L’image placée en entête pour cette leçon est intéressante car elle va dans le même sens que les explications de Silvia Federici.
Revenons sur certains éléments de théorie concernant le marxisme afin de bien comprendre le changement de signification que propose l’auteure grâce à sa lecture féministe.
Le capital est une richesse utilisée pour produire une richesse supplémentaire. Une des conséquences de l’utilisation du capital est son effet sur les rapports sociaux entre les personnes.
- Auriez-vous des exemples en tête?
Le concept d’accumulation primitive implique l’idée que le capitalisme n’aurait pas pu se développer sans une concentration préalable de capital et de travail. C’est ainsi que Marx associe l’accumulation primitive à l’exploitation des travailleurs sur les terres ou dans les usines.
D’un point de vue marxiste, c’est la séparation entre les travailleurs et les moyens de production et non la frugalité des riches qui est la source de la richesse capitaliste. Entendez frugalité dans le sens où il n’est pas rare d’imaginer que la personne qui devient riche dans notre société développe son capital grâce à ses propres sacrifices. Ce jeu de représentations interposés est instructif. Nous verrons dans le contexte du problème de la résistance politique comment il s’articule.


- Comparez et commentez ces deux images.
Or Silvia Federici va beaucoup plus loin car s’il y a bien séparation entre le travailleur et les moyens de production dans le contexte du capitalisme, il y a aussi et surtout séparation pour la femme entre elle-même et son propre corps.
D’où le transfert de la lutte des pouvoirs vers une lutte entre les genres, l’instauration du patriarcat et l’assujettissement des femmes. D’où leur association au domaine de la Nature et leur enfermement dans la domesticité pour être réduite à la reproduction de travailleurs. Ce à quoi aurait servi la chasse aux sorcières caractérisant le passage de la féodalité au capitalisme.
- Que pensez-vous de cette thèse?
Voyez la leçon suivante car une autre thèse forte et dérangeante, énoncée cette fois par Armelle Le Bras-Choppard nous attend.
La thèse de Federici sur la rationalisation capitaliste de la sexualité est à mes yeux d’autant plus enrichissante lorsqu’elle est mise en juxtaposition avec la rationalisation capitaliste du féminisme. La capitalisation de sujets qui, à la base, se doivent d’être intersectionnels et ne doivent en aucun cas être touchés par une hiérarchisation dénaturalise l’essence même du féminisme et de la sexualité. En ce qui a trait à la sexualité, la thèse établie par Silvia Federici est extrêmement pertinente quant à l’explication de la destruction du pouvoir social des femmes dans le but de renforcer le système patriarcal et d’assurer la suprématie masculine dans le contrôle du corps féminin. En ce sens, j’établis un lien entre l’instrumentalisation de la sexualité des femmes comme outil de marginalisation et la capitalisation du féminisme : « Complices actives de l’ordre capitaliste racial, les féministes civilisationnelles n’hésitent pas à apporter leur soutien à des politiques d’intervention impérialistes, à des politiques islamophobes ou encore négrophobes » (Vergès, 2019, p. 22)*. L’avènement du capitalisme dans les mouvements sociaux pourrit leur signification première; l’assujettissement est nécessaire à la hiérarchisation, ce qui fait en sorte qu’aucun sujet n’est réellement inclusif et universel tant et aussi longtemps que l’influence du capitalisme est présente.
* Vergès, F. (2019). Un féminisme décolonial. Paris : La Fabrique
(extrait de journal de bord) La thèse de Federici présente une approche sur le passage de la féodalité au capitalisme que je trouve à la fois intéressante, et crédible. En lisant l’article de Federici, on a l’impression de pouvoir expliquer notre société actuelle à l’aide du phénomène des sorcières. Les liens qui existent entre le patriarcat et le rôle des femmes dans la société, avec les sorcières de l’époque sont inévitables et on ne peut les ignorer. Le capitalisme commence à prendre place ce qui demande une main d’oeuvre efficace et nombreuse. Pour produire, il faut des travailleurs et ces gens sont issus de classes sociales plus basses et fondamentalement, ils sont issus de leurs mères. La femme a donc le rôle de procréer : première séparation de la femme entre elle-même et son propre corps. Dans cet état d’esprit, il n’y a aucune raison que la production de main d’oeuvre pour laquelle la femme devrait participer aux activités sexuelles. D’après moi, l’interdiction d’actes sexuels autres que ceux ayant ce motif n’était pas autant en lien avec le diable et la religion qu’avec une tentation de contrôler la femme, son statut social, et son corps. C’était donc plus une volonté du système politique et socio-économique qu’est le capitalisme que celle de l’Église.