont d’aucune utilité parce que nous, qui sommes Indiens, ne comprenons rien à la loi des Blancs de toute façon. Que le Blanc garde ses lois et règlements et qu’ils lui servent à lui, parce que c’est de sa culture qu’il s’agit. Voici ce que je pense. Si, de nos jours, l’Indien faisait la loi que les Blancs doivent suivre, peut-être bien qu’ils n’y comprendraient rien et peut-être bien qu’ils ne pourraient pas s’y conformer. Aussi, en territoire indien, seul l’Indien était en droit de faire des lois et de les faire respecter des Blancs afin que les nouveaux venus sachent toute chose; qu’ils se tiennent tranquilles après être venus eux-mêmes trouver les Indiens dans leur territoire; qu’ils fassent attention de ne pas causer de blessures aux Indiens; qu’ils connaissent bien le maniement des armes à feu afin de ne pas tirer n’importe où; qu’ils ne s’amusent pas avec les animaux indiens de façon à ne pas gaspiller la nourriture de l’Indien qui provient des animaux indiens. Voilà la loi que l’Indien aurait demandé au Blanc de respecter après son arrivée en territoire indien.La construction de barrages sur les rivières et la création subséquente de réservoirs inondant de vastes territoires se fait aussi sans tenir compte des communautés autochtones y résidant. À titre d’exemple, la mise en eau du réservoir Gouin en 1918 par le gouvernement du Québec ne prend pas en considération le fait que 30 % de l’espace occupé par la nouvelle étendue d’eau inondera les territoires de chasse des Atikamekw Nehirowisiw d’Opitciwan (Obedjiwan). Elle ne tient pas compte non plus du village qui vient à peine d’être construit sur le site d’un ancien lieu de rassemblement. Les arpenteurs avaient pourtant rassuré les autorités gouvernementales en affirmant en 1917 que « les terrains qui se trouveraient inondés par l’établissement du réservoir projeté [avaient] peu de valeur soit pour le bois ou l’agriculture ». Les bouleversements majeurs entraînés par cette perte de territoire et la responsabilité des gouvernements fédéral et provincial à cet égard seront d’ailleurs reconnus par le Tribunal des revendications particulières en 2016. « Les Aînés racontaient là que l’eau là, est devenue brune comme du thé. Du thé ! Tellement que toute la faune, les castors, […] les arbres là… Y pagayaient à travers les arbres là, comme ça, là. Y voyaient que de l’eau, que de l’eau, des souches d’arbres, des presqu’îles, pis il fallait que… Y cherchaient un morceau de terre pas imbibée pour pouvoir débarquer, pour pouvoir manger, pour pouvoir dormir. Pis y pagayaient à travers les arbustes de même. » Lucie Basile, nation atikamekw nehirowisiw
Si le Blanc n’avait rien compris à ces lois et règlements indiens et s’il n’avait pu s’y conformer, il serait retourné d’où il était venu, là où il y a des lois et des règlements de Blancs. Si le Blanc n’avait pas compris la loi indienne et s’il avait été incapable de la respecter, il n’aurait pu, lui non plus, éviter d’être harcelé par les Indiens. Nous, par exemple, sommes vraiment harcelés par les Blancs parce qu’ils veulent à tout prix être les maîtres dans notre territoire. Mais nous en avons assez d’être, depuis des années, gouvernés par les Blancs. Nous en avons assez d’être depuis des années, malmenés par eux et nous en avons assez de les voir, depuis des années, nous manquer de respect.Le harnachement des rivières en vue de la construction de barrages et d’installations hydroélectriques a touché de nombreuses régions du Québec dès la première moitié du 20e siècle. Ce fut le cas notamment lors de la création du réservoir Baskatong (HautesLaurentides et Outaouais) en 1927, du réservoir Cabonga (Outaouais) en 1928-1929 et du réservoir Dozois (Abitibi-Témiscamingue) en 1949. À chaque fois, ces aménagements entraînent la perte de territoire, de ressources et de lieux significatifs pour les populations autochtones, la contamination de l’eau et les déménagements forcés. L’histoire se répétera à grande échelle, d’abord en territoire innu, au Saguenay–Lac-Saint-Jean (centrales sur la rivière Péribonka) et sur la Côte-Nord (projet Manic-Outardes) dans les années 1950 et 1960, puis en territoire eeyou (cri) dans les années 1970 (projet de la Baie James).
Si le Blanc est venu chez nous, c’est uniquement pour trouver un gagne-pain. Après l’avoir trouvé dans le territoire des Indiens, le Blanc aurait dû leur laisser la paix, il n’aurait pas dû se dire : « Quand je suis arrivé en territoire indien, les Indiens se gouvernaient eux-mêmes et se suffisaient à eux-mêmes. » C’est ce que le Blanc aurait pu remarquer quand il les a vus pour la première fois. Si le Blanc avait gardé sa culture pour lui-même, nous aussi nous aurions gardé la nôtre et aujourd’hui il n’y aurait pas tant de conflits entre Blancs et Indiens.D’autres lois et règlements participent à restreindre la liberté d’agir des Autochtones, notamment avec l’encadrement législatif d’activités traditionnelles telles que la chasse, la pêche et le piégeage. Dès 1858, l’Acte des pêcheries permet au gouvernement de céder les droits de pêche sur les rivières à saumon à des intérêts privés, notamment des clubs de pêche appartenant à de riches étrangers. Malgré leurs constantes protestations et la réaffirmation du fait qu’ils n’avaient jamais cédé leurs droits, du jour au lendemain, les Autochtones se retrouvent comme « des étrangers sur leurs propres rivières ». La Loi sur les clubs de chasse et de pêche de 1885 régularise le système des clubs privés. Ces clubs qui se multiplient rapidement détiennent désormais des monopoles sur l’usage faunique de certains territoires, sans considération pour l’usage traditionnel des peuples autochtones. Dans les années qui suivent, la législation québécoise encadre encore plus étroitement la chasse. Des quotas et des saisons de pratique sont établis. Certaines méthodes de chasse traditionnelles des Autochtones sont également interdites, ce qui sera contesté avec véhémence, mais sans grande écoute de la part des autorités. « Comment tu peux transmettre la dignité dans… quand t’es obligé de demander maintenant la permission pour tuer un orignal ! Je dirais même la permission de nourrir ses enfants. […] C’est ça, la réserve. » Richard Kistabish, nation anishnabe
Le Blanc a toujours pensé : « Il n’y a que moi d’intelligent. » Nous sommes au courant du fait que le Blanc va à l’université et qu’il possède un diplôme. L’Indien, que le système scolaire blanc classe en zéroième année, possède aussi un diplôme mais lui, il n’a jamais montré qu’il en possédait un et son diplôme ne lui a jamais servi. Quand il vivait encore sa vie à l’intérieur des terres, il se montrait à lui-même qu’il possédait un diplôme et il le faisait valoir. Quand le Blanc est venu le trouver dans son territoire, l’Indien a rangé son diplôme parce que, voyant le Blanc pour la première fois, il a pensé : « Il est probablement plus intelligent que moi. » Voilà pourquoi il a rangé son diplôme. Après la venue du Blanc, il s’est mis à l’observer à son insu pour voir comment il allait agir envers lui. Il voulait voir si le Blanc allait lui faire du tort et s’il allait lui manquer de respect dans son propre territoire. Après l’avoir observé quelques années, l’Indien sait, aujourd’hui, que le Blanc le croit inintelligent.Au moment de son entrée en vigueur, la réglementation concernant la chasse et la pêche n’est pas appliquée de manière trop rigoureuse. Les Autochtones qui chassent hors saison ou dans des endroits qui leur sont désormais interdits, comme les parcs provinciaux et les clubs privés nouvellement créés, ne reçoivent généralement que des avertissements. Cette attitude conciliante des agents du gouvernement change toutefois rapidement et l’application plus sévère des lois entraîne son lot de frustrations et d’humiliations. Les récits de conflits entre les Autochtones et les gardes-chasse sont d’ailleurs nombreux. S’il est permis de contourner certains règlements en cas d’extrême nécessité — ce qui doit par ailleurs avoir été autorisé par un agent des Indiens ou un missionnaire — , aucun commerce découlant de cette chasse « illégale » n’est toléré. Près d’un siècle plus tard, dans son récit autobiographique, Marcel Pititkwe de Wemotaci se souvient de gardes-chasses venus à la maison saisir toute la nourriture qui s’y trouvait et escorter son père jusqu’au poste de police. Celui-ci sera condamné à quelques mois de prison pour avoir échangé de la viande d’orignal contre de la farine, du lait et du sucre. Non seulement la famille avait-elle ainsi perdu ce qui devait assurer sa subsistance au cours de l’hiver à venir, mais aussi celui qui devait pourvoir à ses besoins.
Le Blanc n’a probablement jamais su que l’Indien possède un diplôme; lorsqu’il est allé le trouver dans son territoire, l’indien le lui a caché. Mais aujourd’hui il n’a pas honte de montrer au Blanc que lui aussi, en sa qualité d’Indien, possède un diplôme et il n’a pas honte de le faire valoir. L’Indien, lui, n’a pas de certificat à accrocher au mur attestant qu’il est diplômé : c’est dans sa tête que se trouve son diplôme.La création des réserves à castor par le gouvernement du Québec dans les années 1930 en raison d’une diminution inquiétante des animaux à fourrure semble témoigner d’une certaine ouverture face aux Autochtones, qui disposent désormais de droits exclusifs de piégeage sur ces terres. Cette nouvelle division du territoire ne tient cependant pas compte des pratiques traditionnelles d’occupation et ultimement, a pour effet de limiter la mobilité des Premières Nations et la dimension des territoires de trappe.
LA DÉCOUVERTE DU MINERAI DANS LE NORD
Ceci est l’histoire de Tshishennish-Pien et des Pères Babel et Arnaud. Vous ne trouverez cette histoire nulle part dans un livre car avant que le Blanc nous enseigne sa culture, nous les Indiens, n’avions jamais vécu de telle manière que nous écrivions pour raconter les choses du passé. À présent que le Blanc nous a enseigné sa façon de vivre et qu’il a détruit la nôtre, nous regrettons notre culture. C’est pour cela que nous songeons, nous aussi les Indiens, à écrire comme le Blanc. Et je pense que, maintenant que nous commençons à écrire, c’est nous qui avons le plus de choses à raconter puisque nous, nous sommes aujourd’hui témoins des deux cultures. Le Blanc dit vrai quand il dit : « L’Indien n’a pas de livres. » C’est vrai, l’Indien n’a pas de livres mais voici ce que je pense : chaque Indien possède des histoires dans sa tête, chaque Indien pourrait raconter la vie que nous vivions dans le passé et la vie des Blancs que nous vivons à présent, il pourrait dire à quel point le Blanc nous a trompés depuis que c’est lui qui nous administre. À mon avis, aujourd’hui c’est plutôt à nous qu’il revient de prendre la parole dans les journaux et à la télévision parce qu’ici, dans notre territoire, il n’y a aucun Blanc qui sache mieux que l’Indien comment les choses se passaient avant l’arrivée du premier Blanc dans le Nord.
Chose certaine, l’exploitation et la réglementation des nouveaux territoires soumis à la colonisation ont pour conséquence directe d’encourager la création de réserves. En effet, devant l’invasion de leurs territoires, différentes communautés se résignent parfois elles-mêmes à demander que certains territoires leur soient réservés. Cette décision ne les protège pas toujours efficacement. Progressivement s’impose d’ailleurs l’idée que, sous des dehors de protection, les réserves ont pour fonction véritable de libérer le territoire de la présence autochtone pour favoriser l’exploitation des ressources naturelles. « Il y a eu aussi… […] ce qu’on pourrait appeler des règlements et des politiques qui venaient enlever l’exercice de nos droits fondamentaux, de vivre sur le territoire. Et on a eu énormément de difficulté à continuer de vivre de ce mode de vie-là. La chasse, la pêche, le trappage. Et puis d’occuper le territoire, t’sais, parce que là, on occupait le territoire, mais on était à… sur le chemin compagnies forestières, sur le chemin de l’Hydro-Québec, sur le chemin des compagnies minières. Il fallait nous… nous tasser. Il fallait nous exclure. » Richard Kistabish, nation anishnabe
De nos jours, vous entendez le Blanc dire : « C’est le Père Babel qui a découvert le minerai de fer. » Voici ce que j’en pense. Quand le père Babel a songé à venir ici dans notre territoire, qui l’a amené dans le Nord? C’est l’Indien montagnais. C’est la même chose pour le Père Arnaud, quand il a songé à venir à l’intérieur des terres, c’est aussi l’Indien qui l’a amené et c’est l’Indien qui l’a nourri pendant une année entière, en chassant toutes les espèces d’animaux indiens. Si le Père Arnaud et le Père Babel avaient pu se débrouiller seuls quand ils sont venus dans le Nord, ils n’auraient probablement pas pris d’Indiens avec eux : ils seraient venus tout droit dans le Nord, par leurs propres moyens.La Loi concernant les terres réservées aux Sauvages de 1922 viendra confirmer cette impression. De fait, si elle porte de 230 000 à 330 000 acres la superficie des terres publiques mises de côté pour l’usage des Indiens, cette même loi prévoit que les nouvelles réserves ne peuvent être créées sur des espaces où des concessions forestières ont déjà été accordées. Or, de tels espaces n’existent pratiquement plus dans le Moyen-Nord québécois, ce qui limite la taille des nouvelles réserves ou les confine aux régions encore plus isolées vers le nord.
Quand on a annoncé qu’il y aurait une fête là-bas, en ville, nous avons été invités nous aussi à aider aux préparatifs. On a demandé aux Indiens de dresser une tente et aux Indiennes de cuisiner, de préparer des fèves au lard et de faire cuire de la bannique dans le sable. Aujourd’hui que nous vivons la vie du Blanc, quand nous faisons une fête, on n’y mange toujours que des fèves. Quand autrefois nous vivions notre vie d’Indiens, si nous faisions un makushan (banquet rituel), c’était de la graisse de caribou que nous mangions. Il n’y a rien de meilleur que la graisse de caribou, et les fèves au lard ne peuvent se comparer à la graisse de caribou. Avant de commencer la fête, on nous a demandé – hommes, femmes et enfants – de nous habiller à la manière indienne d’autrefois et on a costumé un Indien comme un père oblat d’autrefois. La tente qu’on avait dressée était une shaputuan mais à l’intérieur, manquait la graisse de caribou. Dans la shaputuan se trouvent des Indiens : ce sont eux qui attendront les deux familles montagnaises qui vont arriver à la shaputuan en canot. Et c’est aussi là qu’on amènera, en canot, l’homme costumé en missionnaire.  La participation des Autochtones au développement du Québec Si la tendance dans le Québec post-1867 est d’effacer les Autochtones du discours public, les Premières Nations et les Inuit sont tout de même bien présents sur le territoire et fréquemment en contact avec les Allochtones. La traite des fourrures est longtemps restée l’activité privilégiée pour favoriser la collaboration et les échanges économiques, mais aussi culturels. De 1668 à 1970, la Compagnie de la Baie d’Hudson aura ouvert plus de 80 comptoirs de traite de fourrure à travers le territoire du Québec. Elle sera même présente chez les Inuit à partir des années 1830, le premier comptoir voyant le jour à Fort Chimo (Kuujjuaq). Bien que loin d’être toujours égalitaire, cette coopération économique entre Autochtones et Allochtones nécessite et génère des rapports respectueux entre les peuples, ce qui bénéficie généralement aux deux parties. De fait, tant que la traite des fourrures est possible, elle sera bénéfique aux peuples autochtones semi-nomades qui peuvent ainsi maintenir leur mode de vie. En contrepartie, chez les Allochtones, la traite permet la constitution d’importantes fortunes, qui contribuent sans l’ombre d’un doute à l’essor du Québec et du Canada.
À l’arrivée des deux familles indiennes près de l’endroit où se trouve la shaputuank, nous voyons le prêtre arriver lui aussi, amené en canot par un Indien. À leur arrivée, les deux familles débarquent de leurs canots et serrent la main de tous les gens de la shaputuan. Quant à l’Indien déguisé en prêtre d’autrefois, il débarque lui aussi du canot et serre, lui aussi, la main de tous les Indiens. L’individu costumé en prêtre était la réplique du Père Babel et celui qui l’avait amené en canot était la réplique de l’Indien qui a amené le Père Babel dans le Nord. La fête du minerai, à Schefferville, a duré environ trois jours. Le premier jour, Trudeau est venu voir la célébration, car c’est à ce moment-là qu’allait sortir cette histoire inédite qui veut que le découvreur du minerai de fer, ici dans le Nord, soit le Père Babel. L’après-midi, avant que les gens rentrent chez eux, nous avons entendu quelqu’un parler au micro, en français et en montagnais : « On célèbre aujourd’hui le centenaire de la découverte du minerai de fer dans le Nord par le Père Babel », a-t-on dit.  Les Autochtones participent également au développement économique du Québec par l’exploitation des ressources naturelles, souvent situées sur leur propre territoire. De fait, le développement de l’industrie forestière ayant réduit considérablement la possibilité de subvenir à leurs besoins par la traite des fourrures, de nombreux Autochtones (notamment des Anishnabek, des Atikamekw Nehirowisiw, des Abénakis et des Innus) se joignent aux équipes de bûcherons. Ils participent aussi à la construction des infrastructures liées à la colonisation, telles que les barrages ou les chemins de fer. Lorsque les pourvoiries et les clubs privés sont créés, la connaissance fine qu’ont les Autochtones du territoire leur permet également de guider les nouveaux occupants à qui le gouvernement cédait de vastes espaces. « Les Atikamekw, y bûchaient beaucoup sur le territoire han ! C’était leur seule source de revenus. […] Y’avait des grands clubs privés, là, qui arrivaient là, sur le territoire, là, à McTavish. Fait qu’y’ont bâti pour ces associations-là qui regroupaient des professionnels, des médecins, des avocats, des juges, des… même un ministre […] Ça l’a créé de l’emploi, les gens qui arrivaient sur le territoire, ben ils les faisaient travailler, préparer les billots, nettoyer le territoire. […] Au fil des ans, les Atikamekw y’ont participé au développement, parce que y’avaient des possibilités d’emploi là, pis que c’était sur leur territoire. » Lucie Basile, nation atikamekw nehirowisiw
Après avoir entendu cela, j’étais étonnée : jamais je n’avais entendu mon père, ni d’autres Indiens, ni les Ainés raconter cette histoire. Mon père est très âgé, il a quatre-vingt-onze ans. Je l’ai maintes fois entendu raconter tout ce qu’il a vu et les histoires qu’il a entendues concernant les générations passées. À l’âge qu’il a aujourd’hui, j’étais heureuse d’écouter mon père raconter les choses du passé. Il n’y a pas que lui qui détienne des histoires, il y avait aussi son père, son grand-père et son arrière-grand-père. C’est à cause de cela que lui-même possède des histoires qui racontent comment les choses se passaient dans le Nord avant qu’un seul Blanc n’y vienne.  Les Autochtones sont aussi présents lorsque les prospecteurs miniers partent à la recherche de nouveaux gisements, découvrant parfois eux-mêmes les métaux dans leurs sous-sols. « Je pense qu’en ce qui concerne l’exploration et le développement, [les géologues] n’auraient pas été en mesure de réaliser ce qu’ils ont réalisé s’ils n’avaient pu compter sur la présence de personnes qui connaissaient très bien la région et […] qui ont partagé certaines de leurs connaissances… Je ne pense pas que quiconque aurait pu contribuer à quelque forme d’exploitation ou de développement dans la région, sans cette expertise, sans ces connaissances. » Glenda Sandy, nation naskapie À une époque, l’artisanat autochtone se popularise et devient une source de revenus importante pour les membres de certaines nations. D’autres développent des expertises particulières, comme les monteurs de hautes charpentes métalliques chez les Mohawks. Depuis leur participation à l’édification du pont ferroviaire Saint-Laurent traversant le fleuve à Kahnawàke en 1886, ces ouvriers spécialisés dans l’acier ont œuvré sur un grand nombre de chantiers américains. Ce sera le cas notamment de ceux du pont de Québec au début du 20e siècle, de l’Empire State Building à New York dans les années 1920 et du World Trade Center à la fin des années 1960.
À la fin, chacun est rentré chez soi. En arrivant chez nous, mon mari et moi avons commencé à parler de la nouvelle que nous venions d’entendre. Pendant que nous en parlions, mon père est entré. À son arrivée chez nous, je lui ai aussitôt raconté ce que j’avais entendu dire. Je n’avais pas encore terminé ce que je voulais lui raconter que mon père s’est mis à rire puis il m’a dit : « Voyons, n’écoute pas ce mensonge. L’histoire que tu as entendue aujourd’hui, le Blanc vient de l’inventer. » Mon père m’a dit encore : « À présente moi je vais te raconter l’histoire, écoute-moi attentivement. » Nous les Indiens, nous avons entendu dire que les Pères Babel et Arnaud ne sont venus dans le Nord que dans un but religieux : ils sont venus voir les Indiens qui s’y trouvaient pour leur enseigner la religion et pour les baptiser, ici à l’intérieur des terres. Jamais nous n’avons entendu dire que les deux prêtres qui sont venus ici cherchaient du minerai et jamais nous n’avons entendu l’histoire selon laquelle le Père Babel aurait découvert du minerai dans le Nord. Mon père a ajouté : Et même s’il était vrai que le Père Babel ait découvert du minerai ici dans le Nord, je pense, moi, que ce n’est pas son nom à lui mais celui de l’Indien qui l’a amené dans le Nord qui devrait être associé au minerai qu’on y a découvert. Quand le Père Babel a songé à venir ici, il n’aurait jamais pu s’amener à l’intérieur des terres par ses propres moyens et il n’aurait jamais pu prendre soin de lui-même tout seul, dans une tente, pendant une année entière. L’image que vous voyez aujourd’hui accroché au mur dans la salle des Chevaliers de Colomb représente le Père Babel et une famille montagnaise. Quant à l’Indien, il s’agit de celui qu’on appelle Atsapi Antane.  En dépit de ces faits avérés, bien peu de choses ont été écrites sur les relations entre les Autochtones et les Allochtones dans le contexte de la colonisation. Pourtant, le développement de certaines régions comme la Mauricie et l’Abitibi-Témiscamingue ont provoqué des rencontres et des relations, parfois soutenues, entre eux. Les recherches de l’historienne Sylvie LeBel ont d’ailleurs démontré la présence d’Autochtones (Atikamekw Nehirowisiw, Abénakis et Anishnabek) dans plusieurs paroisses mauriciennes durant le dernier tiers du 19e siècle, et ce, même si les rapports paroissiaux demeurent discrets à ce sujet. Le souvenir des contacts entre Anishnabek et Canadiens français au début de la colonisation abitibienne et l’existence d’un village mixte sur la Côte-Nord (Moisie) confirment également la cohabitation et les relations existantes. « Avant Mani-Utenam, il y avait le petit village de Moisie, là, à la pointe. Ouais. Nous, qu’on appelle Metsheteu, là. Pis à l’époque, nos parents, nos grandsparents, avant Mani-Utenam, ben c’est là qu’ils demeuraient, t’sais. Avec les Blancs, à l’époque. […] Alors, on nous raconte qu’il y avait des Blancs, pis des Innus, qui vivaient ensemble. Ce n’était pas une réserve, c’était un village où les gens avaient décidé de s’installer là. Parce qu’à l’embouchure de la rivière Moisie, il y avait du saumon en été, il y avait de la morue aussi, là, que les gens pouvaient aller pêcher. » Réginald Vollant, nation innue

9 Replies to “Lecture comparée”

  1. Ces extraits nous mènent vers la conclusion que l’Homme blanc est égoïste. Poser des gestes moraux n’est qu’une autre illusion à la crue réalité dans laquelle on vit. L’information est un outil puissant, puisqu’elle n’est que très rarement mis en doute. Elle peut devenir une arme de propagande pour les gouvernements. L’URSS et l’Allemagne nazie avait recours à des méthodes de la sorte pour complètement manipuler les jeunes enfants qui n’avaient rien demandé. L’information ne devrait jamais être manipulée, même si elle ne nous donne pas avantage.

  2. C’est incroyable comment l’être humain n’a pas de limite et peut être tellement cruelle envers une autre personne juste pour avoir le dessus et obtenir ce qu’il veut. Quand les colonisateurs sont arrivés, ils n’ont pas essayé de comprendre le pourquoi du comment, mais on tout de suite prit avantage sur la gentillesse des peuples autochtones. Malgré les traitées qu’il y a eu, les européens n’ont jamais complètement respectés leur part d’attente parce qu’ils en voulaient toujours plus. Aujourd’hui, le gouvernement est incapable de reconnaître ses torts du passé pour pouvoir avancer dans un bon angle avec les autochtones et ça se voit qu’ils ne veulent pas avancer parce que le ministre qui s’occupe des autochtones est un blanc.

  3. Comme quoi le rapport dominant-dominé n’a ni frontière, ni époque. Lorsque l’Homme peut utiliser une supériorité sur un rapport de force, il ne se pose pas de question et se permet tout ce qui lui est possible pour arriver à ses fins. Les colons ont envahi l’Amérique et déraciné les peuples autochtones pour leur intérêt propre et sans se soucier de l’empreinte qui en résulterait et cette empreinte, ce sont surtout des victimes. Les Autochtones ont subit et subissent encore, dans une moindre mesure, l’arrivée des colons d’Europe. Privés par la force de leurs modes de vie, évangélisés par une Eglise qu’ils ne connaissent pas et réquisitionnés de leurs terres, encore aujourd’hui pour enrichir «l’étranger».

  4. J’ai un peu l’impression de devoir faire un exercice présent dans le chapitre sur le hiphop. Nous avons à faire à des riches capitalistes, ayant aucune compassion humaine, et à un peuple déraciné, dénaturé et bafoué du revers de la main en un rien de temps. Le Canada a fait un rapport, pour se laver les mains du sorts des Premiers Peuples. Se rapport déresponsabilise les Canadiens, ils n’ont qu’a se dire, que c’est ainsi qu’ils ont interprétés leurs gestes et que c’était le meilleur à faire pour le Canada ; économiquement bien sur! Du coté des Premiers Peuples, il est à mon envie impossible d’évoquer la mauvaise interprétation. Le fruits de leur attention envers leurs animaux, leur terre, leur culture, et leur langue, fut un vol sadique. Un dépouillement sans aucun respect et consultation.
    Une réconciliation sera peut-être possible un jour, mais avant d’obtenir une relation de reconnaissance, d’échange et de réciprocité il faudra que les Canadiens assument et avouent ne jamais avoir consulter qui que ce soit avant de s’emparer de ce qui définitivement ne lui appartenait pas, contrairement à ce que certains pensent encore aujourd’hui. Il faudra un changement de pôle radicale dans la tête des Canadiens pour que ces derniers ne fasses plus de racisme systémique et respect la philosophie de vie des Premiers peuples parce que non, ce ne sont pas des sauvages. Le chemin sera long et escarpé, mais visons l’harmonie et le vivre ensemble.

  5. Encore une fois, nous pouvons certainement faire des liens très fort avec les leçon précédente. Surtout lorsque nous parlons de dominés, dominants. Il est clair que les Autochtones sont dominé. Nous avons imposés sur eux nos choix, nos décision comme si tout nous appartenait. Pire nous avons voulu faire d’eux des gens comme nous, au lieu de les inclure, de les prendre dans leur état pur, nous avons voulu les changer les assimiler pour encore une fois avoir du pouvoir sur eux. Il est important de comprendre notre implication ne les ont jamais aidé et même au contraire, cela les à nuit. les autochtones ont vu une destruction de leur culture par des hommes voulant le pouvoir, en leur volant leur terre. Le racisme vécu ici est le même que nous avons vu dans le hip-hop. Nous les avons dénigrer, mis leur statu d’homme a de simple sauvage. je reprend une phrase plus haut, mais qui ne peut pas être mieux dit : Tant que leur liberté d’expression et leurs droit ne seront pas respectés il sera difficile d’envisager une réconciliation.

  6. Ces textes expriment une assez grande violence, on y retrouve comme avec le Hip-hop et les sorcières une relation de domination avec les Autochtones comme partie dominé. Les colons se sont emparés de leurs terres comme si tel était son droit, il a tenté d’assimiler ces peuples à sa propre culture afin de les rendre dépendant et de justifier son utilisation de leurs terres. Toutefois, les autochtones eux n’y ont rien gagné face à cette destruction et cette assimilation c’est toute une culture qui s’effondre. De plus, de cette nouvelle société seule certaines choses leur ont été enseigné, leur éducation à été restraint afin de mieux les contrôler, car comment se rebeller s’il on ne sait pas que l’on se sert de nous ? Une certaine ignorance face aux lois et aux principes fondamentaux du fonctionnement de cette société ainsi ils ne pouvaient se défendre. Je trouve particulièrement marquant le fait qu’ils aient été désigné comme des barbares et des sauvages aussi longtemps jusque dans les livres d’histoires et que cette partie de l’histoire soit autant effacée. Mais il est bien connu que le vainqueur écrit l’histoire à son avantage, il la détourne et se justifie lui-même. Tant que leur liberté d’expression et leurs droit ne seront pas respectés il sera difficile d’envisager une réconciliation, surtout quand on sait qu’à l’heure actuel ils vivent sur des terres qui ne leurs appartiennent pas.

  7. Ces extraits nous prouvent encore que la recherche de profits, le capitalisme, passe avant tout. En effet, c’est les intérêts économiques qui ont poussé le gouvernement canadien et québécois à tenter d’anéantir la culture autochtone afin d’accroitre leur industrie forestière, minière et électrique. Ils ont fait preuve d’ethnocentrisme, ils n’ont pas voulu s’intéresser à un peuple différent. En colonisant les Premières Nations, les colons ont vu les différences de celles-ci d’un œil négatif, car ils privilégiaient et valorisaient seulement leur propre modèle sociétal. Pourtant, ils auraient pu voir ces différences comme un moyen de partage et d’apprentissage de nouvelles façons de faire et de vivre. De cette façon, ils auraient pu découvrir un peuple où la nature et le mode vie d’autosuffisance sont valorisés et peut-être qu’aujourd’hui notre territoire riche en ressources naturelles serait beaucoup mieux préservé, et non en déclin environnemental comme il l’est présentement. D’ailleurs, de nos jours, la conception environnementale des Autochtones qui place la protection de la Terre-Mère et ses écosystèmes au cœur de leur mode de vie et traditions est de plus en plus sollicité par plusieurs scientifiques et exploité dans les organismes environnementaux.

  8. Je trouve anormal qu’on soit en 2020 et qu’on puisse voir cette différence de traitement et de droits que subissent les peuples autochtones et il est encore plus absurde qu’on ait détourné l’histoire, caché/relativisé des évènements et justifié l’injustifiable : la colonisation, la maltraitance, le racisme envers les peuples autochtones. Si la colonisation a eu lieu il y a très longtemps, ses effets négatifs semblent perdurer alors qu’on pourrait aisément vivre ensemble dans l’équité et le respect.

  9. C’est fascinant, mais aussi complètement tordu que l’histoire puisse être modifiée pour donner une meilleure image d’un peuple. Les Blancs ont su dissimuler la réalité et la cacher à ses futures générations. D’après moi, il est impossible de parler de réconciliation quand on ne connaît pas l’histoire réelle et quand on ne laisse pas les peuples autochtones, dominés, raconter leur version et leur réalité. On ne peut pas se réconcilier avec un peuple qu’on ne respecte toujours pas.

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