Commençons cette autre leçon par une définition.

FANTASME : Une production imaginaire qui représente le sujet dans un scénario déterminé à la manière d’un rêve où figure d’une manière plus ou moins voilée un désir.

Dans la citation suivante, tirée du traité de démonologie de Pierre de Lancre,

  1. Identifiez ce qui vous semble relever du fantasme.
  2. Commentez.

Mais c’est merveille, que pensant faire quelque grande horreur à des filles et des femmes belles et jeunes, qui semblaient en apparence être très délicates et douillettes, je leur ai bien souvent demandé, quel plaisir elles pouvaient prendre au sabbat, vu qu’elles y étaient transportées en l’air avec violence et péril, elles y étaient forcées de renoncer et renier leur Sauveur, la sainte Vierge, leurs pères et mères, les douceurs du ciel et de la terre, pour adorer un Diable en forme de bouc hideux, et le baiser encore et caresser ès plus sales parties, souffrir son accouplement avec douleur pareil à celui d’une femme qui est en mal d’enfant : garder, baiser et allaiter, écorcher et manger, les crapauds : danser en derrière, si salement que les yeux en devraient tomber de honte aux plus effrontées : manger aux festins de la chair de pendus, charognes, cœurs d’enfants non baptisés : voir profaner les plus précieux Sacrements de l’Église, et autres exécrations, si abominables : que les ouir seulement raconter, fait dresser les cheveux, hérisser et frissonner toutes les parties du corps : et néanmoins elles disaient franchement, qu’elles y allaient et voyaient toutes ces exécrations avec une volupté admirable, et un désir enragé d’y aller et d’y être, trouvant les jours trop reculés de la nuit pour faire le voyage si désiré, et le point ou les heures pour y aller trop lentes, et y étant, trop courtes pour un si agréable séjour et délicieux amusement. Que toutes ces abominations, toutes ces horreurs, ces ombres n’étaient que choses si soudaines, et qui s’évanouissaient si vite, que nulle douleur, ni déplaisir ne se pouvait accrocher en leur corps ni en leur esprit : si bien qu’il ne leur restait que toute nouveauté, tout assouvissement de leur curiosité, et accomplissement entier et libre de leurs désirs, et amoureux et vindicatifs, qui sont délices des Dieux et non des hommes mortels.

« De la danse des Sorciers au Sabbat », par Pierre de Lancre, Conseiller du Roy au parlement de Bordeaux (1613)

Qui sont ces hommes, démonologues et inquisiteurs, et que représentent-ils ?

Le Marteau des sorcières ou Malleus Maleficarum , de Henry Institoris et Jacques Sprenger 1485, réédition avec présentation et traduction d’Armand Danet, Plon, 1973.

Henry Institoris ou Heinrick Kramer, entré au couvent dominicain de sa ville natale puis élu prieur de ce même couvent, il se fait remarquer par son zèle exacerbé dans la chasse aux sorcières en tant qu’inquisiteur. À Rome, en 1479, il reçoit le grade de docteur en théologie.

Jacques Sprenger, inquisiteur dominicain qui aurait écrit avec Henri Institoris (Heinrich Kramer) le Malleus Maleficarum (le Marteau des sorcières) édité à Strasbourg en 1486 : un ouvrage sur la sorcellerie d’abord commandé par le pape Innocent VIII avant d’être interdit par l’Église catholique romaine en 1490. Ce docteur en théologie, prieur du couvent dominicain de Cologne, professeur à la faculté de cette ville était un homme extrêmement instruit.

De la démonialité des sorciers, de Jean Bodin Paris, 1582.

Jean Bodin, né en 1529 ou 1530 à Angers et mort en 1596 à Laon, est un jurisconsulte, économiste, philosophe et théoricien politique français, qui influença l’histoire intellectuelle de l’Europe par ses théories économiques et ses principes de « bon gouvernement » exposés dans des ouvrages souvent réédités.

La Démonolâtrie , de Nicolas Rémy 1582.

Nicolas Remy, né vers 1525-30 et décédé en avril 1612, est un avocat, procureur général, historien, diplomate et auteur lorrain de la fin du XVIᵉ siècle. Il est l’auteur de la Démonolâtrie.

Discours exécrable des sorciers , de Henri Boguet Lyon, 1602.

Henry Boguet, est un grand-juge de Saint-Claude, aux confins du comté de Bourgogne, et un légiste très reconnu en son temps.

Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, où il est amplement traité des sorciers et de la sorcellerie , de Pierre de Lancre Paris, 1612, réédition Aubier-Montaigne, 1982.

Pierre de Rosteguy de Lancre est un magistrat français né à Bordeaux en 1553 et mort en 1631, surtout connu pour avoir participé à un épisode de chasse aux sorcières dans le Labourd, au Pays basque.

Voir : Traités de magie noire et manuels d’inquisition

One Reply to “La hantise de la lubricité des femmes”

  1. Un paradoxe se dessine. L’Église contrôlait la sexualité de manière à salir le désir sexuelle ou simplement les pensées de cette nature. Dans cet extrait, par contre, nous témoignons une description sexuelle qui suggère un désir plus profond (selon mon interprétation). Pourquoi aurait-il de telles pensées si ce n’est pas pour sa propre sexualité? L’auteur décrit en effet de belles femmes qui caressent le sexe du démon. Pourtant, ce n’est pas lui qui est condamné pour une telle pensée, qui autrement serait juger immorale par l’Église. C’est la femme qui brûle au bûcher qui paie pour son péché. De cette manière, le feu qui purifie supposément l’âme de la femme au bûcher symbolise aussi la purification des pensées perverses de l’homme. Bref, en brûlant la sorcière, il élimine sa culpabilité.

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